Encore souvent méconnu et mal compris le biométhane est un biogaz épuré jusqu’à la qualité de gaz naturel. Energie renouvelable qui s’inscrit dans un cercle vertueux, le biométhane est directement produit à partir de la fermentation de déchets agricoles (lisiers, fumiers, déchets céréaliers, …), de déchets industriels ou organiques (déchets urbains des ménages et des collectivités), de déchets ménagers « classiques » et des boues des stations d’épuration. Après avoir été collectés, triés, brassés, ces déchets organiques connaissent une phase de méthanisation dans un digesteur. Lors de la fermentation, les bactéries se transforment en biogaz et une fois odorisé, épuré et sa pression régulée, ce biogaz est alors valorisé de quatre façons différentes : en chaleur, en cogénération (chaleur + électricité), en l’injectant dans les réseaux de gaz pour une utilisation similaire à celle du gaz naturel (chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson, électricité) ou pour servir de carburant. Toutefois rappelait le député François-Michel Lambert (SRC, Bouches-du-Rhône) dans un rapport de 2013 « le procédé de méhanisation est actuellement long, mais des avancées technologiques sont attendues pour en limiter les coûts. Les frais liés à l’extension des canalisations paraissent, en revanche, difficilement compressibles, mais ne représentent en général qu’une proportion limitée des coûts d’investissement d’un projet » (1).
Reste que le fait de collecter et traiter ces déchets organiques qui produisent naturellement du méthane en se dégradant participe ainsi à réduire les gaz à effet de serre. Enfin, le digestat, cet engrais naturel (95 % du volume entré dans la méthanisation) peut être répandu sur les surfaces agricoles et remplacer les engrais chimiques, ce qui permet de préserver la qualité des sols et des nappes phréatiques. En ajoutant une couche de matière végétale en plus, il compense aussi les effets de l’érosion.
Les atouts du biométhane
Pour ses partisans, le biométhane n’a donc que des avantages. Ce gaz vert, affirment-ils, participera aussi à l’objectif de 23 % de la part d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie que s’est fixée la France à l’horizon 2020. Même si aujourd’hui, le biométhane ne représente que 1 % de la consommation de gaz en France, la loi de transition énergétique votée à l’été 2015 vise 10 % de biométhane injecté dans le réseau de gaz à l’horizon 2030. A cette même date, l’ADEME estime le potentiel annuel de biométhane entre 12 et 30 TWh. En tant que carburant, le biométhane pourrait aussi bénéficier de l’essor du GNV, carburant présentant de vrais atouts dans la lutte contre la pollution aux particules fines (-100 %) et les émissions de monoxyde de carbone (-80 % et -10 %) par rapport aux véhicules essence et diesel tout en assurant une autonomie de plusieurs centaines de kilomètres. Sans compter les évolutions technologiques attendues dans les prochaines années avec un biométhane 2G produit à partir de biomasse solide par gazéification, aujourd’hui au stade de projet mais qui pourrait représenter 35 % du gaz consommé en 2050. Pour l’ADEME, le biométhane carburant est « la valorisation la plus vertueuse du biogaz ».Selon GRDF, le gaz pourrait représenter 14 % de l’énergie consommée dans les transports en 2030.
Une dynamique en 2015
Encouragée au niveau européen, la production du biométhane s’est essentiellement développée en Allemagne et en Suède. L’Allemagne, disposant d’un réseau de gaz dense a choisi de privilégier l’injection dans son réseau pour sa flexibilité et des coûts compétitifs. Fin 2014, on recensait 178 sites raccordés au réseau. La Suède, en raison d’un maillage de son réseau plus faible, a pour sa part opté pour une autre technologie, celle du « GNL porté ». Le biométhane est liquéfié et transporté en camion-citerne jusqu’à son lieu de consommation : industriel, station-service, etc. 75 % des 59 sites utilisaient cette technologie en 2014. En France, explique le think tank France biométhane*, l’injection dans les réseaux, autorisée en 2011 puis adaptée en 2014, a connu une dynamique importante en 2015. En mars 2016, on comptait 19 stations opérationnelles avec une capacité de 271 GWh/an. Le réseau de distribution (GRDF et ELD) regroupe la majeure partie des projets (17 sur 19) tandis que le réseau de transport (GRTGaz et TIGF) regroupe les deux plus grosses unités de la filière. 11 de ces sites ont été inaugurés en 2015. Et « la tendance d’ici 2020 devrait se maintenir voire augmenter avec 600 demandes d’études en cours fin 2015 » se réjouit France Biométhane.
Une trop faible valorisation du biogaz
Fin 2014, 367 unités pour une capacité de 310 000 m3/h produisaient du biométhane en Europe.
Pour autant, les projets se heurtent parfois au mécontentement des riverains qui ne veulent pas de méthanisation près de chez eux en raison des émanations de fortes odeurs liées aux procédés de désodorisation. Enfin, pour François-Michel Lambert, « la principale difficulté de la filière tient à la faible valorisation du biogaz produit, ou plutôt quasiment subi : sur près de 7 TWh de production annuelle, 3 TWh sont passés à la torchère par manque d’organisation et de débouchés » expliquait-il en 2013. L’autre difficulté est celle de la collecte même si, depuis le 1er janvier 2012, les gros producteurs de déchets fermentescibles – collectivités territoriales comprises – sont tenus de les faire traiter en vue de faciliter leur retour à la terre sous forme d’amendements organiques. Avec « le risque de voir les méthaniseurs se tourner vers des matières propres et facilement accessibles de préférence aux déchets qu’ils peinent à collecter, comme cela se produit à l’étranger » note le député des Bouches-du-Rhône qui a toutefois pris acte lors des auditons menées à l’époque que les professionnels du secteur « ont semblé parfaitement en phase avec la politique française visant à faire de la méthanisation une réponse à l’accumulation des déchets et à la production naturelle de méthane par les décharges ». Ce qui ne doit pas nous empêcher de rester vigilants. ■
* Le think tank France biométhane « vise à accélérer l’acceptation sociétale et l’image du biométhane ». Il réunit experts, professeurs, chercheurs, universitaires, industriels, techniciens et financiers, à l’instar de Denis Clodic, co-lauréat du Prix Nobel de la Paix 2007 et d’entreprises comme Air liquide, GRDF, GRTgaz ou la Banque populaire d’Atlantique
(1) Rapport d’information n°1169 – juin 2013 de la mission sur la biomasse au service du développement durable – François-Michel Lambert et Sophie Rohfritsch