En 2019 notre voisin qui a produit son électricité à hauteur de 31,7 % par les énergies renouvelables (éolienne, photovoltaïque et hydroélectrique) et 47,5 % par l’énergie fossile (charbon, gaz et lignite) (2) émettait jusqu’à 10 fois plus de gaz à effet de serre que la France membre du peloton de tête des pays les plus décarbonés en Europe et dans le monde grâce à ses centrales nucléaires et à son hydroélectricité représentant environ 80 % de sa production électrique. Selon Sylvain David, chercheur du CNRS, « Il y a effectivement un facteur 10 sur le taux d’émission de CO2 : la France est autour de 50 gCO2eq/kWh, l’Allemagne entre 400 et 600 g CO2eq/kWh selon les années » (3).
C’est dans ce contexte d’échec retentissant de l’Energiewende que la cour fédérale des comptes Allemande a renouvelé au premier trimestre 2021 son alerte soulignant les risques d’explosions des factures d’électricité et surtout la probabilité de plus en plus forte de déstabilisation de son réseau électrique avec des coupures généralisées. Le modèle d’une transition énergétique basée sur les énergies renouvelables comme les éoliennes couplées au charbon puis au gaz promu par les lobbies Allemands soutenus par les ONG environnementalistes est aujourd’hui totalement dépassé.
Il est maintenant établi que sortir d’une nucléaire pour le substituer par des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques n’est en rien une solution pour baisser massivement les émissions de gaz à effet de serre, bien au contraire. Le Ministère de la transition écologique l’a confirmé dans un rapport intitulé « Stratégie bas Carbone » en affirmant que le remplacement en France du nucléaire par des énergies renouvelables intermittentes conduirait in fine à une augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre. Ce rapport précise :
« Le Gouvernement a pris acte des études menées par RTE qui montrent que la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’échéance de 2025, telle que prévue dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte, soulève d’importantes difficultés de mise en œuvre au regard de nos engagements en matière climatique. Malgré le développement volontariste des énergies renouvelables entrepris par le Gouvernement, et du fait de la faible maturité à court terme des solutions de stockage, la France serait en effet contrainte de construire jusqu’à une vingtaine de nouvelles centrales à gaz dans les sept prochaines années pour assurer la sécurité d’approvisionnement lors des pointes de consommation, conduisant à une augmentation forte et durable de nos émissions de gaz à effet de serre » (4).
Faut-il dès lors continuer cette politique paradoxale d’installation d’éoliennes intermittentes qui ont un impact négatif sur le climat ? La question mérite d’être posée d’autant que l’argent public est largement mis à contribution dans cette politique inefficiente en France.
En étudiant les différents rapports, celui de la Cour des comptes au Sénat de mars 2018, de l’Assemblée nationale de 2019, des chiffres de la CRE, il est possible d’évaluer les engagements dans les éoliennes à un chiffre proche de 150 milliards d’euros auxquels il faut ajouter une grande partie des 100 milliards annoncés par RTE pour raccorder les ENR aux réseaux soit un total minimum de l’ordre de 250 milliards d’euros d’engagement. Une dépense pour rien ! La « transition énergétique » Allemande est une fausse route en particulier en France pour la simple raison que la décarbonation de notre électricité est déjà réalisée et n’est plus à faire. Elle est même tellement performante que le modèle électrique français fondé sur les centrales nucléaires fait partie des exemples à suivre dans le monde dans cette lutte pour le climat. Et en ce sens, la Commission Européenne n’a pas d’autre choix que d’intégrer le nucléaire dans la taxonomie des énergies vertes actuellement en discussion.
Il nous faut revoir nos paradigmes en passant d’un modèle de « transition énergétique » basé sur les ENR d’inspiration Allemande à une « disruption énergétique » fondée sur le nucléaire industriel français. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre les modifications climatiques, non, il s’agit de profiter de l’opportunité liée à la nécessaire décarbonation de nos pays pour redynamiser notre filière industrielle nucléaire tout en profitant des exportations importantes des nouvelles technologies dans le domaine. Dans ce contexte, la France doit créer en urgence une « Silicon Valley » du nucléaire. Notre pays en a les moyens, la capacité scientifique et surtout l’expertise avec plus de 70 ans de recherches et de développement dans le domaine nucléaire depuis la création visionnaire par le Général De Gaulle du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique).
L’abandon du projet Astrid est une erreur de poids (5). Il faut rappeler que ce nouveau type de réacteur à sodium liquide à l’étude est la suite de Phoenix et Superphénix et permet de produire de l’électricité en abondance et de manière quasi illimité dans le temps en réutilisant les déchets nucléaires radioactifs des actuelles centrales nucléaires en activité. Nos réserves de déchets présents constituent une opportunité incroyable et rendent notre pays totalement autosuffisant pendant des centaines voire des milliers d’années sans besoin d’importation de combustible de l’étranger assurant de facto notre souveraineté énergétique.
La Chine, la Russie et les USA ont tous annoncés le développement de la recherche dans ce type de réacteurs. La Russie propose même aux pays où elle construit des réacteurs à eau pressurisé de conserver les déchets radioactifs sachant pertinemment que ces derniers constitueront le combustible d’avenir du nouveau nucléaire. Aussi, la France a-t-elle un incroyable atout à jouer dans cette nouvelle donne énergétique mondiale. En 2018, le rapport du GIEC a recommandé pour lutter contre une augmentation de 1,5 °C de la température dans tous les scénarios, une amplification notable de l’électricité d’origine nucléaire dans le monde, allant de 100 % à 500 % de progression mondiale d’ici 2050. Dans le scénario P3, le GIEC envisage ainsi une multiplication par 6 de la production électrique basée sur le nucléaire dans ce même délai (6).
Il est urgent d’abandonner cette politique illusoire et sans fin d’installation d’énergies renouvelables intermittentes dans notre pays pour nous consacrer enfin dans le cadre d’une « disruption énergétique » sur ce que nous savons faire avec talent : une électricité nucléaire décarbonée par une industrie non délocalisable qui constitue un joyaux français pourvoyeur de plus de 400.000 emplois directes, indirectes et induits qui dans cette perspective peuvent être fortement développés. ■
1. Philippe Manière, « Transition énergétique allemande : le fantasme fait place à la gueule de bois », in Challenges, 11 mai 2019
2. AG Energiebilanzen, bilan électrique 2019, cité par Cécile Crampon, « Allemagne et Energiewende, stop ou encore ? », Revue générale du nucléaire, 16 septembre 2020.
3. Julien Baldacchino, « L’Allemagne émet-elle vraiment 10 fois plus de gaz à effet de serre que la France ? » France-Inter, 27 novembre 2018. Voir aussi electricitymap.org qui nous donne des indicateurs journaliers des émissions de carbone pays par pays en tenant comptes des différents mix énergétiques.
4. « Stratégie bas nationale bas carbone : La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone », ministère de la Transition écologique et solidaire, mars 2020, p. 120, note 110.
5. Thomas Gassilloud et Stéphane Piednoir, « L’énergie nucléaire du futur et les conséquences de l’abandon du projet de réacteur nucléaire de quatrième génération Astrid », Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST), 8 juillet 2021.
6. « Global Warming of 1,5 °C », IPCC (GIEC) Summary for policymakers, 2018, p. 16
*Auteur du livre : « Nucléaire Les vérités cachées, face à l’illusion des énergies renouvelables » - Edition du Rocher, octobre 2021, « Eoliennes la face noire de la Transition écologique » - Edition du Rocher, octobre 2019.