Collectivité singulière dans notre pays, la MGP est une intercommunalité complexe dont le périmètre fait aussi débat. Actuellement, la métropole regroupe la ville de Paris, 123 communes des 3 départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et 7 communes de l’Essonne et du Val d’Oise.
Si la réforme de la MGP devient aujourd’hui indispensable, encore faut-il s’accorder sur ses modalités et son calendrier.
C’est pourquoi j’ai accepté, en tant que membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la proposition de la Présidente Françoise Gatel de travailler avec mon collègue Philippe Dallier (Sénateur de la Seine-Saint-Denis) sur la réforme de la gouvernance du Grand Paris.
N’étant pas un élu francilien, contrairement à mon collègue, je n’étais pas spécialiste des problématiques liées à la métropole parisienne avant de débuter nos travaux. Mais j’étais convaincu que l’avenir de la MGP est un sujet qui ne concerne pas uniquement le quotidien des Franciliens. Le travail mené et les auditions réalisées ont conforté mon opinion : le futur de cette métropole est un enjeu qui doit tous nous préoccuper peu importe nos origines territoriales. Les deux tables rondes organisées en 2020, réunissant notamment Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Patrick Ollier et d’autres personnalités qualifiées, ont révélé une hétérogénéité de points de vue considérable. Du renforcement de la métropole à sa suppression pure et simple en passant par des alternatives de compromis, il y a manifestement autant d’avis que d’échelons territoriaux.
Toutefois, nous avions à cœur de rendre un rapport utile. Nous avons donc opté pour une méthodologie particulière. Plutôt que de promouvoir un scénario plutôt qu’un autre, le rapport présente d’abord les questions qui structurent le débat autour du triptyque « périmètre-moyens-compétences », permettant d’aboutir à une grille de lecture destinée à évaluer les différentes options envisageables, avec leurs avantages et leurs inconvénients. La démarche répond ainsi à deux objectifs que nous nous étions fixés : éclairer le débat par un état des lieux et une méthode d’analyse tout en proposant des perspectives de calendrier.
Avant d’élaborer les scénarios, revenons tout d’abord sur un certain nombre de constats. D’abord, la création de la métropole n’a pas permis de réduire les inégalités pourtant déjà nombreuses en Île-de-France. Le bilan est tel que les inégalités s’aggravent. Par ailleurs, la mutualisation des compétences et des moyens est manifestement insuffisante. Véritable « colosse aux pieds d’argile », la MGP a pourtant des besoins immenses : 7,2 millions d’habitants, 131 communes, 11 établissements publics territoriaux (EPT)… Enfin, la gouvernance actuelle de la MGP est inefficace, complexe et illisible. Fruit d’une juxtaposition de textes, la création de la métropole peut être qualifiée, à juste titre, de « cauchemar légistique ». En outre, comment la gouvernance d’une métropole peut-elle être efficace sans majorité ni opposition ? Il en résulte un déficit de légitimité démocratique qui remet en cause l’existence même de la MGP.
Face à de tels constats, la réforme devra tenir compte d’un certain nombre de paramètres. Parmi eux, trois sont en réalité intimement liés : le périmètre, les compétences et les moyens budgétaires. Toute modification de l’un de ces critères entraîne des ajustements sur les autres. Nous tenions également à ajouter la simplification des strates territoriales et le mode d’élection de la gouvernance.
Dès lors, nous avons envisagé cinq scénarios pour une réforme pertinente de la MGP. Trois d’entre eux privilégient la zone dense, alors que les deux autres renforcent l’échelon régional. Mais tous ont des caractéristiques particulières réparties en fonction de six critères : le périmètre, le statut, le nombre d’échelons, les compétences, les moyens et le mode d’élection.
Scénarios proposés :
1) Métropole, simple pôle métropolitain ou syndicat mixte
2) MGP intégrant les EPT en échelons déconcentrés sans modification sur les départements
3) MGP intégrant les départements de petite couronne en échelons déconcentrés avec maintien des EPT (variante avec suppression des EPT)
4) Région-métropole sans changement pour les départements et EPCI
5) Région-métropole avec transformation des départements en échelons déconcentrés
Les schémas et la grille de lecture sous forme de tableaux présents dans la synthèse du rapport sont des outils indispensables pour y voir plus clair et comparer objectivement les scénarios. Néanmoins, deux approches s’avèrent utiles pour évaluer nos hypothèses avec d’une part, le niveau de mutualisation des moyens et des compétences, et, d’autre part, la simplification territoriale.
D’abord, les scénarios peuvent être classés selon leur périmètre géographique et leur niveau de mutualisation des moyens et des compétences.
Les scénarios 1 et 4 proposent un faible niveau de mutualisation, à l’image du statu quo au format de la MGP actuelle. A l’inverse, les mutualisations les plus fortes en matière de politique sociale et de développement économique reposent soit sur une métropole intégrant les départements de petite couronne en échelons déconcentrés (scénario 3), soit sur la région-métropole intégrant les départements comme échelons déconcentrés (scénario 5). Un niveau intermédiaire est cependant possible avec le scénario 2.
Les cinq scénarios se distinguent également les uns des autres sous l’angle de la simplification territoriale.
Comment susciter l’adhésion des Franciliens à la métropole lorsque celle-ci superpose un modèle communes-EPT-métropole-départements-région devenu indigeste et illisible ? Dans ce ’’millefeuille administratif’’ symptomatique en France, la collectivité de la MGP doit être simplifiée. Là encore les scénarios 3 et 5 se distinguent des autres, la suppression des EPT, des départements ou la fusion région-métropole permettant d’effacer un, voire deux échelons territoriaux. Néanmoins, la faisabilité politique du scénario 5 peut interroger vu la gouvernance complexe qu’elle engendrerait et au rôle limité qu’elle offrirait aux maires. Quant à eux, les scénarios 2 et 4 n’absorbent qu’un seul échelon territorial, là où le premier n’en supprime aucun.
Une approche complète de la MGP implique de garder à l’esprit la répartition de compétences intimement liées à son objectif inaccompli de réduction des inégalités : les transports (région), le développement économique (compétence partagée) et les politiques sociales (départements). Sans oublier les questions de l’affectation de l’impôt économique et de la péréquation équitable de la richesse fiscale.
La fenêtre de tir de la réforme semble compromise d’ici la fin du quinquennat. Pourtant, la question du financement des EPT se reposera en 2023, puisque la reconduction du reversement par la MGP d’une partie des recettes de CFE et de CVAE, adoptée en loi de finances pour 2021, arrivera à son terme. C’est pourquoi le calendrier de la réforme devra être impulsé au plus haut niveau dès le début du prochain quinquennat, en 2022 ou 2023 au plus tard.
Toujours est-il que nous devons nous préoccuper de l’avenir de la MGP. Si nous souhaitons demain disposer d’une métropole mondiale capable de concurrencer des villes globales comme New-York, Tokyo, Hong-Kong ou Londres, la nécessité urgente d’une réforme de la métropole doit nous alerter, sans quoi le scénario du déclin risquerait fatalement de s’imposer. ■
Lien vers la notice du rapport (site du Sénat) :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-444-notice.html
Lien vers la synthèse du rapport :
http://www.senat.fr/rap/r20-444/r20-444-syn.pdf
Lien vers le rapport complet :
http://www.senat.fr/rap/r20-444/r20-4441.pdf