La volonté d’Emmanuel Macron de libéraliser l’économie a été brisée par ses amis autant que par ses adversaires. Avec quelques dimanches travaillés, un modeste allegement des charges sur les attributions d’actions gratuites, le cabotage autorisé aux services de transport par cars ou une libéralisation de métiers monopolistiques, la tentative était timide, mais salutaire. Hélas, elle fait long feu sous les coups de boutoir conjugués de tous ceux qui croient encore représenter les forces vives de la nation et qui en sont les branches mortes.
Des assauts de toutes parts
Tous s’y sont mis en effet, du FNG, Front National et Front de Gauche ou se retrouvent les nostalgiques du marxisme ou du planisme pétainiste, aux Frondeurs collectivistes ou a la droite conservatrice qui a cru bon de défendre les droits acquis de professions surannées et de tirer sur toute l’économie moderne.
Au Sénat, en effet c’est la majorité de droite qui a adopté nombre d’amendements en faveur d’un contrôle toujours renforcé de l’économie par l’Etat. Le plus insensé et le plus symbolique de la doxa commune aux élus, de droite ou de gauche, est celui qui veut que « Tout exploitant d’un moteur de recherche susceptible… d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique…mette a la disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil du dit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant». Comme si, a observé M. Macron, il fallait demander a « Renault d’afficher sur son pare-brise qu’on peut acheter une Peugeot ou une Fiat ». Mais il n’a pas été entendu par les sénateurs. Au contraire, les socialistes ont complété l’amendement, contraire sans doute a la Constitution et au droit européen, en exigeant que parmi les 3 moteurs concurrents figure un moteur qui ait son siege social en France! Il faudrait aussi dans ce cas que la Sécurité sociale mette sur son site et sur ses courriers l’adresse de trois compagnies d’assurance auxquelles les employés pourraient s’assurer librement. Hélas, ça n’est pas le chemin de liberté que prend le droit français au moment ou les seuls qui pouvaient encore s’adresser a d’autres que la Sécurité sociale, les frontaliers, se le voient désormais interdits, ce qui va en moyenne doubler leurs cotisations, démontrant d’ailleurs ainsi qu’en ouvrant la Sécurité sociale a la concurrence, les assurés pourraient etre sérieusement gagnants.
Le Gouvernement lui-meme reste au fond tres réservé. Apres tergiversations, il a annoncé qu’il n’y aurait pas de deuxieme loi Macron. Il préfere continuer de créer des instruments comme le CICE, cette gigantesque usine a gaz tendant a prélever aux entreprises ce qu’on leur redistribue en partie apres avoir suivi les arcanes onéreuse de ce transfert. Au total 20 milliards y seront consacrés chaque année a terme. Il était fait pour réduire le chômage et celui-ci n’a cessé d’augmenter depuis son institution. La suppression de l’ISF, avec l’engagement qu’elle soit pérenne, aurait fait infiniment plus pour l’emploi, en redonnant confiance aux entrepreneurs et aux étrangers, a un cout cinq fois moindre.
La France malade de l’Etat
Mais le mal est plus profond. Il est ancré dans la société civile. Ils n’en meurent pas tous, mais tous, ou presque, en sont frappés. Pas seulement les assurés sociaux ou la moitié des Français exonérés d’impôt sur le revenu ou les mille et un bénéficiaires d’allocations diverses et variées, mais également tous ceux qui ont obtenu a force de manoeuvres et de courbettes de petits ou grands avantages qu’ils veulent protéger pour l’éternité. Les Français sont si habitués a cette drogue de la perfusion étatique qu’ils sont les premiers a en vouloir toujours plus. Et ce ne sont pas les gens de peu, les plus pauvres, les moins intellectuels qui en sont ainsi les plus quémandeurs. Non les notaires et les avocats se sont montrés ardents a la manoeuvre. Les premiers veulent conserver leurs rentes de situation et leurs tarifs, les seconds s’arc-boutent sur les services obligatoires mais rémunérés (mal) que sont pour beaucoup d’entre eux les commises, les postulations ou les gardes a vue. Dans tous les cas, et comme les huissiers, les pharmaciens ou d’autres, ils refusent la concurrence pour garder leurs avantages acquis.
Ils sont a bonne école d’ailleurs puisque la premiere profession de France, la plus nombreuse est celle qui a les plus grands privileges et qui s’occupe un peu de ceux des autres pour qu’on oublie de parler des siens. Les fonctionnaires sont 5,6 millions, plus de 50% de plus que dans les autres pays européens, outre tous ceux qui ont des régimes équivalents ou alignés ou maintenus. De bas en haut, ils sont des serviteurs de la fonction publique, non pas de la société civile, comme au Royaume Uni ou ils sont civil servants, mais de l’Etat. Chargés d’analyser la fiscalité du numérique, MM Collin et Colin, respectivement Inspecteur de Finances et conseiller d’Etat, concluent qu’il faut taxer ces entreprises qui génerent peu d’emplois afin de trouver des ressources pour financer une politique industrielle volontariste qui seule peut créer des emplois. Tout doit passer par l’Etat. Ils n’imaginent pas qu’au contraire, c’est en libérant l’économie de l’emprise de l’Etat qu’elle pourrait retrouver le chemin de la croissance ! Au fond, l’Etat ne supporte pas que des entreprises puissent se développer sans lui. Il faut pourtant s’interroger pour savoir pourquoi tous les grands groupes du numérique sont nés et prosperent aux Etats Unis. Ça n’est pas parce que l’Etat s’occupe plus d’eux, mais parce qu’il s’en occupe moins. La France aurait plus a gagner a attirer les créateurs des services de demain en leur offrant, comme a toutes les entreprises, un cadre juridique et fiscal simple, sécurisé et attractif. C’est précisément ce qu’a fait l’Irlande ou Google s’est installé avec 5 500 employés tandis que cette entreprise n’a en France que 500 employés !
Les mânes de Colbert
Les mânes de Colbert impregnent toute la fonction gouvernementale et ses agents. Et le projet Macron lui-meme était tout entier empreint de cette idée que rien ne peut ni ne doit se faire sans l’Etat. Il veut une intervention plus efficace de l’État actionnaire, aider le logement reglementé et lui seulement,… Pour raccourcir les délais de passage du permis de conduire, il ne libéralise pas les leçons ou l’examen, mais il confie aux agents de la poste, - reconnus internationalement pour leur compétence en ce domaine !- , le soin de s’en occuper ! Il ne remet en cause le tarif des notaires que pour en établir un autre. Il s’en prend aux « retraites chapeau » qui sont des assurances librement constituées par capitalisation et qui n’attentent d’aucune façon aux avantages d’autrui… Quoique il fasse d’efforts pour sortir de la gangue étatique, il reste modelé par elle, par cette idée que la loi peut tout faire, fixer le poids des mannequins, empecher de boire sucré ou de manger salé, se substituer aux parents dans l’éducation, aux employeurs dans leurs rapports avec leurs salariés…
La France est décidément réfractaire a l’idée que la vie pourrait se développer hors de la bénédiction de l’Etat. Sans cesse hostiles aux hommes politiques, les Français aiment encore Colbert dont le seul but était pourtant d’enrichir le Roi et de permettre ses guerres. Les hommes ont changé, mais les moyens sont les memes : la protection du marché, l'octroi de subsides, la mise en place de commandes publiques, l’implication de l’Etat dans la vie et le capital des entreprises. A Colbert qui interrogeait un entrepreneur, M. Legendre, sur les moyens de produire plus de richesses, celui-ci répondit : « Laissez nous faire ! ». La réponse est celle qui conviendrait encore aujourd’hui.