Pourtant une réforme structurelle est absolument nécessaire, si l’on veut rendre du pouvoir d’achat aux Français. Elle n’est pas la seule à être nécessaire pour soulager les finances des ménages. Sur d’autres sujets – qu’il s’agisse du logement, des impôts sur les produits ou des impôts de production – la France dispose de marges de manœuvre structurelles pour freiner les tensions inflationnistes. Au total, ce sont 4300 euros par an et par ménage qu’il serait possible de dégager.
Les retraites : un surcoût annuel de 1 700 euros par rapport à un système mixte
Si la réforme de 2023 est nécessaire, elle ne permettra en aucun cas d’augmenter le rapport qualité prix des retraites, qui baisse structurellement depuis le contre choc du baby-boom. Le vrai défi des retraites, c’est la démographie. La baisse de la natalité rend insoutenable le financement de nos aînés par la seule répartition qui représente plus de 98 % des retraites. Lorsque le nombre des retraités croît avec l’élévation de l’âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs.
Il y a bien longtemps qu’il aurait fallu épauler la répartition d’une dose de capitalisation collective pour diminuer le coût exorbitant du financement du système actuel. Mais il n’est pas trop tard pour bien faire. La baisse de fécondité doit être prise en compte. Il s’agit d’un défi qui concerne toute la société française, privé comme public, jeunes comme vieux. Pour réduire ce risque systémique, il va falloir faire preuve une intelligence collective.
Ce sera d’autant plus important que nos sociétés regorgent de risques collectifs mal appréhendés (pandémie, santé, énergie, éducation…). Dans le privé, il est urgent d’introduire – sur le modèle du fonds de pension des fonctionnaires (ERAFP) – une capitalisation collective. Elle épaulera la répartition et donnera accès à tous les salariés de France aux rendements des marchés financiers, ce qui permettra de généraliser le partage des profits par le haut.
D’après nos calculs, publiés dans une note récente (1), pour un salarié dont la rémunération croit comme le taux de croissance de l’économie, un système mixte avec 2/3 de répartition et 1/3 de capitalisation permettrait, à cotisation égale, de distribuer 29 % de retraite en plus. La composante en capitalisation doperait la performance de l’ensemble. Elle financerait 48 % de la pension de retraite alors qu’elle représenterait 1/3 des versements. Ces ratios sont comparables à ceux du régime de retraite complémentaire des pharmaciens (CAVP) fonctionnant à la fois en répartition et en capitalisation.
De façon alternative, un régime mixte alimenté par des cotisations représentant 22 % du salaire brut, pourrait distribuer les mêmes retraites que la répartition actuelle ayant besoin de cotisations représentant 28 % du salaire brut. La situation actuelle représente une taxe implicite de l’ordre de 6 % des salaires bruts, soit une perte de 1 700 euros nets de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu pour un salarié moyen.
Dans le secteur public, le budget, donc le contribuable, est garant d’un régime de retraite à prestations définies informel, sans aucun mécanisme permettant d’éviter l’envolée des coûts. Pas de points, de réserves ou provisions, de gestion paritaire permettant de responsabiliser les parties… L’Etat a besoin tous les ans de 57 milliards d’euros pour payer les pensions dont 33 milliards s’apparentent à une subvention d’équilibre. L’Etat « finance » les pensions avec des « cotisations » de 85 % du traitement indiciaire (et même 135 % pour les militaires), contre 28 % dans le privé, en raison d’une pyramide des âges particulièrement déséquilibrée (0,9 actif/retraité).
Cette situation, qui appauvrit les contribuables comme l’Etat, doit évoluer. La meilleure piste est de provisionner progressivement des retraites des personnels publics au sein du Fonds de réserve des retraites (FRR) en commençant par les nouveaux fonctionnaires. Cette méthode est employée depuis plus d’un siècle par la Banque de France ou le Sénat. Elle permet de créer de la valeur sur les marchés et de limiter le recours aux prélèvements obligatoires pour financer les retraites.
Le logement : Un surcoût annuel de 1 100 euros par ménage par rapport à l’Union européenne (UE)
La part du logement dans le budget des ménages est passé de 11 % en 1959 à près de 28 % en 2021. Si l’augmentation du coût du logement est un phénomène global, elle pèse plus largement sur les ménages hexagonaux. Se loger coûte 2,6 % du revenu en plus en France par rapport à la moyenne de l’Union européenne, soit un surcoût annuel de 1 100 e par ménage.
La réglementation - et notamment les restrictions à l’usage du foncier - renchérit le coût du logement. Si le prix des logements avait évolué en France comme dans les Etats ayant des droits les plus souples, accéder à la propriété coûterait 20 à 40 % moins cher. Les acheteurs auraient économisé 61 milliards d’euros en 2019 et les locataires auraient bénéficié de cet effet indirectement.
Un droit des sols plus souple, tel que le connaissent nos voisins allemands, réduirait les inégalités matérielles et patrimoniales entre ménages. Il permettrait aussi aux locataires d’accéder à des logements moins chers. En période d’inflation, c’est un levier pour redonner du pouvoir d’achat.
Les impôts sur les produits : Un surcoût annuel de 600 euros par ménage par rapport à l’UE
Le total des impôts sur la consommation est plus élevé en France (12,3 % du PIB) que dans l’Union européenne (11,3 %) et qu’en Allemagne (10,1 %) en 2021.
Le plus significatif de ces impôts est la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Son rendement est en ligne avec ce qu’on constate dans les pays voisins. L’écart avec nos voisins est lié aux autres taxes sur les produits. Elles représentent 4,9 % du PIB en France contre 3,9 % dans l’Union européenne et 2,9 % en Allemagne. Ces taxes ciblent des dépenses spécifiques et représentent 123 milliards d’euros par an. Elles sont particulièrement développées. La France dispose depuis des siècles des taxes « moralisatrices » ciblant certaines consommations (tabac, jeux, boissons), mais aussi de taxes ciblant la prévoyance (assurance), les opérations patrimoniales (droits de mutation sur les transactions immobilières) ou les externalités négatives (carburants et pollution).
Les taxes sur les produits représentent de l’ordre de 7 400 euros en France par ménage et par an, dont 4 400 euros au titre de la TVA et 3 000 euros au titre des autres taxes. Le surcoût pour un ménage moyen français représente de l’ordre de 600 euros par an par rapport à la moyenne de l’UE et 1 300 euros par an par rapport à l’Allemagne. Ces écarts sont quasi intégralement dus aux autres taxes sur les produits, particulièrement importantes en France.
Fiscalité de production : un manque-à-gagner de 900 euros
Il y avait en moyenne 2 675 euros d’impôts de production par salarié du secteur marchand en 2021. Ce niveau restait anormalement élevé vis-à-vis de l’UE (excès de 78 %) ou de l’Allemagne (excès de 145 %), en dépit de la baisse initiée en 2021 dans le cadre du plan France Relance.
Cette surfiscalité pénalise un salarié moyen de 900 euros par an, si l’on compare la France à l’UE. Vis-à-vis de l’Allemagne, l’incidence est encore plus significative, avec une perte de 1 700 euros de pouvoir d’achat par an.
Dans une économie ouverte, les entreprises sont rarement à même de reporter cette fiscalité sur leurs clients ou actionnaires. Aussi, la fiscalité de production est largement répercutée sur les salariés avec des rémunérations moins attractives, moins d’embauches et plus de destructions d’emplois.
Les réformes structurelles proposées (capitalisation, provisionnement, baisse de la fiscalité nuisible, libération du foncier) permettraient de répondre, au moins en partie, aux préoccupations légitimes des Français sur leur pouvoir d’achat en le libérant sans pour autant nuire à la collectivité dans son ensemble. Ambitieux mais pas infaisable. ■
1. https://www.institutmolinari.org/2022/12/14/labsence-de-diversification-des-retraites-nuit-au-pouvoir-dachat/