Comment qualifieriez-vous la place du diagnostic in vitro dans l’écosystème de la santé, dans le contexte du plan « Ma Santé 2022 » ?
La réforme gouvernementale « Ma santé 2022 » place la qualité et la pertinence des soins, l’efficience du système de santé au cœur de ses ambitions. Elle vise à définir de nouveaux parcours de santé, décloisonnés et fluides, pour une meilleure prise en charge des patients.
Le diagnostic biologique est l’un des maillons essentiels de la chaîne de soins, qui intervient à chaque étape de la maladie, mais aussi à chaque étape de la vie. Il permet de déterminer l’origine d’une pathologie, d’en réaliser le bon diagnostic, de proposer la stratégie thérapeutique la plus adaptée, de piloter la prise en charge du patient, de favoriser le dépistage, individuel et organisé, d’éviter des complications coûteuses et l’errance thérapeutique, et de mesurer et prédire l’évolution de la maladie. Alors qu’il ne représente que 2 à 3 % des dépenses de santé, il intervient dans 70 % des prises de décision médicale et permet de réaliser des économies tout au long du parcours de soin. Dans ce contexte, il s’inscrit naturellement comme un élément essentiel du plan « Ma santé 2022 ».
Gardons cependant en tête que le diagnostic biologique est composé, d’une part des actes de biologie médicale réalisés par les professionnels de santé, et d’autre part des systèmes de diagnostic in vitro (DIV), développés, fabriqués et commercialisés par les industriels. Or, les grands absents de ce plan gouvernemental sont justement les produits de santé, alors même que l’innovation qu’ils apportent est source de progrès médical tangible et porteur d’espoirs forts pour les patients.
Dans ce contexte, nous appelons à une juste reconnaissance de la valeur apportée par les solutions de diagnostic in vitro dans la mise en œuvre de « Ma santé 2022 ».
Quelles sont les démarches que vous avez entreprises pour faire connaître, reconnaître et justement valoriser le DIV ?
A la différence des autres industries de santé, comme, par exemple, le médicament et les dispositifs médicaux, les industriels du DIV ne disposent pas d’un espace de dialogue dédié avec les autorités de santé. En particulier, nous ne sommes pas intégrés aux travaux de la Commission Nationale de Biologie Médicale : son rôle a été limité à la consultation sur les projets de décrets relatifs aux conditions et modalités d’exercice des biologistes médicaux, alors qu’il conviendrait de l’élargir aux sujets relatifs à l’avenir de la biologie médicale dans une consultation associant les industriels.
La distance qui existe aujourd’hui entre l’industrie et les autorités ne nous permet donc pas de partager, en temps utile, les progrès techniques, biologiques et organisationnels que l’industrie peut apporter aux laboratoires. Elle prive également les autorités de santé de l’expertise et du savoir-faire des industriels, comme de pouvoir apprécier les apports du diagnostic in vitro à l’évolution de la structuration de parcours patient.
Dans ce contexte, nous plaçons notre action avant tout dans une démarche de dialogue et de co-construction. Notre ambition est de favoriser la mise en œuvre d’un nouveau modèle pour le diagnostic in vitro pour répondre efficacement aux enjeux de santé publique et du système de santé ainsi qu’aux préoccupations et besoins des patients.
C’est l’esprit qui anime tous nos échanges avec le gouvernement et ses représentants, en particulier avec les différentes administrations centrales – DGE, DGS, et DGRI, mais aussi notre implication, depuis plusieurs années, au sein du Comité Stratégique des Industries de Santé et du Comité Stratégique de Filière des Industries et Technologies de Santé.
Au-delà, nous souhaitons l’instauration d’un dialogue régulier et institutionnalisé entre notre industrie et les pouvoirs publics.
Quels sont les défis à relever pour construire ce nouveau modèle autour du diagnostic que vous appelez de vos vœux ?
