Promouvoir les valeurs européennes. Voilà un objectif assumé de la présidence française de l’Europe affichée sans ambiguïté au Parlement européen le 19 janvier dernier par Emmanuel Macron. Face aux « doutes », le président français a appelé « au combat pour l’Etat de droit ». Sans aller jusqu’à les nommer a clairement pointé du doigt la Hongrie et la Pologne largement soupçonnées de malmener des valeurs européennes qui sont aujourd’hui « fragilisées » parce « considérées comme des acquis ». Emmanuel Macron a poursuivi sur sa lancée en dénonçant « le retour de régimes autoritaires », évoquant même « le bégaiement de notre histoire ». « Nous voyons cette révolution à l’œuvre qui vient saper les fondements même de notre histoire » a -t-il voulu alerter, plaidant pour la « tolérance » et la « civilité ». Après s’être réjoui de la « gestion de la pandémie par les démocraties » bien « plus protectrice que celle des régimes autoritaires », le président de la République a conclu en déclarant que « la fin de l’état de droit, c’est le règne de l’arbitraire ».
Autre grand moment de son discours, en tout cas celui relevé par la majorité des médias et sous les yeux de la nouvelle présidente du Parlement européen, la maltaise Roberta Metsola, présentée comme anti-IVG, la volonté d’Emmanuel Macron d’actualiser « la charte des droits fondamentaux de l’UE ». Le président de la République veut inscrire dans ce texte, « la protection de l’environnement » et la « reconnaissance du droit à l’avortement ». Mais cela a de fortes chances de rester au rang des vœux pieux.
Plus largement, le Chef de l’Etat s’est aussi demandé ce que c’est « qu’être Européen ? » avant de répondre dans la foulée à son interrogation : « c’est de ressentir une égale émotion devant nos trésors ». Emmanuel Macron veut que cette présidence soit l’occasion de défendre une certaine idée de la civilisation européenne, une culture européenne « à promouvoir » basée sur un « projet commun respectueux des singularités et des identités de chacun ». Pour atteindre cet objectif ambitieux, la présidence française entend faire appel à des historiens et intellectuels pour « bâtir ensemble le legs de cette histoire commune » avec en ligne de mire faire de l’Europe « à nouveau une puissance démocratique culturelle et éducative, fière d’elle-même ».
« Je souhaite que cette présidence française [..] pose des actes forts » sur le travail a encore déclaré Emmanuel Macron évoquant « les emplois de qualité, qualifiés, mieux rémunérés, avec des salaires minimums décents pour tous ». Le Chef de l’Etat entend profiter de ces six mois de présidence pour « lutter contre les discriminations » et « réduire les inégalités salariales entre femmes et hommes ».
Défi climatique et défi numérique, la présidence française répondra « aux grands défis du siècle » a promis Emmanuel Macron. Sur le défi climatique, la présidence française mettra en application « dans les prochaines semaines » les « propositions fortes » prises par la Commission européenne avant « d’être déployées au niveau national ». Le Chef de l’Etat a notamment évoqué « le sommet pour les océans » qui se tiendra en février. La volonté du président est de restaurer la puissance maritime de l’Europe et de défendre la biodiversité. « Nous avons à passer de l’intention aux actes ».
En ce qui concerne le défi numérique, il s’agit de construire « un véritable marché unique du numérique » en investissement dans des « technologies nouvelles », des « secteurs nouveaux » et en « consolidant » le continent. Emmanuel Macron veut se battre pour que l’Europe puisse « financer ses champions » mais aussi « simplifier son droit ». Objectif : bâtir « un marché domestique à taille de géant ». Le président de la république a annoncé deux grands textes visant à faire émerger « un nouveau modèle numérique européen » tout en « protégeant économiquement les acteurs du numérique » mais aussi « nos citoyens et le débat démocratique ».
