Dans un système de santé durablement transformé, à la fois par le numérique mais aussi par l’évolution des pratiques et des nouvelles approches thérapeutiques, le monde de la pharmacie et en particulier de l’officine sont condamnés à évoluer. S’il veut continuer à exister, le pharmacien doit non seulement suivre ces évolutions en adaptant son mode de fonctionnement mais surtout anticiper. C’est tout l’objet du rapport de la Commission Santé de la Fondation Concorde qui émet sa propre série de recommandations pour « une pharmacie d’officine modernisée et renforcée ».
Mais aujourd’hui de nouveaux paramètres sont déjà en partie et seront le quotidien des pharmaciens d’officine : pression toujours plus forte sur les marges, apparition de nouveaux traitements qui nécessitent une évolution des actes et parfois du métier avec le développement des objets connectés par exemple, la délégation des actes et les nouvelles missions du pharmacien notamment dans le domaine de l’observance. Et parce que l’officine est aussi un commerce de proximité, il faut encore « tenir compte de la concurrence accrue, tant de la grande distribution que des sites marchands » souligne la Fondation.
Justement, tenant compte de ces paramètres, pouvoirs publics et autorités de santé ont encouragé le développement de nouveaux services dispensés par le pharmacien comme par exemple les nouvelles activités rémunérées à l’acte. Pour autant, estime le rapport, cela ne suffira pas à « pallier l’érosion des marges et la baisse de l’activité de distribution ».
La vaccination trouvera sa place dans un système de santé en pleine révolution
Dans le même temps, « de nouvelles opportunités, nombreuses, apparaissent qui replacent le pharmacien au cœur d’une nouvelle organisation du diagnostic et du soin remarquent les rapporteurs. Un certain nombre d’entre elles ont été identifiées par la Fondation : évolution du dossier pharmaceutique, objets connectés, programmes d’observance et études dans la vie réelle, recueil, stockage et traitement des données de santé, etc. Toutes se positionnent le pharmacien comme la possible interface entre des services de santé connectés proposés par des opérateurs dont le nombre ne fera que croître et des consommateurs qui seront de plus en plus demandeurs d’un accompagnement personnalisé, humanisé et de proximité » explique Daniel Sereni, le président de la Commission Santé de la Fondation Concorde.
Parce qu’il « est très clair que le pharmacien n’a pas d’avenir en tant que simple fournisseur de boîtes de médicaments standardisés », il devra (re)trouver sa place dans un système de santé en pleine révolution, en fournissant encore plus de services. Quatre grands types de services nouveaux ou amplifiés connaissent déjà dans plusieurs pays un développement important ; et font la trame de la réflexion de la Fondation : la vaccination, la participation à l’aiguillage des patients dans le système de santé, les différentes actions liées à la pharmacovigilance et enfin, celles liées à l’amélioration de l’observance.
La vaccination, une évidence
La vaccination : « une évidence ». Sans bien sûr remettre en cause l’attribution de la vaccination aux médecins, « en desserrer l’exclusivité » serait la bienvenue dans l’intérêt de la santé publique estime le rapport. « La capacité, pour les pharmaciens qui le désirent et dans des zones à définir, de réaliser des actes de vaccination, serait ainsi de nature à accroître la couverture vaccinale de la population ». Pour la Fondation, il ne faut surtout pas voir là une forme de concurrence avec les médecins sur le vaccin « mais d’une intervention en complément ».
Orienter ensuite. Premier recours, le pharmacien pourrait s’appuyer sur la mise en place de « marches à suivre » lui permettant d’orienter le patient, en toute sécurité, vers le traitement ou l’équipe médicale adaptée sur la base d’un arbre décisionnel élaboré par les autorités de santé compétentes propose la rapport. Aujourd’hui, quatre millions de Français entrent chaque jour dans une officine, cette dernière est souvent le premier point de contact (et celui qui est le plus proche) en cas de problème de santé. « L’officine, estime le rapport, doit pouvoir les prendre en charge ou les aiguiller vers le médecin ou l’hôpital » avec une petite précision, « Il ne s’agit pas de faire un diagnostic, mais d’effectuer un premier triage nécessaire des patients ». Question pourtant : cela ne se fait-il pas déjà ?
Le pharmacien destinataire des données collectées par les objets connectés ?
Le rapport veut également voir les pharmaciens s’investir davantage dans la pharmacovigilance. Il est alors proposé de réfléchir à la mise en place d’entretiens pour faire le point sur la thérapie globale du patient (conciliation médicamenteuse) mais aussi de développer le suivi constant du patient via la récolte de données. « A l’avenir, le pharmacien pourrait être le destinataire, pour les patients qui en ont fait le choix, des données collectées par les objets connectés. Son rôle serait de détecter des problèmes éventuels et, dans bien des cas, de rassurer » précisent les auteurs.
