En un mot, l’ultima ratio du pays pour conserver sa place sur la scène internationale et être au cœur des grandes révolutions technologiques à venir. Ce n’est pas un hasard si le Président de la République a choisi le plateau de Saclay et la ville de Palaiseau pour y présenter le 21 janvier dernier notre nouvelle stratégie quantique. Il est des lieux qui sont par eux-mêmes des symboles, et Paris-Saclay à n’en point douter en est un ! Paris-Saclay, c’est le symbole d’une aventure collective, exigeante, parfois laborieuse, mais toujours passionnante, portée par une projection mobilisatrice : développer un écosystème gagnant-gagnant au service de l’éducation, de la recherche, de l’innovation, de la production et de l’emploi.
Depuis dix ans et la promulgation de la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris, un travail colossal a été réalisé. L’Etat y a consacré plus de 4 milliards d’euros. Des entreprises, des start-up, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur sont venus s’installer. Les élus, les collectivités locales, les forces vives du territoire se sont engagés dans le projet et en sont devenus les premiers ambassadeurs. Aujourd’hui les résultats sont là : Paris-Saclay se situe dans le top 8 du classement mondial des clusters consacrés à l’innovation et aux nouvelles technologies, et représente 15 % de la recherche publique et privée en France. Plus de 10 000 chercheurs, 70 000 étudiants, 5 000 doctorants, 275 laboratoires le font vivre au quotidien.
En dix ans, nous avons relevé de nombreux obstacles et nous avons su, pas à pas, édifier une architecture générale indispensable, qui constitue la première étape de la fusée.
Reste maintenant à poser les actes nécessaires pour la mettre sur orbite et lui donner toute sa force de déploiement.
C’est tout l’enjeu des prochaines années, et c’est pourquoi nous ne devons pas nous tromper d’objectifs.
Ma conviction en tant qu’élu impliqué depuis plus de six ans dans ce dossier n’a pas varié : Paris-Saclay est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Il nous faut donc trouver les voies et moyens de lui donner un nouveau souffle, afin d’en faire le bras armé scientifique et économique dont notre pays a plus que jamais besoin.
Pour y arriver, nous devrons relever dans les années qui viennent quatre défis essentiels.
Le premier défi concerne évidemment le renforcement de notre pôle académique, structuré aujourd’hui autour de deux entités d’excellence : l’Université Paris-Saclay et l’Institut Polytechnique de Paris. Cette double création a constitué une première étape essentielle, témoignant d’une volonté très claire de dépasser les clivages et les habitudes pour instaurer des passerelles, décloisonner, renforcer les masses critiques et initier des rapprochements stratégiques. Dans le classement de Shanghai de 2020, Paris-Saclay se situe à la première place en mathématique : preuve d’une excellence académique reconnue au plus haut niveau, et qui doit nous encourager à voir encore plus loin. Et plus loin, cela veut dire attirer à Saclay des talents du monde entier, et réussir à garder nos chercheurs français qui seraient tentés de faire les beaux jours de la Silicon Valley ou d’autres clusters mondiaux : en clair, bâtir une identité pédagogique qui allie les exigences de la compétition internationale et la spécificité de la tradition française. Nous devons apporter dans le domaine de l’enseignement ce que les autres clusters n’apportent pas ou pas suffisamment. Pour y parvenir, nous devrons poursuivre notre propre révolution intellectuelle et universitaire. Paris-Saclay doit devenir l’une des vitrines de notre pays, qui parle au monde et incarne une vision particulière de la science, de l’éducation et de la réflexion éthique, si nécessaire aujourd’hui !
