La France compte aujourd’hui 71 pôles de compétitivité. L’étude France Stratégie tend à démontrer que, dix ans après leur création, les pôles de compétitivité « ont permis de mobiliser les entreprises sur la question de la R&D (recherche et développement) ». Pour les deux auteurs de la note, Hailhem Ben Hassine et Claude Mathieu, « le dispositif porte enfin ses fruits ». « L’appartenance à un pôle a bien entraîné un surcroit d’investissements en R&D autofinancé à partir de 2009 » expliquent-ils. Même si « aucun effet significatif » n’est décelé sur les performances situées en aval de la R&D. Un bilan en demi-teinte que détaillent les auteurs dans cette étude d’évaluation de la politique des pôles de compétitivité menée sur la période 2006-2012.
Les pôles de compétitivité, sont nés en France en 2005 sous le gouvernement de Dominique de Villepin. Ils sont la version française de la politique de « clusters » (grappe ou essaim) qui a vu le jour dans les années 80 au Danemark, au Japon ou en Allemagne. En 2005, la France labellisait 67 pôles.
Une politique des clusters qui vise à renforcer la compétitivité de l’industrie française
En 2012, on en comptait 71 regroupant près de 9000 entreprises (contre 4000 en 2006). Ce choix opéré en France d’une politique des clusters vise à renforcer la compétitivité de l’industrie française par le développement d’écosystèmes d’innovation qui « stimulent les liens de coopération entre entreprises, laboratoires publics de recherche et établissements d’enseignement et de formation au sein d’espaces géographiques donnés et sur des thématiques spécifiques à chacun des pôles » (voir définition officielle ci-dessous). Concrètement, précise France Stratégie, le dispositif prévoit des subventions publiques pour des projets de R&D collaboratifs. Doté pour la seule période 2009-2012 d’une enveloppe de 1,5 milliard, il a permis le développement de 1042 projets entre 2006 et 2012. L’étude montre donc que l’impact sur la R&D des entreprises est positif, « avec un effet de levier substantiel ». Il est démontré que par rapport aux entreprises disposant des caractéristiques semblables mais n’ayant pas rejoint un pôle, celles qui l’ont fait « accroissent nettement l’autofinancement de leurs activités de R&D, c’est-à-dire au-delà des aides publiques directes et indirectes ». Pour un euro additionnel de financement public, « ce sont en moyenne près de trois euros – dont environ deux euros sur ses propres deniers – qu’une entreprise membre d’un pôle a engagé en dépenses de R&D en 2012 » met en avant l’étude. « Cet effet de levier est très net pour les PME mais plus mitigé pour les grandes entreprises et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) » ajoutent les auteurs qui poursuivent : « Il est surtout de par son ampleur et sa constante augmentation depuis 2009, un résultat important en rupture avec ce qui a pu être observé les années précédentes et dans d’autres pays ayant un dispositif similaire ». L’étude montre encore que les firmes des pôles ont embauché davantage de personnel en R&D – une embauche supplémentaire de l’ordre de 27,5 % de leur effectif annuel moyen de R&D en 2012.
Un manque d’effets significatifs
A contrario, les auteurs sont plus circonspects quant aux performances situées en aval de la R&D. Ils évoquent même l’absence « d’effet significatif ». L’appartenance à un pôle « ne se traduit pas (encore) par des performances supérieures en aval de la R&D » que ce soit en termes de chiffre d’affaires, de dépôt de brevet, d’exportation, d’emploi total ou de valeur ajoutée soulignent-ils. Pour tenter de justifier cette absence de suites, France Stratégie évoque l’aspect temporel, le peu de recul, pour en apprécier des effets qui « prennent du temps » mais aussi un contexte général plus contraint avec une baisse des moyens budgétaires alloués spécifiquement par l’Etat à cette politique qui ont été divisés par deux depuis sa période de lancement. Ensuite, il fait également noter que d’autres dispositifs concourant à des objectifs proches ont été créés – notamment dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA) – et le crédit d’impôt recherche (CIR).
Sans nullement remettre en cause le bien-fondé des pôles de compétitivité qui « peuvent être un instrument utile de stimulation de l’innovation et de coopérations entre acteurs ». France Stratégie estime pourtant que l’Etat doit revoir un peu sa copie, qu’il « détermine mieux l’objectif qu’il poursuit à travers ces pôles ». France Stratégie émet deux pistes de réflexion, deux logiques différentes. Dans la première logique, « il conviendra de focaliser le soutien de l’Etat sur les pôles les mieux articulés avec la politique industrielle d’ensemble du pays ». Il faudra également viser une concentration géographique des moyens en faveur des pôles considérés comme les plus structurants. Dans la seconde logique explique France Stratégie, plutôt qu’une concentration des moyens sur un même groupe de pôle dans le temps, « il faudra élever le niveau d’exigence lors de la sélection des projets, de mieux définir les critères de réussite des pôles, et davantage tenir compte des résultats des évaluations lors du réexamen périodique de leur labellisation ». Ainsi, concluent les auteurs, « l’Etat se posera en arbitre et en évaluateur pour encourager les meilleures stratégies par le double jeu de la labellisation et du financement des projets, libre aux régions de soutenir un plus grand nombre de pôle d’intérêt plus local ». ■
Qu’est-ce-qu’un pôle de compétitivité
« Un pôle de compétitivité rassemble sur un territoire bien identifié et sur une thématique ciblée, des entreprises, petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation. Les pouvoirs publics nationaux et locaux sont étroitement associés à cette dynamique.
Un pôle de compétitivité a vocation à soutenir l’innovation. Il favorise le développement de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) particulièrement innovants. Il accompagne également le développement et la croissance de ses entreprises membres […]
Un pôle de compétitivité repose sur un ancrage territorial fort tout en s’appuyant sur les structures existantes (tissu industriel, campus, infrastructures collectives, etc.). Le recours à une politique foncière et de développement urbain propre à assurer un développement cohérent du tissu industriel, des capacités de recherche publique et des établissements d’enseignement supérieur sont des facteurs positifs de développement du pôle de compétitivité et du potentiel de ses membres ».
En savoir plus : www.competitivite.gouv.fr