Le rapport suggère encore d’améliorer l’observance des traitements qualifiée « d’éternel combat du pharmacien » et source de gaspillage, de coûts inutiles et parfois même d’inefficacité du traitement. Enfin, dans les déserts médicaux, pourquoi ne pas développer « la présence de cabine de téléconsultation au sein des officines » se demande la Fondation.
Mais les conditions du succès de la mise en place de ces nouveaux rôles « résident d’abord dans l’acceptation par le pharmacien lui-même de l’évolution de son métier ». La profession doit mettre au cœur de ses préoccupations le changement. Or, on constate souvent que le pharmacien n’est pas vraiment dans cet esprit-là et qu’il « a parfois du mal à prendre conscience que la recomposition du paysage de la proximité pourrait se faire sans lui ». Le pharmacien doit ensuite s’emparer pour se l’approprier de la délivrance dématérialisée, en plein développement. « Outre la simplification et l’accélération du processus pour le patient de l’envoi de la prescription par mail directement du médecin au pharmacien, on peut imaginer, propose le rapport, la livraison de médicaments à domicile ». « Ces différents niveaux d’automatisation permettraient au pharmacien de dégager du temps pour des actions à plus haute valeur ajoutée » complète-t-il.
Un nouveau rôle qui ne sera pas donné de droit
Les rapporteurs suggèrent encore de trouver les moyens d’une meilleure communication et collaboration entre officines, « pouvant aller jusqu’à prendre la forme de regroupement », ce qui se fait déjà plus ou moins ouvertement. Enfin, la Fondation mise sur le rapprochement entre pharmacie de ville et pharmacie hospitalière : « Il n’y aura pas d’ambulatoire efficace sans un réseau de ville organisé et étroitement coordonné par une pharmacie hospitalière. De façon générale, une collaboration active avec tous les autres professionnels de santé permettrait notamment d’éviter les ruptures de traitement et les erreurs ».
Si pour la Fondation, le pharmacien a un rôle à jouer dans le système de santé qui se dessine, et qu’il continuera plus que jamais à être « ce précieux intermédiaire » entre le médicament, la prescription médicale, et le patient, « ce rôle ne leur sera pas donné de droit ». Le pharmacien devra faire la preuve de sa valeur ajoutée et devra surtout « décider de prendre en main son avenir sans attendre qu’il soit dicté par les institutions ou, pire encore, par le fait accompli d’un ordre ayant émergé à ses dépens ». ■
Au 1er janvier 2016, on compte 262 pharmaciens de plus (+0,35 %) par rapport à 2015
Dans son rapport démographique annuel, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens montre une légère augmentation, tous secteurs confondus, du nombre de pharmaciens ; l’entrée de jeunes pharmaciens compensant le décalage de départ à la retraite des anciens. La profession est cependant toujours confrontée à sa moyenne d’âge élevée, notamment des pharmaciens d’officine et des biologistes. Si l’âge moyen reste stable (46,6 ans), on compte désormais 2 347 pharmaciens âgés de 66 ans et plus (+9,37 % par rapport à 2014). Cette tranche d’âge représente 3,1 % de la population globale. Au total, près de 39,5 % des effectifs ont 56 ans et plus. Les plus de 60 ans représentent 11,5 % de l’effectif total.
Un peu plus de 67 % des pharmaciens sont des femmes, une féminisation de la profession qui n’est pas un phénomène nouveau. Elle est particulièrement marquée dans la section des pharmaciens adjoints (81 %) et celle des pharmaciens hospitaliers (75 %).
L’Ordre note par ailleurs une légère baisse du nombre de pharmaciens d’officine (-0,9 %) avec 27 120 inscrits pour 21 591 officines. « En 2015, une pharmacie a fermé tous les deux jours » déplore l’Ordre qui s’inquiète de la baisse du nombre d’étudiants optant pour la filière officine. Alors que la moyenne d’âge des pharmaciens titulaires reste la plus élevée (50,2 ans), les étudiants ne sont plus que 30 % à suivre la filière officine (titulaires et adjoints) au cours de leurs études.
Enfin, si l’Ordre constate un renforcement de la concentration du secteur et l’exercice « groupé », le maillage territorial de proximité reste toujours harmonieux avec 3 943 officines dans les communes de moins de 2 000 habitants, 3651 dans les communes de 2000 à 5000 habitants.