L’essor de ces biothérapies a permis le développement de la médecine dite personnalisée en apportant des solutions thérapeutiques qui ont fait leur preuve dans de multiples indications (oncologie, immunologie, virologie, maladies rares…) ; ces biomédicaments représentent actuellement 50 % des essais cliniques en cours. Il s’agit de vaccins, d’anticorps thérapeutiques, particules virales produites pour la thérapie génique, de cellules humaines de culture ou encore des microorganismes issus de notre microbiote. Ces familles de médicaments ont en commun d’être toutes produites par le vivant ou être vivantes.
Le développement de ces biothérapies et de leur production est porteur à la fois de promesses et d’enjeux majeurs pour notre pays. Pour notre système de soins ces nouvelles solutions constituent souvent une opportunité décisive pour les patients, mais représentent toutefois un défi majeur pour la soutenabilité financière du système de soins, ces traitements pouvant régulièrement coûter plusieurs centaines de milliers d’euros par patient. Elles constituent également une opportunité pour notre économie car ce marché représente 24,3 % du marché mondial du médicament en 2019, soit environ 200 Mde, et devrait enregistrer une croissance entre 8 % et 9 % par an en moyenne pour atteindre 320 Mde d’ici à 2025. Cette industrie est aussi essentielle à notre souveraineté sanitaire : en 2017, 4 nouveaux médicaments sur 10 étaient des biomédicaments, et d’ici 2024, la majorité des nouveaux médicaments devraient être des biomédicaments. Or, aujourd’hui 95 % des biothérapies utilisées en France sont préparées à l’étranger.
Cependant, la France dispose d’atouts majeurs dans ce secteur. Par exemple, la recherche française en biotechnologie donne de bons résultats avec un nombre de dépôts de brevets parmi les meilleurs d’Europe et avec de nombreuses créations de sociétés de biotechnologies (plus de 120 ces deux dernières années) en capacité de mobiliser des financements important tels que Treefrog, société de la FrenchTech 120 qui vient de lever 64 Me sur les marchés internationaux. L’essor de ce secteur en France se traduit par la croissance des financements privés : en janvier et février 2021, on dénombrait 15 refinancements annoncés par les Biotechs françaises ce qui constituait un record, c’était déjà plus du double du précédent record de 2020, à la même époque (6 opérations). Aussi, notre système de santé a une vocation universelle, et à ce titre, explique pourquoi la France est l’un des principaux marchés au monde pour ces nouvelles thérapies. Et nous pouvons ajouter que la France dispose de formations de qualité qui alimentent un marché nécessitant une main d’œuvre qualifiée.
Afin d’anticiper ces changements structurels, la France doit développer cette industrie pour rester dans la course et parvenir à finir en tête. En effet, les investissements des géants de ce secteur se comptent en milliards de dollars. Il est donc urgent que la France accélère son développement pour revenir sur un marché à très forte croissance. En 2021 la France ne disposerait que de 32 500 litres de cuves, volume infime comparé à des géants tels que Samsung Biologics qui va investir 1,7 Mde pour construire un 4ème site de production en Corée du Sud qui viendra compléter ses 364 000 litres de cuve de bioproduction.
Ce développement accéléré en France devra se faire en intégrant toute la chaîne de valeur des biothérapies, de la recherche la plus fondamentale à la délivrance de ces nouvelles thérapies aux patients, sans oublier l’industrie de production. L’objectif est que les médicaments innovants de demain soient issus de nos laboratoires de recherche et sociétés de biotechnologies et produits sur notre territoire.
Les principaux points de blocage ont été identifiés, et sont aujourd’hui :
• Une offre de capacité de production pour tiers inférieure à la demande ce qui entraîne la délocalisation des productions nécessaires aux essais cliniques ;
• Des financements encore insuffisants pour permettre aux start-up de passer à l’échelle et de mettre en place leurs capacités de productions. La conséquence de ce manque de financement industriel est le rachat de nos sociétés de biotechnologies par des fonds et des industriels étrangers.
• Une complexité réglementaire significative ;
• L’absence de leaders, notamment industriel, pour porter la filière ;
• Une tension sur les compétences clés, auquel s’ajoute la nécessité de renforcer les expertises académiques en innovation de procédés et d’équipements de bioproduction.
Face à ces enjeux, et au vu des atouts majeurs dont dispose la France dans la course mondiale au développement de nouveaux écosystèmes autour des nouvelles biothérapies, le Président de la République Emmanuel Macron a présenté le 29 juin 2021 la stratégie Innovation Santé 2030 issue des travaux du Conseil Stratégique des Industries de la Santé (CSIS 2021). Cette stratégie, dotée de 7 Mde, a pour ambition de créer une rupture avec le passé, et de mobiliser l’ensemble des outils de politique publique (financement, simplification, accès au marché accéléré, création d’une Agence de l’Innovation en Santé…) pour faire de la France un leader mondial en matière d’innovation en Santé d’ici 2030.
Cette stratégie globale comporte en particulier un volet dédié aux « biothérapies et la production de thérapies innovante » doté de 800 Me du quatrième Programme d’investissements d’avenir (PIA4), dont l’objectif est de faire de la France un leader européen en bioproduction pharmaceutique ; cette « stratégie d’accélération biothérapies et bioproduction » (ou SABB) permettra de renforcer l’attractivité du pays et de sécuriser notre indépendance sanitaire en termes d’approvisionnement.
La consultation publique et l’appel à manifestation d’intérêts menés en début d’année ont permis de dégager les principaux axes sur lesquels la France doit concentrer ses efforts afin de réussir à atteindre ces objectifs. Les 4 thématiques suivantes sont apparues comme étant celles sur lesquelles notre pays a le plus la possibilité de se démarquer dans la course mondiale aux biothérapies :
1. Les biotechnologies en oncologie ;
2. Les biotechnologies et innovations en thérapie génique et cellulaire hors oncologie ;
3. Les systèmes d’optimisation de technologies existantes dont les nouveaux systèmes d’expression permettant de produire ces biomédicaments ;
4. Le développement d’unités de production plus performantes et outils d’optimisation des systèmes de culture et procédés de bioproduction.
Notre pays doit également faire preuve d’agilité, et être en capacité de se mobiliser en faveur de filières émergentes développant potentiellement les innovations de rupture de demain. Chaque année, une de ces filières sera ciblée pour concentrer suffisamment de financements publiques pour significativement accélérer leur développement. En 2021-2022, cette filière sera la filière des Produits biologiques vivants (dont les produits issus de notre microbiote).
Au regard des moyens mis en œuvre, des objectifs ambitieux ont été fixés à mi-chemin (pour 2025) pour cette stratégie comme suit :
• Produire au moins 5 nouveaux biomédicaments (soit 10 biomédicaments en tout) ;
• Doubler le nombre d’emplois du secteur (passage de 10 000 à 20 000) ;
• Permettre l’émergence d’au moins 1 nouvelle licorne et 5 nouvelles ETIs de la biotech.
Une part importante des mesures nécessaires à la réalisation de ces objectifs (sur l’accès au marché, le financement de l’innovation, la formation…) étant par ailleurs des mesures transversales à l’ensemble des champs de l’innovation en santé, elles se feront en cohérence avec les propositions portées par le CSIS 2021 et du Contrat Stratégique de Filière – industrie et technologie de la Santé signé par les industriels et l’Etat. Ces mesures permettront ainsi de faire de la France un des pays les plus attractifs au monde pour l’innovation en santé et ainsi faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé. ■