Parmi les mesures présentées concernant l’ensemble du fonctionnement des services d’urgence, la plus innovante et la plus ambitieuse était la création d’un service d’accès aux soins : le SAS. Le rapport le définissait ainsi : « Le SAS doit permettre à chacun d’accéder à distance, de manière simple et lisible, à un professionnel de santé qui pourra lui fournir un ensemble de réponses allant du conseil à la téléconsultation, en passant par l’orientation vers une consultation sans rendez - vous ou un service d’urgences avec déclenchement d’un SMUR ou d’un autre vecteur le cas échéant » (1). Quelques mois plus tard, la pandémie Covid-19 se répandait sur tout le territoire et déclenchait une crise sanitaire mondiale d’une amplitude et d’une durée jusque-là inconnues. Paradoxalement, cette crise qui a profondément affecté les structures d’urgences et de réanimation, loin d’empêcher la mise en place de la réforme prévue en est devenue en quelques mois un véritable catalyseur. En effet, la première vague de la pandémie en mars 2020 a provoqué un afflux massif d’appels au 15. Elle a imposé sur tout le territoire la multiplication par plus de 3 du nombre de postes informatiques, de personnels assurant la réponse et la mise en place d’une procédure de réponse et de triage des appels très rapide (le décroché de niveau N1) par des auxiliaires de régulation médicale (ARM) expérimentés. Cette technique de décroché bi-niveaux associée à une présélection automatisée des appels Covid-19 a permis d’orienter les appels vers l’aide médicale urgence (AMU) ou la permanence des soins (PDS). Cette procédure de réponse rapide est en fait la première composante du SAS. De même, un des enjeux majeurs pour la Régulation Médicale du 15 était dès le début de la crise d’éviter que les services d’accueil d’urgences (SU) hospitaliers ne soient submergés par un afflux incontrôlable de patients Covid -19. Il aurait provoqué, comme cela s’est vu dans d’autres pays y compris en Europe, des files d’attente interminables d’ambulances transportant sans discernement des patients graves et moins graves. En France, le rapprochement avec la médecine de ville et des solutions innovantes ont permis d’éviter cette situation à haut risque. Le SAMU a adopté de nouvelles technologies de régulation médicale : de la téléconsultation avec une visio-régulation de l’appelant, des connexions avec les agendas partagés des médecins libéraux pour les consultations, des logiciels permettant de mobiliser des personnels volontaires. Parallèlement à l’activité de prise en charge des patients habituelle des patients, il a été développé l’envoi à domicile d’équipes associatives (comme la Protection Civile ou la Croix Rouge) permettant l’évaluation de l’état clinique du patient, de son contexte socio-environnemental et de la possibilité de son maintien à domicile. Tout maintien à domicile était associé, avec l’accord du patient, à un suivi à distance par une équipe dédiée grâce à une inscription dans un parcours de soins contrôlé type COVIDOM.
Les SAMU et les SMUR ont aussi appris à mettre en commun leurs ressources au-delà des limites départementales habituelles. En Île-de-France, la Régulation Médicale zonale, des places de réanimation Covid-19, mises en place par le SAMU zonal, a été essentielle au cours des différentes vagues de la pandémie pour répartir les patients dans toutes les structures publiques et privées ayant des capacités de soins critiques (SC). Les équipes SMUR ont aussi réalisés plus d’un millier d’évacuations sanitaires (EVASAN) de patients relevant des SC entre les différentes régions pour répartir sur le territoire national la charge de soins que nécessitait ces patients graves. Seul le système d’urgence français, qui centralise autour du Samu-Centre 15 la coordination des parcours de soins en urgence, a pu réaliser de telles EVASAN en masse. Les équipes de réanimation pré-hospitalières du Samu-Centre 15 (les SMUR), habituées à ce type de mission, ont utilisé pour la première fois, en plus des moyens habituels, en métropole les TGV (missions « Chardon ») et très récemment, pour les départements ultra-marins des avions de ligne gros porteur (missions « Hippocampe ») aménagés spécifiquement pour la prise en charge de patients de réanimation.
