Il existe des études appliquées au cas Français, ne permettant pas de conclure compte-tenu d’une quantité de données d’entrée trop faible, ou d’un biais de non-représentativité du marché (dires d’experts exclusivement, absence d’analyse des effets d’autres facteurs qui peuvent influencer le marché de l’immobilier).
Dans ce contexte, l’ADEME a piloté et publié en 2021 une analyse de l’évolution des prix de l’immobilier à proximité des parcs éoliens terrestres en France métropolitaine.
Cette étude combine une analyse quantitative de type statistique et une analyse qualitative (analyse bibliographique, enquête de terrain et interviews).
Origine des données et méthode d’analyse statistique
Les données immobilières sont issues de la base de données Open Source DVF, issues de la Direction Générale des Finances Publiques.
Cette base de données recense les transactions immobilières et foncières réalisées au cours des 5 dernières années, soit plus d’1,5 millions de transactions immobilières. Elle recense les données de surface bâtie, valeur foncière, date de transaction, code INSEE de la commune et coordonnées du bien.
Les données éoliennes sont issues d’une base de données interne à l’ADEME, elle recense notamment l’emplacement des éoliennes et leur date d’implantation.
La méthode des doubles différences permet d’estimer l’effet d’un traitement (ici, la mise en service d’éoliennes) et consiste à comparer la différence de prix / m2 entre le groupe témoin et le groupe traité avant et après l’introduction du traitement.
L’étude quantitative a été conduite sur l’ensemble du territoire métropolitain. Des analyses régionalisées ont aussi été conduites, mais la quantité de données disponibles n’a pas permis de conclure de façon robuste sur ces sous-ensembles.
La méthode développée permet d’extraire le signal « proximité de l’éolien » de toutes les autres variables pouvant influer sur les prix de l’immobilier (tendance historique locale, zone touristique, proximité d’une ville...).
Résultats quantitatifs issus de l’analyse statistique
L’analyse par doubles différences permet de conclure que l’éolien a un impact moyen sur le prix de l’immobilier de -1,5 %/m2 dans un rayon de 5 km autour d’une éolienne et est nul au-delà, pour les biens vendus entre 2015 et 2020 en France métropolitaine.
Ce chiffre est à mettre au regard des marges d’erreur des estimations immobilières, qui varient de +/-10 à 20 % sur un marché peu actif tel que le marché en zone rurale. Et, d’après l’analyse de la base immobilière, les 3 principaux facteurs explicatifs du prix par m2 des maisons sont :
• Le caractère plus ou moins rural de la commune
• Le niveau de vie de ses habitants
• La proximité à un site touristique
Par ailleurs, en combinant les bases de données éoliennes et immobilière, l’étude a mis en avant la corrélation suivante : les éoliennes sont implantées dans des communes de nature rurale, où les revenus sont globalement faibles.
Enfin, en comparant les taux de rotation des maisons à différentes distances des éoliennes, il a été constaté que les biens situés à proximité des parcs restent des actifs liquides.
Comparaison du résultat obtenu avec l’état de l’art international
Le résultat statistique obtenu à l’issue de l’analyse quantitative est cohérent vis-à-vis des autres études les plus fiables tirées de l’analyse bibliographique conduite au niveau international. Au total, 79 éléments bibliographiques ont été analysés : études traitant de l’éolien en lien avec l’immobilier, études traitant d’immobilier et d’infrastructures autres que l’éolien, notes méthodologiques, notes sur l’éolien en général. D’après ces différents documents, l’impact de l’éolien sur l’immobilier :
• est de l’ordre de quelques pourcents
• décroit avec la distance
• devient nul au-delà d’une dizaine de kilomètres
A cet égard, il apparait que l’impact de l’éolien sur l’immobilier est comparable à celui d’autres infrastructures industrielles (antenne téléphonique, centrale thermique, décharge / incinérateur, ligne haute tension).