L’avenir pour l’industrie du DIV s’articule autour de quatre grands enjeux.
En premier lieu, nous voulons que l’innovation diagnostique ait un accès précoce, fluidifié et encouragé au marché français. Aujourd’hui, le continuum de l’accès de l’innovation diagnostique n’est pas assuré.
Les modalités de financement dérogatoire (RIHN, forfait innovation) ainsi que le transfert de ces solutions temporaires vers le droit commun font face à des difficultés. Les délais d’inscription des actes ne sont aujourd’hui pas compatibles avec l’innovation et les bénéfices pour les patients et le système de santé.
Au-delà, la valeur médicale, économique et organisationnelle des tests de DIV, à ce jour diluée dans la prise en charge des actes de biologie médicale et d’anatomo-cytopathologie, doit être reconnue et traduite économiquement, à la hauteur de ce qu’elle apporte.
Il est donc primordial que soit défini un nouveau mécanisme dérogatoire pérenne d’accès au marché des innovations diagnostiques, adapté au système de santé français et aux besoins des industriels, pour le bénéfice des patients.
Au cœur de nos travaux se trouve aussi la question de la révision des nomenclatures, dont l’enjeu sera qu’elles prennent en compte la valeur du diagnostic in vitro dans la chaîne de soins, dans une logique non pas comptable, mais médicale et organisationnelle, et ce, selon un processus régulier et dynamique.
En parallèle, notre industrie est confrontée à la mise en œuvre d’ici 2022 du nouveau règlement européen (IVDR), un changement de paradigme majeur dans l’obtention des autorisations de commercialisation des systèmes de DIV. Cette nouvelle réglementation vise avant tout à renforcer la sécurité des patients, et nous nous en félicitons. Elle implique une mise à jour de la classification des produits en fonction de leur niveau de risque, avec, pour conséquence, le passage de l’auto-certification à la surveillance par un organisme notifié. L’antériorité n’est pas une option : chaque test doit être réévalué en fonction du nouveau niveau de risque, la conséquence étant que l’ensemble des dossiers de mise sur le marché (marquage CE) devront faire l’objet d’une révision y compris les produits déjà sur le marché. Le nouveau règlement implique aussi que les organismes notifiés devront tous être réévalués et re-notifiés au regard des nouvelles exigences. Nous appelons donc à la mobilisation des autorités françaises et européennes pour augmenter l’offre et les capacités de certification des solutions de DIV afin que les industriels puissent continuer à commercialiser, dans les délais requis, leurs produits, en conformité avec les exigences réglementaires à venir.
Par ailleurs, certaines innovations technologiques (tests rapides d’orientation de diagnostic, tests d’urgence, biologie moléculaire décentralisée, …) dans le diagnostic in vitro permettent de contribuer au développement de la biologie délocalisée – les termes les plus justes étant ceux de POC, pour Point Of Care – en cohérence avec le « virage ambulatoire » et au plus proche du patient. Les industriels du diagnostic souhaitent donc qu’une réflexion soit conduite par toutes les différentes parties prenantes, avec des clauses de révision régulière afin d’inscrire progressivement le diagnostic in vitro dans le cadre de la réorganisation actuelle des territoires de santé et du virage ambulatoire.
En France, le diagnostic in vitro est une belle industrie, composée de groupes leaders à l’international et d’une centaine de PME et start-ups. Elle se distingue par son innovation, 40 % des entreprises ayant une activité de R&D sur le sol français, y consacrant ainsi 12 % de leur chiffre d’affaires. Avec 85 % de son chiffre d’affaires réalisé à l’international, elle se distingue aussi par une contribution positive à la balance commerciale française. C’est un actif fort pour la compétitivité de notre pays, l’efficience de notre système de soins, et la qualité de la prise en charge des patients. Il est important de le préserver afin que le diagnostic in vitro puisse occuper, demain, la place qu’il mérite, au cœur de la chaîne de soins. ■