C’est dans ce contexte d’évolution rapide et d’innovation que la loi « 2021-502 du 26 Avril visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » a institué le SAS.
Mesure phare de la réforme des urgences, le SAS est passé à une phase de déploiement dans 22 sites pilotes qui ont été sélectionnés par les professionnels, les ARS et la DGOS. Le principe d’un décrocher « bi-niveaux » permet d’ores et déjà de répondre en moins de 30 secondes aux appels et de les orienter rapidement vers la filière d’AMU ou celle des soins non programmés (SNP) qui représente l’extension diurne de la PDS à toutes les ressources ambulatoires de la médecine de ville. Le SAS co-construit et co-géré par les représentants de ses deux entités (AMU et SNP) a pour vocation de fédérer tous les parcours de soins relevant de l’urgence. Il répond ainsi à l’attente de nos concitoyens qui veulent bénéficier dès l’appel d’une orientation rapide et pertinente dans le système d’urgence sans être systématiquement transporté à l’hôpital pour les situations qui ne le nécessitent pas. Le SAS en créant un point d’entrée commun pour l’ensemble des urgences (vitales, graves ou celles qui relèvent de la médecine générale) répond à cette attente de rapidité et d’efficacité mais aussi d’économie de la santé en dispensant la réponse adaptée à chaque situation. Rien n’est plus difficile pour l’appelant que de déterminer lui-même, le degré de gravité de son atteinte, par contre la régulation médicale dont c’est la fonction permet de l’orienter beaucoup plus facilement et de façon pertinente. L’épidémie Covid-19 a bien démontré qu’un patient qui un jour a des signes bénins peut très rapidement s’aggraver. De nombreuses pathologies se manifestent initialement par des signes peu spécifiques impossibles à différencier pour un non professionnel de santé, mais qui sans prise en charge adaptée, évolueront vers un tableau alors plus évident mais malheureusement grevé, par un diagnostic tardif, d’un pronostic beaucoup plus péjoratif. Il ne faut donc pas attendre qu’une urgence médicale devienne vitale pour agir vite. Il faut savoir l’identifier précocement et l’orienter à bon escient. Pour cela disposer d’un point d’entrée unique dédié à la santé est essentiel. Il faut donc maintenant concrétiser cette étape de la réforme des urgences : Le numéro « urgences-santé »113, attribué à la Santé, devient ainsi le numéro commun des parcours de soins qui adapte le système de soins à la prise en charge du patient et à la réalité du terrain, et non pas l’inverse. Son principe est de rassembler et non de commander ou de se substituer à d’autres. Il permet d’utiliser toutes les structures de soins existantes dans leur domaine de compétence et de sécuriser lorsque cela est nécessaire, celles qui sont les plus fragiles ou éloignées des centres de référence. Il facilite ainsi le maintien et le développement d’une médecine de proximité dans chaque localité du territoire. La mise en place du 113, complétée par le développement des nouvelles technologies de communication et par une plateforme numérique est une réforme beaucoup plus ambitieuse que le développement du 112 dont les limites sont apparues dans de nombreux pays au cours de la crise Covid-19. Le 112 scinde artificiellement les urgences vitales des autres urgences médicales, sous le prétexte de les rapprocher d’un dispositif de secours qui n’est ni nécessaire, ni adapté au parcours de soins de la majorité des patients. Par contre, la nécessité d’interventions immédiates de secours, dont la dimension médicale n’est pas le seul motif, bénéficie du 112. Deux numéros d’urgence complémentaires 112-113 associant leurs actions chaque fois que cela est nécessaire est une solution simple et pragmatique immédiatement à notre portée. Elle reconnaît la spécificité de notre système d’urgence et de notre système de secours et traduit notre adaptabilité à l’innovation et aux besoins de la population. Elle illustre la pensée de Gandhi : « l’adaptabilité ce n’est pas imiter les autres, c’est au contraire développer notre pouvoir de résistance et d’assimilation ». ■
1. http://www.urgences-113.fr/doc/RAPPORT_MESNIER_CARLI_T2_Le-SAS.pdf