L’étude bibliographique révèle par ailleurs que les marges d’erreur des estimations immobilières varient de +/-10 à 20 % sur un marché peu actif tel que le marché en zone rural, et que l’image liée à une infrastructure – qui évolue dans le temps - peut avoir un impact sur le marché des biens immobiliers à sa proximité.
Détail et résultats de l’enquête terrain
L’enquête a été réalisée dans 4 régions de France métropolitaine (Hauts-de-France, Normandie, Bretagne et Occitanie). Dans ces 4 régions, 20 communes à moins de 5 km d’éoliennes ont été sélectionnées (taille de commune, caractéristiques géographiques et économiques variées). 124 riverains ont été interrogés de façon aléatoire et volontaire dans chacune de ces communes, sur deux questions spécifiques liées à l’immobilier d’une part et à l’éolien d’autre part.
A la question « Pouvez-vous citer 3 facteurs qui valorisent (respectivement dévalorisent) un bien immobilier ? », la présence d’éolienne apparait comme un facteur de dévalorisation dans seulement 3 % des cas. L’éolien n’apparaît donc pas comme un facteur de dévaluation de l’immobilier significatif pour une grande majorité de riverains.
A la question « Pouvez-vous citer deux impacts positifs (respectivement négatifs) de l’éolien ? », les impacts négatifs sont exprimés en des termes bien plus concrets (nuisances visuelles, sonores, impact environnemental…) que les impacts positifs (énergie renouvelable, production d’électricité…), alors que les impacts négatifs cités n’ont pas forcément été directement observés ou perçus par les personnes interrogées.
Résultats des interviews : des cas particuliers à explorer
25 interviews ont été réalisées avec notamment des professionnels de l’immobiliers, des maires, des développeurs, et des associations d’opposants à l’éolien.
D’après les interviews menées avec un agent immobilier spécialisé dans les biens premium, un représentant d’hébergements de plein air et des propriétaires de châteaux, il reste possible que pour des cas spécifiques (et très peu nombreux), l’implantation d’un parc éolien ait un impact significatif sur le prix et la facilité à vendre :
• Un bien d’exception (château, manoir, demeure de luxe, situation ou bâti remarquable)
• Un bien très proche des éoliennes (de l’ordre de 500 à 1000 m)
Les ordres de grandeurs avancés par les interviewés pour les impacts de l’éolien sur ces biens spécifiques, allant de -5 à -20 %, sont des majorants issus d’expériences individuelles qui n’ont pas été corroborés par des éléments quantitatifs. Ils ne s’appliquent qu’à une fraction des biens d’un marché dont le volume est lui-même très faible. A titre de comparaison, les transactions de maisons dont le prix est supérieur à 700 000 e représentent 1 % des transactions de maisons en France métropolitaine entre 2015 et 2020. Les transactions de maisons situées à moins de 2,5 km d’une éolienne représentent 2,8 % des transactions de maisons en France métropolitaine entre 2015 et 2020.
Conclusions et perspectives
L’étude menée par l’ADEME démontre une absence d’impact détectable de l’implantation de parcs éoliens sur le prix des transactions immobilières pour les biens situés à plus de 5 km du parc, et un impact faible, de -1,5 %/m2 sur le prix des biens en moyenne, pour les maisons individuelles situées à moins de 5 km d’un parc. Cet impact est du même ordre que celui d’autres infrastructures essentielles comme les pylônes électriques ou les antennes relais.
Les résultats quantitatifs obtenus peuvent être considérés comme une première approximation robuste et sont corroborés par l’analyse bibliographique et partiellement par les retours qualitatifs terrains.
Cependant et faute de quantité de données disponibles (quantité insuffisante de ventes immobilières enregistrées), l’analyse quantitative n’est pas territorialisée et l’impact à proximité directe des éoliennes (500 m-2000 m) ou sur les biens premiums ne peut pas être quantifiée.
Pour ces raisons, l’ADEME mènera dès 2023 une nouvelle étude visant à qualifier, par des enquêtes de terrain approfondies, la perception des parcs éoliens par les riverains qui en sont très proches. ■