Le deuxième grand défi porte sur l’exemplarité écologique. Un projet comme Saclay doit être à la pointe de la transition écologique, en incarnant un nouvel archétype urbain. Nos futurs quartiers doivent être des modèles d’aménagement durable et de croissance verte. Ils doivent être pensés comme des ensembles cohérents, avec des logements peu consommateurs d’énergie, la priorité donnée aux mobilités alternatives et une interaction plus forte avec la nature et la biodiversité. Ils doivent être envisagés comme des archipels au sein d’espaces végétalisés plus larges, avec des coulées vertes, des parcs, des ilots de fraîcheur... Ils doivent être des acteurs clefs de l’économie circulaire et de la nouvelle agriculture. Nous avons la chance de bénéficier de 4115 hectares de zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPNAF) : à nous d’en faire un atout pour l’ensemble du territoire et un modèle d’avenir qui peut inspirer d’autres projets de développement d’envergure. Sur cette base, nous parviendrons à donner chair à une vie de campus dynamique, originale et attractive, avec des services publics de proximité, une vie artistique et culturelle de qualité (Massy accueillera en 2025 le nouveau pôle de conservation des collections du centre Pompidou !) et les conditions d’un partage de l’espace qui répondent à la fois aux besoins des professionnels, des étudiants et des familles. C’est une nouvelle utopie urbaine qu’il nous faut concevoir et qui sera demain – en plus de notre identité académique – notre principal marqueur.
Et pour y arriver, nous avons besoin d’être pleinement reliés à l’extérieur. D’où l’importance du volet transports, qui constitue le troisième défi qu’il nous faut relever. Sans cela, nous irons direct à l’embolie. Dit autrement, Paris-Saclay ne peut continuer à être cette presqu’île reliée à Paris par deux ou trois axes majeurs (N118, A10…). C’est pourquoi, la ligne 18 du Grand Paris Express est une nécessité incontournable, qui permettra à la fois de répondre aux besoins des déplacements des hommes et des femmes travaillant et étudiant sur le Plateau, tout facilitant le désengorgement du RER. La ligne 18 est la condition sine qua non de réussite du pôle d’innovation Paris-Saclay. Sa mise en service entre Massy-Palaiseau et Saint Aubin est prévue pour 2026, et tout doit être fait pour garantir le respect de ce calendrier !
Cet impératif de cohérence nous amène au quatrième défi essentiel si nous voulons réussir : la nécessité impérieuse de nouvelles modalités de gouvernance. Nous avons en effet besoin d’une nouvelle doctrine de pilotage pour éviter les malentendus d’hier et avoir le maximum de cartes en main pour réussir ensemble. Cette question du pilotage est centrale, elle a d’ailleurs été évoquée à plusieurs reprises, notamment en 2017 par la Cour des comptes dans son rapport annuel. Car Paris-Saclay concerne aujourd’hui de très nombreux acteurs (monde universitaire, EPA Paris-Saclay, SGP, intercommunalités…) dont l’engagement est réel, mais dont les intérêts peuvent parfois – et c’est bien normal – diverger. Cette réalité institutionnelle constitue évidemment un frein à l’action, tant il nous faut aujourd’hui passer à la vitesse supérieure et donner au projet une nouvelle cohérence et une nouvelle visibilité. Et c’est là que nous avons besoin que l’Etat s’engage plus avant pour insuffler une nouvelle dynamique de développement, en lien avec les acteurs de terrain. La balle est dans son camp, à lui de jouer !
En ces temps difficiles, qui nous imposent tout à la fois de gérer la crise et de maintenir le cap, où il nous faut tout à la fois accompagner, se réinventer et bâtir une nouvelle synthèse économique et industrielle, l’avenir du plateau de Saclay revêt une dimension fondamentale.
Car il pose d’une manière ou d’une autre la question de notre capacité à « être et durer » face aux basculements du monde et aux incidences multiformes des technologies de demain.
C’est en ce sens que Paris-Saclay doit être considéré sans ambigüité comme une ambition nationale, au service de notre autonomie stratégique et de notre résilience économique.
Son succès repose sur notre capacité à relever plusieurs défis clairement désignés et sur la volonté de l’Etat d’y jouer un rôle particulier d’aiguillon et d’arbitre !
Les années qui viennent vont être cruciales ! ■