Etat, administration, collectivités locales… On a parfois l’impression que l’argent coule à flot. Mais au final, ce sont les contribuables qui casquent. Et pas toujours pour de bonnes raisons et à bon escient. Depuis de très nombreuses années Contribuables associés, première association civique non subventionnée de France et revendiquant plus de 350 000 membres, s’est lancée dans la chasse aux gaspillages. Vaste programme. « Parmi les quelque 1 450 milliards de dépenses publiques annuelles, beaucoup trop résultent d’une mauvaise gestion de l’argent des contribuables : bureaucratie coûteuse et coupée des réalités du pays, gaspillages éhontés, décisions ineptes d’élus irresponsables… » s’emporte Jean-Baptiste Léon, directeur des publications ce Contribuables associés. Dans ce petit (mais costaud) Livre noir, personne n’est épargné et dresse une liste non exhaustive des dépenses hallucinantes faites à partir d’argent public. Avec prudence mais aussi inquiétude, on s’étonne de la réalité des exemples livrés par l’association.
On s’en doutait un peu mais la sur-administration, fléau français sans cesse dénoncé mais si peu combattu, « ruinerait le contribuable à hauteur de 84 milliards d’euros ». L’association ouvre son catalogue en pointant une administration française capable de pondre des normes ubuesques comme celles que l’on a connues pendant la crise sanitaire. « Même les Allemands n’en sont pas revenus, ironise Contribuables associés : distinction entre commerces « essentiels » et « non essentiels », attestation de déplacement, autorisation de récolter des fleurs mais interdiction de les vendre… les lecteurs de Die welt se sont tordus de rire en apprenant que les Français avaient le droit d’acheter des casseroles mais pas des chaussettes, de se rendre dans un sex-shop mais pas chez un coiffeur, ou encore que les boîtes de huit étaient fermées alors que les clubs échangistes restaient ouverts pour des motifs… administratifs ». On préfère en rire aujourd’hui mais c’est tout de même assez symptomatique d’une lourdeur administrative bien française. Selon l’Ifrap, le coût de la sur-administration est passé de 60 à 84 milliards d’euros entre 2007 et 2018. Selon l’OCDE, le coût annuel de production des services publics calculé en pourcentage du PIB est bien plus élevé en France (29,1 %) que dans la moyenne des pays riches (20,6 %) en 2020. L’association attribue en partie cet état de fait à une fonction publique qui « ne cesse de prendre de l’ampleur » - pour la seule année 2020, la fonction publique a grossi de 33 700 agents estime l’Insee cité par Contribuables. Exemple significatif de cette envolée d’agents, la réforme des régions vendue comme celle de la simplification et surtout de la baisse des effectifs. « A priori, la fusion des régions engagées en 2016, devait réduire les coûts de gestion administrative de 10 millions d’euros. Elle a eu pour effet de les augmenter de 50 millions d’euros par an a minima explique l’association. Les gains d’efficacité liés à la diminution des effectifs et à leur regroupement dans un seul siège régional sont restés lettre morte. On a même recruté de nouveaux agents ».
Dans un autre chapitre, l’association tire à boulets rouges sur le Haut-commissariat au Plan, « machin enclin à la dépense » et piloté par un soutien de l’Elysée, François Bayrou. Créé en 2020, le coût de fonctionnement du HCP est estimé à 15 millions d’euros par an. Au-delà des doublons avec d’autres organismes comme le CESE, « France Stratégie » ou le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), Contribuables associés estime que le Haut-commissariat « ne brille pas par le nombre de ses préconisations » ni par leur pertinence comme celle de décembre 2021 poussant la France à la réindustrialisation pour réduire le déficit commercial…
Petit coup de griffe sur le gouvernement Castex qui a coûté, depuis sa formation en juillet 2020, « 160 millions d’euros aux contribuables », ce qui en fait le cabinet le plus cher de la Vème République note René Dosière, ex-député socialiste et spécialiste du train de vie de l’Etat. Avec 16 ministres de plein exercice (En 2017, Emmanuel Macron avait promis qu’il n’y aurait que 15 ministres maximum), 14 ministres délégués et 12 secrétaires d’Etat, le Gouvernement Castex occupe la 5ème place parmi les 42 gouvernements constitués depuis 1958. A noter encore que le nombre de collaborateurs (559) a augmenté après l’annulation en juillet 2020 du décret limitant à dix le nombre de collaborateurs autorisés dans chaque cabinet ministériel. Au final, et toujours selon René Dosière, les seuls ministres de Jean Castex coûtent 5,2 millions d’euros (contre 4,1 sous Edouard Philippe).
Les collectivités locales ne sont pas oubliées, loin de là. S’appuyant notamment sur les rapports de la Cour des comptes, le livre noir liste un certain nombre de cas concrets tristement éclairants sur la façon dont sont dilapidés les deniers publics. Comme pour l’Etat, les Sages de la rue Cambon pointent l’utilisation frénétique de consultants, avec des résultats « pas forcément à la hauteur des honoraires » ajoute Contribuables associés. Et le livre noir de citer l’exemple du centre aquatique « pharaonique » de Châteauroux (2000 m2 de bassins avec espace loisir, pataugeoire, bassin ludique, espace sportif, hammam et sauna) dont le coût a explosé (47 millions). Pourtant, une équipe de consultants avaient travaillé sur le projet décrié, victime selon la Cour régionale des comptes d’un « manque de réflexion globale ». Les cas litigieux ciblés par la Cour des comptes s’enchaînent : stade de foot de 25 172 places à Valenciennes qui n’a jamais atteint le taux de remplissage lui permettant d’amortir son prix de 75 millions d’euros, parking de 500 places dans une ville largement pourvue en stationnement, une immense médiathèque (4,7 millions d’euros) qui accueille 643 lecteurs ou encore une cuisine scolaire surdimensionnée après une surévaluation du nombre d’élèves… « L’argent des autres permet de dépenser jusqu’à plus soif » s’agace l’association qui regrette que « dans le même temps, des villes n’ont pas les moyens d’entretenir leur musée ou leurs réseaux d’eau… » « Finalement on dilapide dans l’accessoire mais pas dans l’essentiel » résume Jean-Baptiste Léon. Nous n’épiloguerons pas non plus sur les cartes de vœux avec piles et led de la mairie de Puteaux (130 000 euros), ni sur la fresque murale de l’hôpital de Rouen (55 00 euros) ou sur la machine infernale de Calais (27 millions d’euros sur huit ans), un dragon qui crache du feu et qui fonctionne épisodiquement dans une ville qui ploie sous la pression migratoire et dont la maire vient d’apporter son soutien à Emmanuel Macron… Enfin, n’oublions pas les urinoirs solaires de Paris (40 000 euros) censés récolter l’urine pour la transformer en engrais. Belle idée, sauf que l’emplacement de ces Naturinoirs a été décidé au mois de février sans tenir compte des feuilles des platanes qui empêchent les rayons du soleil de passer et de les faire fonctionner correctement. ■