J’ai déposé une proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs ; cette proposition de loi est construite pour nos agriculteurs. Pour rééquilibrer les relations commerciales entre les différents maillons de la chaîne alimentaire et agroalimentaire. Il est temps de mettre plus d’authenticité dans la définition d’un prix juste et éthique entre le monde agricole, l’industrie agroalimentaire, et les acteurs de la grande distribution (GMS).
Face aux aléas économiques, face à la crise, devant l’instabilité climatique grandissante, le prix est le seul critère d’achat. La « guerre des prix » des produits de grande consommation les dernières années sera de facto accentuée. Il est donc essentiel de replacer les acteurs de la grande distribution et ses fournisseurs directs comme indirects au cœur du mécanisme de fixation des prix. Des acteurs qui savent travailler main dans la main avec les filières, notamment durant la crise sanitaire de la Covid-19, pour favoriser la mise en avant de produits d’origine France.
Les dispositifs de cette proposition de loi sont une réponse efficace et pérenne à la défiance croissante entre acteurs de la production et ceux de la vente de produits de grande consommation. Ils ne constituent ni une charge, ni un protectionnisme quelconque. L’agriculture française nous nourrit ; elle transforme et préserve nos paysages ; elle est aussi un formidable atout économique et d’attractivité de notre pays ; elle est une force écologique pour tout notre pays. Surtout, elle est au cœur de notre identité française : les agriculteurs ont toujours tenu une place particulière dans notre société et il convient qu’ils la conservent. Améliorer leurs conditions de vie est une urgence, une exigence et une nécessité. Nos agriculteurs ne demandent rien d’autre que de pouvoir vivre de leur travail par un juste prix payé. Pour y parvenir, il faut continuer à agir pour rémunérer le travail des agriculteurs et les libérer de la dépendance délétère aux aides publiques. La PAC n’est pas et ne sera pas là pour financer la guerre des prix.
Depuis trois ans, la France a adopté des mesures fortes pour soutenir son agriculture avec notamment les « États Généraux de l’Alimentation » portés par le Président de la République, puis la loi « EGAlim » avec le relèvement du seuil de revente à perte, la contractualisation, l’encadrement des promotions ou le recours possible en cas de prix abusivement bas.
Le Gouvernement a pris à bras le corps l’enjeu de la répartition de la valeur entre ceux qui produisent, ceux qui transforment et ceux qui distribuent les produits agricoles et alimentaires. C’était une demande constante des syndicats agricoles, et cela a été fait. Mais nous faisons face à trop de contournements de la loi « EGAlim ». Il nous faut la renforcer afin que s’organise un système où la valeur doit revenir, pour une juste part, à celles et ceux qui produisent, commercialisent et distribuent.
Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la continuité de la commission d’enquête sur la grande distribution. Le rapport issu de cette commission a été adopté à l’unanimité et officiellement salué par les principaux syndicats agricoles de France.
La grande distribution et l’industrie agroalimentaire sont les premiers employeurs de France au travers de 1 100 000 emplois, et rassemble 400 milliards d’euros de valeurs échangées sur le marché national. Ce sont aussi les premiers annonceurs media français, les garants de la sécurité alimentaire du territoire et enfin « les garde-fous » du pouvoir d’achat des Français.
La grande distribution doit, dans le cadre de sa métamorphose, retrouver un résultat opérationnel en accord avec ses ambitions, et cesser de chercher à survivre par la création de marges arrières, de pénalités logistiques, de techniques de commercialisation amenant à facturer depuis Genève, Zurich ou Bruxelles des prestations que l’on pourrait qualifier d’abusives.
Le modèle auquel nous croyons est celui d’enseignes proches de nos concitoyens, auxquelles ils sont attachés, qui sponsorisent nos associations sportives locales, qui investissent dans les territoires quand d’autres les quittent, qui participent à l’effort national de formation ou de recrutement des apprentis ; en d’autres mots, un modèle vertueux et porteur pour nos territoires et notre pays !
Il faut croire en la grande distribution, en l’expérience client, aux alliances locales et aux circuits courts en magasins et enfin au développement d’une alimentation plus durable et saine, grâce à l’équilibre « volume/prix bas » que peut apporter la grande distribution.
L’industrie agroalimentaire doit, dans son ambition de croissance sur le territoire comme à l’international, retrouver un sentiment de sérénité dans les négociations commerciales qu’elle a avec son seul et unique client qu’est la grande distribution. La déflation permanente depuis une décennie ne sécurise plus les envies d’investir localement, pousse à produire à l’étranger et détruit notre modèle agricole en déséquilibrant la balance commerciale agricole Française.
Mais l’accessibilité par le prix, qui doit rester une priorité absolue, ne doit pas être destructrice de valeur. Il est temps d’allier la notion de prix juste à celle de prix éthique.
Juste, car la notion de prix résulte d’une association entre la qualité, la quantité et le coût. Depuis trop longtemps, et la commission d’enquête nous a permis d’en comprendre le mécanisme, une péréquation négative et destructive de valeurs encadre nos prix.
Éthique, car l’élaboration, la recherche et développement, la plantation, la culture, la récolte, la fabrication, la transformation, le conditionnement, la mise en rayon et la commercialisation ont un coût : celui d’un travail dur, celui d’un travail respectable et respecté et celui d’un travail digne et rémunérateur. La garantie de l’accessibilité de tous aux biens alimentaires ne doit pas mettre à l’écart les nouvelles demandes sociétales, culturelles, environnementales et salariales. L’évolution du prix doit prendre en compte la réalité de nos agriculteurs, des ouvriers de nos usines de transformation ou de production et la demande des Français pour une alimentation plus sûre, plus saine et plus durable.
Cette proposition de loi sécurisera les agriculteurs avec leurs premiers acheteurs en imposant une contractualisation obligatoire entre eux. Elle obligera de la transparence dans le prix payé entre les producteurs, le transformateur et le distributeur avec un principe fort : la non-négociabilité du coût de la matière première agricole. Elle créera un Comité de Règlement des Différends Commerciaux Agricoles (CRDCA) au pouvoir renforcé prononçant des injonctions et mesures conservatoires instantanées. Enfin nous rendrons obligatoire l’indication d’origine du pays afin de mettre en avant pour le consommateur les produits d’origine Française.
En remettant de l’éthique pour définir ce qu’est le prix juste, nous redonnerons toutes ses lettres de noblesse à notre agriculture française, une agriculture qui nous rend fiers et à laquelle nous sommes viscéralement attachés. Nous le savons, de nombreux défis agricoles se règleront à l’échelle européenne. La vision politique du « chacun chez soi, chacun pour soi » est mortifère pour l’agriculture française. C’est mentir aux agricultrices et aux agriculteurs.
Cette proposition de loi permet de recréer la confiance nécessaire entre l’ensemble des acteurs, la confiance dans nos territoires, la confiance avec les consommateurs et les citoyens. Il en va de notre industrie agroalimentaire parce qu’il y a une excellence française en la matière. Il en va de notre alimentation, de notre santé, de notre pouvoir d’achat, il en va de notre distribution, il en va de nos territoires et de leurs équilibres. ■
*Grégory Besson-Moreau est l’auteur d’une proposition de loi visant à rééquilibrer les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs