Ce qui est en jeu ici, c’est la question de l’acceptabilité, et plus encore de l’appropriation de cette transition énergétique. Autrement dit, c’est de planification qu’il s’agit, et d’une planification qui soit source d’acceptabilité et d’appropriation puisque, sans ces composantes, nous ne pourrons simplement pas tenir les courts délais, en même temps que la stratégie sur le temps long qu’exige la réponse au réchauffement climatique.
S’appuyer sur les élus locaux
Ne nous trompons pas de sujet : le rôle de l’Etat n’est pas de fixer le nombre d’installations à développer – combien de méthaniseurs, combien d’éoliennes, terrestres ou maritimes, combien d’hectares de panneaux photovoltaïques… Le cœur de la question n’est pas là. Le rôle de l’Etat, dans son objectif de décarbonation totale de notre mix, est de dire précisément combien de TWh/an les EnR doivent produire, tout en ayant bien sûr à l’esprit que la PPE viendra préciser ces chiffres.
Se pose alors la question de la subsidiarité : à quel échelon la transition énergétique se fera-t-elle le mieux ? Et cette question en regroupe deux autres, puisqu’il s’agit à la fois de trouver le cadre qui permettra, d’un point de vue opérationnel, de développer les projets, mais aussi d’assurer un dialogue, une concertation qui puisse aboutir à un consensus suffisant. Ne pas prendre la mesure de cet enjeu d’acceptabilité, le sacrifier au nom de l’urgence, bien réelle, de la situation, mènerait à un système, peut-être pertinent, mais difficilement traduisible sur le terrain. L’on aurait beau jeu, alors, de tenter de le justifier a posteriori : ce serait prendre un temps que nous n’avons pas, pour un résultat bien incertain. Ce serait de plus courir le risque de se trouver finalement pris au piège d’une discussion qui aurait toutes les chances d’avoir mal tourné et à laquelle il faudrait bien, malgré tout, mettre un terme, ce qui ne manquerait pas de déclencher les traditionnels procès en déni de démocratie.
À rebours de cet échelon national, c’est celui des EPCI qui paraît le plus intéressant. La Région peut parfois paraître trop éloignée des citoyens : ce qu’il lui manque, là encore à tort ou à raison, c’est le sentiment de la représentativité. Les EPCI, en revanche, de par leur mission d’accompagnement des communes, ce sont les maires et leurs conseils. Elus avec le deuxième taux de participation le plus élevé, après celui des présidentielles. « À portée de baffe », comme l’a dit un jour Gérard Larcher. Parfaitement au fait de leur territoire et de ses habitants.
À l’échelle des EPCI, la concertation est possible ; le consensus, atteignable. Il serait donc dans l’intérêt évident de l’Etat de miser sur ce lien de proximité et cette connaissance du terrain, en déclinant les objectifs régionaux de production d’énergie renouvelable dans les territoires, puis en laissant aux collectivités un délai, court mais raisonnable, pour s’organiser et proposer le mix qui soit adapté à leurs spécificités, tout en répondant à ces objectifs.
Créer un cadre clair
L’acceptabilité des EnR a sans doute pâti, jusqu’ici, d’un trop grand flou législatif et réglementaire, laissant parfois l’impression que les promoteurs menaient la danse, et ce n’est pas la moindre des ambitions de ce projet de loi que de clarifier et d’améliorer le cadre réglementaire de chaque filière, afin qu’il soit une base solide pour une stratégie globale. Laisser la main aux territoires pour proposer leur propre mix énergétique, en accord avec les objectifs de production nationaux, procède de la même logique et donne les mêmes gages : ceux d’une transition énergétique choisie et assumée, et non pas subie. Cela signifie que la proposition que feront les territoires, si tant est qu’elle soit loyale et réponde aux objectifs, devra être opposable. Demander aux élus locaux de jouer le jeu d’après les règles que l’Etat a édictées, bien sûr ; mais à condition que les règles, une fois fixées, ne changent pas au gré des circonstances.
Les maires sont le visage de notre démocratie dans les territoires. En présentant leur liste au suffrage, c’est un projet d’avenir pour leur commune et leurs concitoyens qu’ils ont porté. Prenons-les au sérieux et prenons-les au mot, en les mettant à contribution de cet immense chantier de la transition énergétique. Prenons-les pour ce qu’ils sont, les représentants légitimes et les forces vives des territoires, afin de nous appuyer sur eux pour décliner, à la juste échelle, une transition énergétique qui, tout en répondant aux défis du réchauffement climatique, corresponde à leurs spécificités et devienne ainsi acceptable, tant par les élus que par leurs administrés.
Les maires, surtout, sont en contact quotidien avec leurs concitoyens. Ils parlent à tous, ils connaissent leur commune. Ils sont en mesure d’identifier les terrains propices, de mener la concertation. Ils constituent à ce titre un élément charnière dans le processus d’acceptabilité et dans l’appropriation de la transition énergétique par les territoires.
Un levier de développement pour les territoires
Ce choix de l’EPCI et des communes est celui de l’acceptabilité et de l’appropriation, prise comme condition sine qua non de la réussite de la transition énergétique. Mais ce choix permet également de réaffirmer sans ambages le rôle central des maires dans la vie de nos institutions. Il marque le retour d’un Etat stratège au niveau national, et accompagnateur, facilitateur à l’échelon déconcentré. Il y a là un enjeu institutionnel fort, pour ressouder un lien qui s’est distendu ces dernières années. Or la reconstruction de ce lien mériterait que l’on s’y penche, au risque de voir nombre de nos petites communes peiner à tenir leurs prochaines élections municipales : la crise des vocations municipales n’est un secret pour personne.
Mais allons plus loin. L’augmentation des charges est une problématique évidente pour beaucoup de communes. Face à ces situations complexes, la transition énergétique peut être une voie de sortie par le haut. Une façon de retrouver de l’air, une marge de manœuvre aujourd’hui contrainte par le manque de moyens. Or la transition énergétique, comme l’affirmait la Première ministre devant le Sénat en octobre dernier, sera créatrice de valeur et d’emplois. Que cette valeur, que ces emplois bénéficient aux territoires – que les EnR leur soient un levier de développement, qu’elles leur permettent de dégager de nouvelles ressources, et les communes seront en mesure de pleinement s’approprier le mécanisme de la transition énergétique.
En tant que rapporteur de la partie qui concerne la planification, je travaille au mécanisme qui pourrait traduire dans la loi cette articulation d’une transition énergétique au plus près des territoires et à leur bénéfice : c’est à mon sens la seule façon de réussir pleinement la transition énergétique, tout en lui permettant de libérer tout son potentiel structurant pour notre pays. Ce projet de loi sera complété par le projet de loi d’accélération du nucléaire et par la PPE, qui donneront à la France les moyens de ses ambitions, afin d’atteindre notre objectif de souveraineté énergétique, en même temps que de décarbonation de notre pays. Je crois à un projet de loi ambitieux, qui serve l’intérêt général, dans le respect des territoires et de leurs habitants et qui nous permette, au niveau national, de tenir nos engagements et de remplir nos objectifs. ■