Les réunions au plus haut sommet se succèdent, quatre en août, autant en septembre… les négociations vont bon train. Jamais depuis 2004, date des dernières vraies discussions entre les deux parties de Chypre, les pourparlers en faveur de la réunification de l’île n’étaient allés aussi loin. Des deux côtés de la « ligne verte », on n’hésite plus à parler ouvertement d’un référendum au printemps 2017 pour fixer le sort définitif de l’île. Le précédent référendum avait été rejeté, les Chypriotes grecs ayant voté contre tandis que les Chypriotes turcs s’étaient prononcés en sa faveur.
Indépendante de la couronne britannique depuis 1960, Chypre compte alors sur son territoire une forte minorité turque (15 %) et une majorité de Grecs. Entre les deux communautés réparties sur l’ensemble de l’île, le climat est tendu. Vient l’année 1974. La Grèce est sous l’emprise de la dictature des colonels qui cherchent à redonner du lustre à leur régime en perdition. Ordre est donné de fomenter un coup d’Etat à Chypre et d’exiger « l’Enosis », l’union avec la Grèce. La réaction turque est tout aussi brutale que rapide. Pour protéger sa minorité, l’armée turque débarque et finit par occuper un tiers du territoire. Le cessez-feu alors signé coupe le pays et la capitale en deux.
Une République de Chypre reconnue par tous, sauf par Ankara
De chaque côté de cette « ligne verte », une zone tampon sous l’autorité des casques bleus. En 1980, une République turque de Chypre du nord (RTCN, KKTC en turc) est autoproclamée. Elle n’est reconnue que par Ankara. Au Sud, la République de Chypre est reconnue par tous, sauf par la Turquie qui parle uniquement d’une « administration grecque de Chypre du sud ». La République de Chypre adhère à l’Union européenne en 2004 et devient membre de la zone euro en 2008. Un état de fait qui existe maintenant depuis plus de 41 ans. Reste qu’aujourd’hui de nombreux points de passage permettent d’aller d’un côté à l’autre de l’île sans vraies difficultés.
Mais les temps changent, l’élection d’un nouveau « président » au nord, Mustafa Akıncıi, favorable au rapprochement avec le sud permet de croire à un avenir meilleur pour une République du nord sous perfusion turque. Au Sud, le président chypriote, Nikos Anastasiadis, ouvert au dialogue tend la main à son voisin. Un choix pas totalement dénué d’intérêt politique. En difficulté, le président chypriote voit en ce dialogue le moyen de relancer son mandat et d’apporter un nouveau souffle à une économie malmenée par des pans d’austérité. Nombreux sont en effet ceux à penser que la réunification serait favorable à l’économie du pays. Elle permettrait notamment de régler le problème du gel des champs d’exploration gaziers situés au large de Chypre contestés par Ankara. Sans oublier le regain d’intérêt touristique pour l’île que cela pourrait créer.
La douloureuse question des spoliations
Pour autant et en dépit des gestes de bonne volonté de part et d’autre, rien n’est sur le fond vraiment réglé. La principale difficulté réside dans le problème ultra-sensible des « réfugiés » et de la restitution des biens. En 1974, à l’issue du cessez-le feu, les Turcs du sud ont rejoint le nord tandis que les Grecs fuyaient le nord, abandonnant à chaque fois leurs biens. Majoritaires, ce sont cependant les Grecs qui se sont trouvés du même coup plus grandement lésés. Or, c’est bien sur cette question de la restitution et de la compensation des biens perdus que le plan de paix de Kofi Annan avait échoué en 2004. Face à cette difficulté, le président Mustafa Akıncıi pour éviter des expropriations de ses compatriotes mise plus sur une compensation financière que sur une restitution des propriétés. On parle alors d’une enveloppe budgétaire qui s’élèverait entre 25 à 30 milliards d’euros. Pour arriver à réunir une telle somme, le président de la RTCN en appelle à « la solidarité internationale », sans convaincre. Mais au-delà de cette difficulté, s’ajoute la volonté des Chypriotes grecs pas vraiment d’accord avec cette option. Se pose encore la question des Turcs venus nombreux s’installer à Chypre et que le président Mustafa Akıncıi voudrait voir naturalisés. En dépit de certaines suspicions un accord a été trouvé. Pour chaque Turc obtenant la nationalité chypriote quatre Grecs seront également naturalisés avec comme proportion finale : 78,5 % de Chypriotes grecs, contre 21,5 % de Chypriotes Turcs, soit 809 300 contre 220 000 sur l’ensemble de la population.
L’ambiguïté de la Turquie
Enfin, qu’en sera-t-il de l’organisation institutionnelle de l’île ? Une fois réunifiée, Chypre pourrait devenir un État fédéral composé de deux zones autonomes, l’une grecque et l’autre turque. Mais avec quelle autonomie fiscale, quelles frontières, quelle répartition des pouvoirs avec une présidence tournante ou non ? Des questions encore sans réponse.
Mais aujourd’hui tout dépend encore et toujours de la position d’Ankara qui sur ce dossier est pour le moins ambigüe. Sans vraiment s’opposer à la réouverture des discussions sur l’île, le Gouvernement turc a pourtant bien pris soin de rappeler que pour lui, il n’était pas question de reconnaître la République de Chypre. Un choix qui est aussi celui de garder sous le coude un moyen de négociation (et de pression) avec l’Union européenne dans ses discussions d’adhésion. ■
République de Chypre
• Système présidentiel unicaméral
• Chef de l’Etat et/ou du Gouvernement : M. Nicos Anastasiades
• 9 251 km2
• Capitale : Nicosie (310 350 hab)
• Villes principales : Limassol (185 000 hab avec sa périphérie), Larnaca (150 000 hab), Paphos (74 000 hab)
• Langue (s) officielle (s) : grec et turc
• Monnaie : euro depuis le 1er janvier 2008
• 859 000 habitants. La population de la partie « nord » de Chypre (hors du contrôle des autorités légales) est estimée à 260 000 personnes.
• Croissance démographique : 1 %
• Taux d’alphabétisation : 98,7 %
• Religion : la population chypriote grecque est à 95 % de confession orthodoxe, les 5 % restant étant pour l’essentiel chrétiens maronites, catholiques ou arméniens. Les Chypriotes turcs sont majoritairement de religion musulmane.
• PIB nominal (2014) : 15,7 milliards d’euros
• Taux de croissance (2014) :-2,8 %
• Taux de chômage (2014) : 16,2 %
• Déficit public (2014) :-2,9 %
• Balance commerciale (2014) : -2,7 mds d’euros
• Principaux clients :
- 1. Grèce
- 2. Royaume-Uni
- 3. Allemagne
La France est en 7ème position
• Principaux fournisseurs (en 2013) : 1/ Grèce-2/ Israël 3/ Royaume-Uni-la France est en 6ème position
• Exportations françaises (2013) : 343 millions d’euros
• Importations françaises (2013) : 32,5 millions d’euros