Commencée en fanfare avec une polémique – le drapeau européen installé puis très vite retiré sous l’Arc de Triomphe – la présidence française du Conseil de l’Union européenne va durer six mois. La France occupe cette présidence tournante selon un ordre alphabétique préétabli dès 1958 lors de la signature du Traité de Rome. A l’époque l’Union européenne ne comptait que six pays (Belgique, Allemagne – Deutschland -, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas). En 2022, la France va assurer la 13ème présidence, la précédente datant de 2008, sous Nicolas Sarkozy. Sans le Brexit, la France aurait dû patienter six mois de plus. Ainsi selon le nouveau calendrier adopté en 2016, après la France en 2022, ce sera au tour de la République tchèque d’assurer la présidence tournante. En 2023, la Suède puis l’Espagne. En 2024, la Belgique puis la Hongrie. En 2025, la Pologne puis le Danemark. En 2026, Chypre puis l’Irlande. En 2027, la Lituanie puis la Grèce. En 2028, l’Italie puis la Lettonie. En 2029, le Luxembourg puis les Pays-Bas. En 2030, la Slovaquie puis Malte.
Le Conseil de l’Union européenne que l’on désigne parfois sous le nom de conseil des ministres de l’Union européenne est l’une des trois institutions qui élabore et adopte les lois européennes avec la Commission et le Parlement européen. Il ne faut cependant pas confondre le Conseil de l’Union européenne avec le Conseil européen composé des 27 Chefs d’État et du gouvernement de l’UE et présidé par un président permanent, Charles Michel, et le Conseil de l’Europe qui n’est pas une institution européenne mais dont le siège est à Strasbourg et qui rassemble 47 États membres.
Pendant six mois, à la tête du Conseil de l’UE, la France pourra infléchir la politique européenne en fixant ses priorités. La France peut ouvrir des chantiers (immigration, défense européenne, réforme des mécanismes financiers, relations avec l’Afrique, etc.) comme l’a détaillé Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 9 décembre dernier tout en restant maître de l’agenda. Pour autant comme six mois sont rarement suffisants pour appliquer l’intégralité du programme, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2007, il est prévu que le pays assurant la présidence tournante le fasse en lien avec les deux pays qui suivent, à savoir pour la France, la République tchèque et la Suède.
« Relance, puissance, appartenance » sont les trois priorités affichées par la France. Emmanuel Macron fait de la souveraineté européenne un axe fort de cette présidence tournante avec une réforme de l’espace Schengen et notamment la création d’un mécanisme de soutien intergouvernementale d’urgence en cas de crise migratoire aux frontières d’un Etat membre. Il est encore prévu une meilleure gestion de l’immigration. La Défense européenne sera promue avec « un livre blanc européen de défense et de sécurité qui présentera l’état des menaces et fixera les objectifs et orientations ».
Le Président français entend aussi promouvoir « un nouveau modèle européen de production, de solidarité et de régulation », notamment dans les domaines de la transition énergétique et de la transition numérique. Sur l’énergie, les deux points forts visés sont la neutralité carbone d’ici 2050 et la taxation carbone aux frontières. La France veut une Europe « plus numérique ». Avec le Parlement, elle fera « en sorte d’éviter que les géants du numérique deviennent des monopoles sans règles et tuent l’esprit d’innovation » précise l’Elysée. Sur la question de l’Europe sociale, la présidence française a annoncé vouloir porter jusqu’au bout et en dépit des réticences, la directive sur le salaire minimum.
Au cours de ces six mois, 400 événements sont prévus en France et au sein des 27 Etats membres. Avec un événement majeur français qui pourrait alors rebattre les cartes, l’élection présidentielle et un premier tour de la présidentielle fixé au 10 avril et un second tour le 24 avril. La question que tout le monde se pose est de savoir comment le locataire actuel de l’Elysée pourra mener de front la présidence du Conseil de l’Union européenne et une campagne présidentielle. ■
Pour une majorité de Français, la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) ne sera ni « un atout » ni « un handicap » pour le Chef de l’Etat (52 %). Ils sont deux fois plus nombreux à estimer que cette présidence de l’UE par la France sera un avantage (32 %) plutôt qu’un handicap (16 %) pour Emmanuel Macron. C’est ce qui ressort d’une enquête Odoxa pour Le Figaro. Ce sondage montre également que les questions européennes pourraient avoir un impact sur le choix du candidat à la présidentielle. Ils sont 63 % des Français à déclarer que les propositions des candidats sur les enjeux européens pourraient influer leur choix. La question sera déterminante surtout chez les sympathisants d’Europe-Ecologie-Les Verts (79 %) et du Parti socialiste (78 %) et moindre chez les adhérents du Rassemblement national (61 %) et des Républicains (66 %).
Sur les questions européennes encore, pour les Français interrogés, les priorités du président de la République devront être la lutte contre l’immigration clandestine, la relance de l’économie (48 %) et la lutte contre l’épidémie de Covid et ses conséquences (44 %). Viennent ensuite la protection des industries (37 %) et la lutte contre les dérèglements climatiques (35 %). Sans surprise, la priorité à donner est à la lutte contre l’immigration clandestine pour le RN (78 %) et les LR (73 %) quand il s’agit de répondre aux dérèglements climatiques pour les sympathisants EELV (62 %).
L’étude Europa Nova-Ifop publiée conjointement dans le Journal du Dimanche, le Corriere della sera et la Frankfurter Allgemeine Zeitung le 1er janvier montre les différences d’approches sur la construction européenne entre les Français, les Allemands et les Italiens. Les Allemands sont ceux qui se déclarent les plus « fiers d’être européens » (78 %) suivis des Italiens (75 %) puis des Français (68 %). Ce qui n’est pas sans lien avec une autre information. En effet, nos compatriotes (40 %) déclarent préférer « une Europe des nations avec davantage de souveraineté des pays » a une « souveraineté européenne dans le cadre d’une Europe plus intégrée » (29 % et 31 % ne « savent pas »). Les Italiens sont partisans 34 % d’une « Europe des nations » à 34 %, 50 % se disent pour une « souveraineté européenne » et 16 % « ne savent pas ». Les Allemands sont 38 % pour « l’Europe des nations », 43 % pour « la souveraineté européenne » et 19 % « ne savent pas ».
Pour expliquer ce positionnement français, Guillaume Klossa émet l’idée que cela pourrait être en lien avec la nature du régime politique, à savoir présidentiel pour la France qui « polarise l’opinion ». « Si le Président s’affiche comme pro-européen, les oppositions auront tendance à s’opposer à l’Europe de manière générale ou à négliger le sujet » explique le fondateur du Think tank Europa Nova interrogé par le JDD. « En Italie comme en Allemagne, la moindre personnalisation du pouvoir et la culture de coalition sont favorables à un portage politique positif des enjeux européens par l’ensemble des partis de gouvernement » ajoute-t-il. « Enfin, complète Guillaume Klossa, la forte focalisation de débat public français sur le sujet migratoire associé à l’Europe contribue également à diviser l’opinion ».