En 2015 déjà, la France pointait au douzième rang mondial, ne consacrant que 2,24 % de son produit intérieur brut en dépense intérieure de recherche et développement.
Cela n’étonnera personne que nous soyons placés loin derrière la Corée du Sud ou le Japon, mais que notre pays soit relégué derrière un certain nombre de pays européens, notamment scandinaves, en dit long sur le déclin de notre recherche et, a fortiori, de notre puissance économique.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler que la France a depuis longtemps perdu le contrôle de ses comptes publics, privilégiant la dépense et l’impôt alors qu’en toute logique elle aurait dû s’attacher à consolider son budget pour créer un environnement favorable à la recherche, à l’investissement et aux entreprises.
Après le choc économique de 2008, la nécessaire reprise en main des comptes publics s’est traduite par une trajectoire budgétaire singulièrement défavorable à la recherche.
Depuis 2017 et la nomination de Frédérique Vidal au poste-clé de ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, une nouvelle phase d’investissement dans la recherche publique s’est ouverte, se traduisant notamment par un effort accru en faveur de l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont le dynamisme et le renouveau doivent beaucoup à la personnalité de son Président Directeur général, Thierry Damerval.
Toutefois, plus qu’une augmentation et un saupoudrage des crédits, il était attendu de ce nouveau gouvernement la mise en œuvre d’une réelle stratégie en matière de recherche et d’innovation. Autrement dit, il devenait impératif de définir des priorités claires en matière de recherche, comme le font avec succès le Royaume-Uni ou l’Espagne dans le cadre des appels à projets européens ou au niveau international.
De même devenait-il urgent de renforcer l’efficacité de la politique d’innovation déployée par les gouvernements successifs, essentiellement fondée sur des dispositifs d’aide à l’innovation des entreprises.
Enfin, nul ne saurait ignorer que l’affaiblissement de la position de la France est aussi lié à une grave perte d’attractivité des métiers de la recherche, attestée par la diminution importante du nombre de doctorants et la difficulté bien réelle à garder sur notre sol nos chercheurs les plus prometteurs ou à attirer les talents internationaux. Qui n’a pas à l’esprit l’exemple d’Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, partie mener ses recherches pionnières et majeures hors du pays qui l’avait formée. Une revalorisation des métiers de la recherche, gage d’une attractivité retrouvée, s’avérait nécessaire.
C’est dans ce contexte que j’ai plaidé, avec un certain nombre de parlementaires convaincus du décrochage possible de la France par rapport à ses concurrents, en faveur d’une loi de programmation de la recherche. Cette dernière a finalement pris corps grâce à l’engagement personnel de Frédérique Vidal, qui en a accepté le principe et a décidé de l’inscrire à l’ordre du jour du Parlement dans le courant de ce quinquennat.
Incontestablement, la LPR 2021-2030 consacre des moyens conséquents à la recherche. A l’heure où les défis en matière d’accroissement des connaissances dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la sécurité et de la transition numérique sont considérables, l’objectif d’atteindre au moins 3 % du PIB d’ici à 2030 pour l’effort de R&D national est louable.
La LPR prévoit pour ce faire une augmentation progressive et importante du budget de la recherche publique de 25 milliards d’euros supplémentaires sur dix ans, ciblée sur l’Agence nationale de la recherche et le financement sur projets. En tant que rapporteur du texte au Sénat, je me suis battue, sans succès malheureusement, pour convaincre le Gouvernement de ramener à sept ans cette durée tout à fait inhabituelle pour une loi de programmation, et établir ainsi une trajectoire budgétaire plus crédible et plus efficace.
Néanmoins, l’augmentation substantielle des moyens de l’ANR permettra de porter le taux de succès aux appels à projets à 30 % (contre 17 % aujourd’hui) afin de soutenir la recherche et l’innovation de qualité, en particulier les projets les plus risqués et originaux, et de mieux financer la recherche fondamentale dans l’ensemble des champs disciplinaires, en rendant le recours à l’ANR plus accessible et plus attractif pour les chercheurs.
Elle permettra également d’augmenter le préciput à 40 % (contre 19 % aujourd’hui). Rappelons que le préciput est un mécanisme destiné à couvrir les coûts indirects des projets de recherche sélectionnés par l’ANR. Il s’agit d’une part du financement revenant non pas au porteur du projet mais aux établissements dans lesquels ces projets sont menés. Le Gouvernement s’est fixé pour objectif d’en faire une source directe de financement des laboratoires des organismes de recherche parties prenantes aux projets de recherche et de mettre fin à l’opposition stérile entre financement de base et financement par appel à projet.
Toutefois, s’il était besoin de nuancer l’apport réel de la loi en matière de financement de la recherche, nous n’hésiterions pas à affirmer qu’au fond, la France se donne juste les moyens de réaliser les ambitions qu’elle avait affirmées 20 ans plus tôt. Cet effort restera, quoi qu’il en soit, insuffisant par rapport à celui de nos voisins européens, notamment l’Allemagne, qui consacre déjà 3,1 % de son PIB à la recherche et a récemment pris de nouveaux engagements de dépenses à hauteur de 5 % supplémentaires par an pour atteindre 3,5 % de son PIB.
Par ailleurs, la LPR engage un mouvement effectif de revalorisation salariale concernant l’ensemble des fonctions, chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, personnels administratifs… (dont 2,5 milliards d’euros d’indemnités supplémentaires sur sept ans) afin de répondre aux attentes d’une communauté de la recherche fortement fragilisée et insuffisamment considérée.
C’est assurément l’un des points forts de ce texte au regard, d’une part, de l’écart de rémunération significatif caractérisant les chercheurs français par rapport à leurs homologues des pays membres de l’OCDE et, d’autre part, de la dégradation continuelle de leurs conditions de travail.
La loi crée en outre de nouveaux dispositifs de recrutement pour améliorer l’attractivité des carrières et sécuriser les parcours, tels les chaires de professeur junior, le contrat doctoral de droit privé, le contrat post-doctoral, le CDI de mission …
Autre point marquant, l’évaluation de la recherche est désormais modernisée et renforcée sous l’égide du Haut Conseil de l’Evaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), dont l’indépendance est réaffirmée et le champ de compétences étendu aux grandes infrastructures de recherche nationales.
Enfin, dans le but de faciliter la diffusion de la recherche dans l’économie, objectif majeur de la stratégie de renouveau économique et de reconquête des parts de marché perdues par la France sur ses concurrents aux niveaux européen et mondial, la LPR assouplit le régime du chercheur-entrepreneur, soutient la recherche partenariale et simplifie significativement les régimes de cumul d’activité des chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Cette palette de moyens créés par la loi, brièvement évoqués dans cette contribution écrite, offre incontestablement un terreau favorable pour la recherche et les chercheurs. Certains penseront que le Gouvernement a manqué d’ambition et proposé un texte sans souffle. Gardons-nous de tout jugement définitif et laissons ces différentes mesures produire leurs effets.
Dans le domaine de la santé notamment, elle pourrait bien s’avérer décisive et permettre à des organismes de recherche publique comme l’INSERM, dont je n’ai cessé de plaider la cause, de proposer des avancées majeures en matière de traitements innovants.
Programmer le financement et le fonctionnement de la recherche, valoriser le statut de celles et ceux qui s’y consacrent, c’est tracer la route de notre destin collectif et affronter les défis du futur.
Je ne doute pas que cette loi, aussi perfectible soit-elle, contribuera au renouveau français indispensable pour l’avenir des générations futures. ■