Lorsque l’on choisit ce sujet, la première question posée est celle de la définition de ces espaces peu denses. Ce que fait le rapport. A travers sa grille, l’INSEE donne une première approche statistique des espaces peu denses et très peu denses qui représentent finalement 90 % du territoire français et où vivent un tiers des Français. Seulement 4 % des Français résident dans des espaces très peu denses avec moins de 25 habitants au kilomètre carré mais ceux-ci couvrent 30 % du territoire. Toutefois, avertit le sénateur, « même dans un espace peu dense on peut être dans la zone d’attraction d’une métropole ». Cette première approche se complexifie dès lors que l’on traite des mobilités. Peut-être peu dense, un territoire où l’on ne se déplace qu’en voiture du fait de l’absence ou de la faiblesse des moyens de transports alternatifs, et où l’on ne marche pas car l’espace n’est pas à l’échelle du piéton. Le périmètre couvert est alors très large, il peut englober de petites villes et les couronnes périurbaines mal couvertes par les transports collectifs. Une autre définition peut être avancée : les zones peu denses seraient celles où le poste « mobilité » est le plus élevé dans le budget des ménages. Vu sous cet angle, les espaces ruraux en font partie mais également le périurbain, voire certaines parties enclavées des villes. Cette complexité et la multiplicité des définitions nécessiteraient sans doute alors des réponses au cas par cas. Sans compter que la notion même d’« espaces peu denses » peut être sujette à caution. « Le mot « peu » laisse entendre qu’il existerait une insuffisance de densité, alors qu’il y a une vraie richesse dans ces territoires » souligne Olivier Jacquin. On pourrait plutôt parler de « grands espaces » ou de « campagne ». « Ces espaces sont recherchés, valorisés, et attirent les urbains. Le phénomène s’est sans doute renforcé depuis l’expérience d’immobilité du confinement lié au Covid » poursuit le sénateur.
Le sénateur note ensuite sans surprise que les mobilités se font sur de plus longues distances dans les zones peu denses que dans les métropoles dans lesquelles on se déplace plus nombreux, du fait de la densité et sur des distances plus courtes. Or, constate avec dépit Olivier Jacquin, « depuis des décennies, les espaces peu denses se sont déséquipés en transports collectifs : les petites gares ferroviaires ont fermé, les cars ont progressivement disparu. La voiture est devenue ultradominante ». Tandis que l’innovation en matière de mobilités et la diversification des modes se développent dans les espaces hyper-urbain, les zones rurales ou les petites villes espaces semblent condamner à la voiture. Ce qui dans un univers de plus en plus décarboné n’est pas sans poser problème. Mais ce n’est pas sans solutions. Des solutions que l’on trouve souvent au hasard des expérimentations éprouvées sur le terrain. Dans ces zones peu denses, il existe déjà de nombreuses alternatives à la voiture individuelle comme le covoiturage, l’autopartage, le taxi collectif, les transports à la demande. On voit aussi des marcheurs et des cyclistes. « Toutes ces solutions peuvent aussi être envisagées pour faire du rabattement vers des modes lourds » explique le sénateur. « Nos concitoyens utilisent de plus en plus des chaînes multimodales en se rendant par exemple sur des parkings relais avant de poursuivre leur trajet dans un mode collectif ». « L’objectif doit consister à offrir un bouquet de solutions diversifiées » insiste l’élu qui met toutefois en garde contre les limites de la généralisation d’expérimentations : « le relief, le climat, l’existence de pics saisonniers de fréquentation exigent d’ajuster les réponses et de ne pas les calquer d’un territoire à l’autre des solutions toutes faites. Le sur mesure est nécessaire ».
Mais pour arriver à développer des solutions de mobilités dans ces espaces peu denses, encore faut-il arriver à surmonter un certain nombre de difficultés. « La première est l’insuffisance voire l’absence de moyens techniques et financiers. Il n’y a pas aujourd’hui de modèle économique, déplore le sénateur. Le modèle de transport collectif repose sur le versement mobilité. Mais cette base fiscale n’existe bien souvent pas dans les espaces peu denses. Or, nous avons besoin d’ingénierie pour mener des expériences innovantes et de les pérenniser » explique Olivier Jacquin.
Le sénateur pointe une autre difficulté qui est celle de l’obstacle psychologique. Pour les habitants des espaces peu denses, le véhicule individuel représente souvent « une bulle personnelle de confort. Le covoiturage constitue un changement culturel » qui n’est pas « insurmontable » estime le sénateur notamment s’il est encouragé entre autres par « des efforts de communication ». Et « plutôt que de combattre les modes individuels ou collectifs, le constat est clair : la voiture est utilisée dans plus de 80 % des transports du quotidien, c’est pourquoi il convient de socialiser pour partie sa pratique en partageant sous différents modes son usage, qu’il s’agisse de transports à la demande, d’auto partage ou de la promesse des nouvelles pratiques du covoiturage courte distance dynamisées par le numérique. Enfin, les modes doux ne sont pas exclus à la campagne car près de la moitié des trajets du quotidien font moins de 3 kilomètres » note encore Olivier Jacquin.
Il y a enfin une autre dimension qu’il va falloir prendre en compte et que pointe le sénateur, c’est celle liée à l’expérience tirée de la crise de la Covid-19. Le confinement « a fait prendre conscience que d’autres modes de vie sont possibles et que certains déplacements peuvent être évités par une meilleure accessibilité aux services, à l’emploi, à l’habitat et aux lieux de vie. Se déplacer est une contrainte pour le travail ou les études mais reste une attente pour les activités de loisir ou la vie sociale » explique Olivier Jacquin. « Il convient toutefois de rester attentif aux mouvements de population qui pourraient être facilités par le développement du télétravail. Si une telle dynamique se révélait massive, de grands changements interviendraient dans les campagnes, notamment sur le marché immobilier au risque de remettre en question les objectifs de non artificialisation supplémentaire des sols ».
« Une mobilité moderne et décarbonée est possible, y compris pour les espaces peu denses, en s’appuyant sur le triptyque « proximité, intermodalité, accessibilité » pour lutter contre les « mobilités à deux vitesses » entre territoires urbains bien pourvus et espaces peu denses déséquipés et sans autre alternative que la voiture. Il s’agit donc bien de lutter contre les fractures territoriales actuelles. » conclut le rapporteur. ■