Autre grand enjeu et pas des moindres le défi sécuritaire qu’Emmanuel Macron souhaite prendre à bras le corps. Il s’agit, a-t-il déclaré, de « retrouver la maîtrise des frontières et de notre espace ». L’idée est de réformer l’espace Schengen. Le locataire de l’Elysée veut aussi « acter un accueil partagé solidaire entre les Etats membres » et « bâtir les partenariats avec les pays d’origine et de transit ». Emmanuel Macron veut au fond, assure-t-il « construire une politique plus efficace mais respectueuse de nos principes pour lutter contre l’immigration irrégulière ».
Défense et sécurité seront au menu de la présidence française a encore indiqué le Chef de l’Etat avec l’adoption « d’une boussole stratégique ». Il s’agira de définir « notre doctrine de sécurité propre en complémentaire avec l’OTAN » et une véritable « stratégie en matière d’industrie, de défense et d’indépendance technologique ».
Sur cette question de défense, le Chef de l’Etat souhaite traiter la question du « réarmement stratégique de notre Europe » et construire « un ordre de sécurité collective ». Dans la période de tensions militaires que l’on connaît aux frontières de l’Ukraine, Emmanuel Macron a déclaré vouloir établir « un dialogue franc, exigeant face aux manipulations et ingérences » et rétablir le dialogue avec la Russie.
Enfin, le continent africain, avec qui il souhaite « refonder le partenariat » n’a pas été oublié. Un sommet sera organisé en février et proposera alors « une nouvelle alliance » et « un new deal économique et financier ». Il a également annoncé que l’Europe apportera son aide au continent africain dans sa lutte contre la pandémie avec la mise à disposition de « 700 millions de doses d’ici juillet 2022 ». Le terrorisme, l’éducation, le climat et la santé seront des thèmes abordés par la présidence française dans sa relation avec le continent africain. ■
Le président Macron sous le feu des eurodéputés
L’arrivée au Parlement européen sous les sifflets du président Macron ne présageait rien de bon. Après un discours entendu sur les grandes priorités de la présidence européenne, le Chef de l’Etat a été apostrophé par plusieurs eurodéputés d’opposition. Le feu a été nourri. Des attaques visant plus la politique française que la programme européen d’Emmanuel Macron ce que n’a pas manqué de relever la présidente du Parlement. « Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un débat national » s’est interposée à plusieurs reprises Roberta Metsola.
Côté interpellations européennes, l’Italienne Tiziana Beghin, membre de M55 a vertement taclé le président de la République lui demandant d’être « ambitieux et pas seulement avec des mots. Vous avez une grande responsabilité ». Alors que la Suédoise sociale-démocrate Hélène Fritzon demandait au Chef de l’Etat d’en finir « avec les bonnes paroles », d’autres eurodéputés sont allés jusqu’à dénoncer son « arrogance ». Quant au président du groupe PPE (droite), Manfred Weber, il a présenté ce traditionnel discours comme « une sorte de routine parfois ennuyeuse. Sur les grandes choses à l’ordre du jour, on entend tous les six mois, la même chose ». A la fin de son intervention, Manfred Weber a même apporté son soutien à Valérie Pécresse. Mais les attaques les plus violentes sont venues du camp français qui se sont servis de cette occasion comme d’une tribune électorale. Yannick Jadot, candidat déclaré à la présidentielle s’ne est pris au président l’accusant d’être « le président de l’inaction politique ». « Vous êtes un président climato-arrangeant, vous préférez passer des accords avec les lobbies (…) sauver le nucléaire condamné à la faillite ». Prenant à son tour la parole, l’élu RN Jordan Bardella n’a pas ménagé sa peine pour attaquer le président lui reprochant notamment d’avoir fait de l’Europe, « l’arrière-cour de Washington, la proie de Pékin, l’hôtel de l’Afrique ». La plus virulente a sans doute été la députée de la France insoumise. Manon Aubry a reproché au président de « faire les poches des chômeurs », de mutiler les « gilets jaunes » et « d’emmerder le peuple ». Lucide, elle a aussi voulu rappeler que « la présidence française de l’UE ne doit pas être un marchepied électoral ». A chaque interpellation, Emmanuel Macron a répondu. Aucun n’a été épargné. Mais visiblement l’exercice n’a pas été apprécié par le président qui n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes lors du point presse suivant le discours qui mécontents ont quitté la salle de conférence de presse.