Climat, souveraineté, pouvoir d’achat : à la seule différence du charbon, perçu comme une opportunité industrielle pour le pays, toutes les questions que l’on se pose aujourd’hui, tout comme les solutions que l’on entrevoit, étaient déjà sur la table.
Il était déjà question d’économie d’énergie, de développement du nucléaire, et même d’énergies nouvelles et renouvelables avec un objectif de 150 TWh dans le mix énergétique en 1990 ! L’industrie non plus n’était pas oubliée, tout comme la politique énergétique en matière d’agriculture, par l’utilisation de biocarburants, et de grandes ambitions en matière d’innovation et de recherche. Ce programme était ambitieux, tout en étant rationnel. Qu’en reste-t-il ?
Plus de 40 ans après, les énergies fossiles représentent toujours plus de 60 % de l’énergie finale consommée en France et elles pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages. Elles amputent notre souveraineté et impactent le climat. La situation d’aujourd’hui est assez similaire avec celle du débat de 1981. Une crise économique qui rappelle celle des chocs pétroliers et une dépendance aux énergies fossiles qui contraint nos réponses politiques. La majorité construit sa politique énergétique sur un principe clair et sans équivoque : faire en sorte que les mêmes causes ne provoquent pas les mêmes conséquences.
Cette politique, quelle est-elle ? D’abord, tout comme la stratégie dressée par le Président Valérie Giscard d’Estaing à l’époque et poursuivie des années durant, elle trouve ces fondamentaux dans la Science et les technologies, à l’heure où certains politiques ont depuis des années fait le choix des croyances. Notons d’ailleurs que lors du débat de 1981, ce risque de perte de confiance avait été pointé.
Ensuite, trois piliers indissociables et incontournables fondent cette stratégie et constituent le cap donné par le Président de la République lors de son discours de Belfort, le 10 février 2020 : réduction de la consommation d’énergie (40 % d’ici 2050), développement à grande vitesse des énergies renouvelables, renouvellement du parc du nucléaire. Ces objectifs, tout comme leur planification de mise en œuvre, sont cohérents et fidèles avec les études et les recherches en la matière, notamment les scénarios Futurs énergétiques 2050 publiés par le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) à l’automne 2021.
Arrêtons-nous un instant sur la nécessité de développer conjointement le nucléaire et les énergies renouvelables. Encore aujourd’hui, les discours opposants les énergies décarbonées entre elles sont trop fréquents.
Les énergies renouvelables d’abord : elles sont incontournables si l’on veut maintenir un mix électrique décarboné. Du GIEC à RTE en passant par les associations plus favorables à l’atome, tous sont formels. Déploiement de production photovoltaïque, d’éolien sur terre et en mer… Dans toutes les trajectoires de décarbonations, l’ensemble des moyens de production bas carbone sont nécessaires pour compléter la production d’électricité qui doit augmenter. Alors que les contraintes administratives et juridiques pèsent depuis de trop nombreuses années sur leur déploiement, notre responsabilité est aujourd’hui de libérer ces énergies. C’est ce que nous faisons avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables en réduisant considérablement les délais de réalisation des projets d’éoliennes, en libérant du foncier pour des projets de photovoltaïque, et permettant un meilleur partage de la valeur qu’elles génèrent afin d’accroître leur attractivité.
Et à ceux qui vont diront qu’elles coûtent trop cher, rappelez-leur que fin 2023, les deux tiers des subventions versées en 21 ans devront être remboursées, soit 43 milliards d’euros. C’est un fait, depuis 2022, en raison de la hausse du prix de l’électricité, les énergies renouvelables ne coûtent rien à l’Etat et génèrent des recettes qui servent aujourd’hui à limiter pour nos concitoyens et nos entrepreneurs et industriels les hausses de factures énergétiques.
Le nucléaire ensuite : un « choix de courage » et un « programme d’indépendance énergétique », tels furent les mots employés par Valéry Giscard d’Estaing puis Pierre Mauroy pour qualifier notre industrie nucléaire. A l’heure où les énergies fossiles représentent près de 85 % de la consommation énergétique mondiale et 60 % en France, le nucléaire a épargné à la planète l’émission de 75 milliards de tonnes de CO2 et évité plus d’un million de décès liés à la pollution de l’air. À l’échelle nationale, il produit environ 70 % de notre électricité, préservant ainsi notre santé et notre environnement.
Si certains pays voisins ont fait le choix politique d’en sortir, dans la droite ligne d’EELV et de La France insoumise, les impacts sont sans appel : l’Allemagne démarre de nouvelles centrales à charbon et s’est liée à la Russie via ses importations massives de gaz, dont aucune sortie n’est planifiée. En Belgique, de nouvelles centrales à gaz fossile sont prévues, augmentant significativement les émissions de CO2 du pays d’ici à 2030 jusqu’à en faire à terme le plus mauvais élève de l’Union européenne en matière de climat, après la Pologne.
Quant à l’approvisionnement en uranium, les faibles quantités importées discréditent l’argument d’une dépendance à la ressource, d’autant que la France dispose de réserves et de moyens de retraitement, rendant ainsi possible l’exploitation de nos centrales sans import de minerais pendant dix ans !
Ce qui compte, c’est la maîtrise de la technologie. La France est à ce titre l’un des rares pays à détenir cette expertise mondialement reconnue, que nous ne saurions par ailleurs laisser entre les seules mains de la Chine ou de la Russie.
Pour toutes ces raisons, le Président de la République a annoncé un plan de six réacteurs de nouvelle génération, et huit à l’étude. Charge à nous, parlementaires, de lui donner les moyens d’aller au bout grâce à la future loi d’accélération qui devra permettre de débuter les constructions au plus vite et sans rogner sur la sûreté, ainsi qu’au travers de la loi programmation Energie-Climat.
Pour finir, tous ces enjeux ne se résument pas à une technologie et aux mégawatts produits. Ce sont avant tout des générations d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs dont on parle peu et à qui nous devons beaucoup : chaudronniers, mécaniciens, électriciens, robinetiers, chimistes, automaticiens… Autant de femmes et d’hommes porteurs de compétences rares et qui font notre fierté.
Ces salariés des filières énergétiques œuvrent chaque jour pour une mission de service public qui, je le sais, est chère à leur cœur. Une filière qui a été construite, que dis-je reconstruite, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, sous l’impulsion de Marcel Paul et dont le but était avant tout de pouvoir fournir du courant et de l’énergie au plus grand nombre.
Les débats qui nous animent ne doivent pas faire fi de tous ces Français qui, de la production à la distribution, sont les visages de la production énergétique française. ■