En cochant en 2025 tous les agrégats de déclassement (sauf heureusement en sport), en étant au bord d’une implosion qui ne dit pas son nom, en étant rongée par un « adultère démocratique » entre les élites et l’opinion, et en plongeant dans un contexte international d’une tension et volte-face inédites depuis l’élection de Donald Trump, notre Nation se trouve, peut-être, dans en posture pire que celle de 1958.
Appartenant à la génération dont les parents ont connu tour à tour la Seconde guerre mondiale et la Guerre d’Algérie, puis la série des référendums constituants de 1945, 1946, 1958 et de 1962, j’affirme que la similitude de notre situation en 2025 est troublante avec la menace de chaos que notre Nation frôlait en 58, au terme de vingt piteuses années (déclassée par le Régime de Vichy, puis par l’impuissance de la IV e République à en finir avec le problème algérien).
Aux mêmes maux, les mêmes remèdes. En politique, la médecine de choc s’appelle toujours la démocratie directe.
Il a fallu en 1958 qu’il revienne à l’Homme du 18 Juin de proposer au Peuple français un « choc référendaire », à défaut d’un chaos national. C’est déjà ce qu’il avait proposé en 1945, par le référendum du 21 octobre. A chaque fois, le général de Gaulle a fait privilégier, sur le juridisme des conservateurs - syndics de faillites, la lettre et l’esprit de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que notre Peuple s’est auto-proclamé en 1789 sans qu’on l’y autorisa : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement ».
La seule manière de rendre aux citoyens la souveraineté absolue, sans autre limite que l’expression de la volonté générale par une majorité, de leur droit de concourir personnellement à leur destin, c’est bien par la voie du référendum populaire. C’est à cette voie de la démocratie directe que le général De Gaulle a obéi.
Pour rendre au Peuple son dernier mot, lequel, sous une République et en démocratie, ne peut que revenir qu’au Peuple, le général de Gaulle a fait fi du juridisme. Cette maladie du conservatisme d’hier, du technocratisme d’aujourd’hui, est exactement celle que, pathétiquement, le marquis de Dreux-Brézé tenta d’opposer aux députés du Tiers-Etat réunis en salle du Jeu de paume, le 23 juin 1789.
Les petits marquis de la technocratie ne portent plus de perruques, mais ils en ont conservé les mêmes réflexes corporatistes, pour tenter, par leurs vains arguments de juridisme, de s’opposer, une nouvelle fois, à rendre sa souveraineté au Peuple.
Pour sortir d’un chaos national qui se rapproche, de mois en mois, et dont on peut craindre qu’il ne soit pas trop tard d’attendre jusqu’en 2027, j’espère un choc référendaire.
Un choc référendaire pour éviter, comme en 45 ou 58, les conséquences incalculables pour les générations futures qu’auraient l’effondrement de notre pays, avec, cette fois-ci, une menace de tutelle du FMI, remplaçant la menace de l’AMGOT (1) à laquelle notre déclin menaçait de nous reléguer en 1944. Substitution qui ne vaudrait pas mieux pour nos compatriotes.
Regardons en face les choix salutaires du général de Gaulle.
Où était écrit dans la Constitution de 1875 (la III e République) le motif du général de Gaulle à rendre au Peuple son pouvoir référendaire, qui plus est constituant, le 21 octobre 1945 ? Aurait-on la mémoire courte pour avoir oublié que presque tous les partis de la III e appelaient à voter « non » à la 1ère question à laquelle le Peuple a répondu « oui » à 96 %.
Où était écrit dans la Constitution de 1946 (la IVème) le motif du général de Gaulle à rendre au Peuple son pouvoir référendaire du 28 septembre 1958, contrairement au juridisme de l’article 90 d’alors ? Aurait-on la mémoire courte pour avoir oublié que presque tous les partis de la IV e appelaient à voter « non », alors que le Peuple a voté « oui » à 82 %.
Et le référendum constituant de 1962 ? Que n’a-t-on entendu des apôtres du juridisme, héritiers des mêmes censeurs qui se plaignaient, en 1945, que les lois du 25 février 1875, du 21 juin 1879, du 14 août 1884 et du 10 août 1926 « relatives à l’organisation des pouvoirs publics » (lois constitutionnelles de la III e) n’autorisaient pas de « référendum », forcément « plébiscitaire » (sic) ? Les voilà qui dénonçaient en 1962 l’« inconstitutionnalité » -rien que cela - d’un référendum de l’article 11 de la Constitution adopté en 1958 pour « soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics », exacte formule de la IIIème République ! Encore des marquis de Dreux-Brézé, sans perruque, mais à la même tentative d’obstruction. Le Peuple, dans sa nouvelle salle du Jeu de paume, leur a rétorquer un « oui » à 62 %. Comme si l’élection du 10 mai 1981 de l’auteur du « Coup d’Etat permanent » n’avait pas constitutionnalisé, pour une quatrième fois depuis 1965, cette révision légitime de l’article 6 de la Constitution, adoptée par la voie du référendum constituant de 62, on entend encore, ça et là, des descendants du marquis de Dreux-Brézé affirmer que l’article 11 de la Constitution ne pourrait décider du sort de la Nation sur tel ou tel sujet dont nos compatriotes se soucient pourtant !
Le propre de l’idéologie du juridisme est de ne jamais désarmer, lui préférant la boutade de Brecht : « Puisque le Peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le Peuple ». Maxime gravée au fronton de toute technocratie à mode électif à la place de notre devise révolutionnaire.
Le point commun des chocs référendaires que le général de Gaulle recommanda au Peuple français comme voies de salut et de sursaut, en 45, en 58 ou en 62, à défaut d’un nouveau chaos national ou pour l’en prémunir, est d’y avoir clairement préparé nos compatriotes, comptables seuls du destin de leur Nation, munis des enjeux et éclairés des avis de tous bords, y compris des petits marquis technocrates les mettant en garde contre leur droit de vote.
C’est pourquoi, si notre Nation ne s’effondre pas avant, il faudra que revienne, lors de l’élection de mai 2027, à un candidat habité par la grandeur de notre Nation, d’associer sa campagne et son élection à ce qui devrait être cet unique enjeu de 2027.
Il devrait proposer sitôt élu, dès juin 2027, par la voie d’un référendum constituant, de rendre au Peuple français son « droit naturel, inaliénable et sacré » à avoir le dernier mot, souverain, sur tout Ordre juridique. Et proposer de généraliser, à l’occasion de cette révision constitutionnelle, le recours au référendum ou votation (sur initiatives citoyennes sur le modèle suisse, comme sur initiatives des autorités politiques), pour valider ou abroger toutes normes (des actes de collectivités locales, des lois nationales comme des actes européens ou des traités).
Alors l’élection de 2027 méritera d’être inscrite dans les livres d’Histoire. Sinon, il faut craindre que ce rendez-vous, passant à côté d’une chance refusée aux Français, risquera de rejoindre un nouveau « mai 40 » de la politique. ■
1. Allied Military Government of Occupied Territories