L’actualité nous le rappelle, l’enjeu le plus important des années à venir est double : concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Cet objectif implique de nombreuses transitions, tant culturelles que pratiques, afin que notre modèle agricole et nos circuits alimentaires s’inscrivent dans une agriculture durable et davantage respectueuse de l’environnement. Le but de ces transitions est de garantir la production alimentaire à long terme tout en préservant les ressources naturelles et en améliorant la qualité de vie des agriculteurs et des consommateurs. Notre agriculture est une clé pour notre santé et celle de la planète !
J’insisterai sur cette chaîne de valeur, qui selon moi est primordiale dans notre capacité à appréhender notre objectif. Limiter les intermédiaires, privilégier les circuits courts sont des messages que notre majorité porte et pour lesquels nous agissions, par les lois Egalim ou plus récemment par la proposition de loi de mon collègue député Frédéric Descrozaille.
L’année qui s’ouvre, qui verra la présentation d’une grande loi de programmation agricole, sera marquée par la poursuite de chantiers importants pour le monde agricole. Mais au-delà de notre calendrier politique, je suis convaincue qu’elle sera un moment charnière pour le monde agricole.
La récente mobilisation des agriculteurs aux Invalides nous le rappelle : il y a urgence à recentrer nos débats, à capitaliser sur le bon sens paysan, qu’il fasse foi et qu’il prenne forme dans nos décisions. Il nous faut modérer nos importations tout en consolidant notre modèle agricole français : modèle qui a toujours su se remettre en question et innover dans l’intérêt collectif. Rappelons-le, notre modèle fait partie des plus fidèles en matière de traçabilité notamment. Nos agriculteurs sont aussi ceux qui nous alertent sur les pénuries auxquelles nous devrons faire face : eau, protéines, mais aussi chute du cheptel français, déficit de production de légumes. Ils agissent en conséquence et nous poussent à une prise de conscience partagée pour une action collective.
C’est au monde agricole et à la représentation nationale de décider ce que sera notre agriculture, de manière pragmatique. La réalité du terrain ne sera jamais supplantée par les vues de ceux qui souhaiteraient imposer leurs illusions.
La souveraineté alimentaire doit se construire sur des exigences solides.
La première de ces exigences doit être un revenu agricole préservé. Notre agriculture française est diverse, respecte des valeurs, des territoires, est exigeante en s’imposant des cahiers des charges stricts. C’est tout à son honneur, mais il est impératif que cela se répercute sur le prix.
Les lois EGAlim ont renforcé la construction du prix et la non-négociabilité du prix de la marchandise. Soyons fiers de ces grandes avancées.
Et c’est pourquoi nous devons faire vivre ces lois, en veillant à ne pas multiplier les débats qui pourraient affaiblir leur portée et sens initial. Elles doivent être continuellement améliorées et évaluées pour ne jamais perdre le fil conducteur : garantir une meilleure rémunération des agriculteurs et des matières premières agricoles.
L’application des lois doit être pleine, tout en mobilisant le grand public afin de leur donner une envergure, en martelant le message qu’un juste prix n’est pas un prix plus bas.
Le juste prix est celui qui à la fois rémunère les producteurs et préserve l’ensemble des acteurs de la chaîne. Le prix juste est celui qui garantit la survie de nos exploitations et maintient la capacité d’innover des transformateurs. Si nous cherchons à dévaluer nos productions, nous déshonorerons notre agriculture et notre industrie alimentaire.
La deuxième exigence de notre souveraineté alimentaire est le renouvellement générationnel, non seulement d’un point de vue quantitatif, mais aussi pour que chaque agriculteur s’inscrive dans un modèle viable.
En Bretagne, on comptabilise une installation pour cinq départs. Cela n’est pas tenable dans le temps long, ni dans notre capacité à produire qualitativement.
Pour accompagner ce nécessaire renouvellement des générations, il nous faudra répondre au défi de la transmission du foncier agricole dans le cadre défini par la Loi Climat et Résilience.
Installer une nouvelle génération d’agricultrices et d’agriculteurs en France est un enjeu de société, notre manière de défendre et faire perdurer un modèle de production français qui façonne nos territoires ruraux et péri-urbains.
Installer une nouvelle génération de professionnels de la terre, conscients de l’importance du rôle que doit jouer l’agriculture dans la transition écologique c’est aussi croire en une alimentation de proximité et de qualité produits par des femmes et des hommes innovants, à l’aise dans leur époque, utilisant des outils de leur temps.
La troisième exigence à suivre est de placer l’agriculture au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est parce que notre agriculture répondra aux nouvelles attentes de la société, que notre production restera dynamique et conquérante. Il faut intégrer ces transformations et les voir non pas comme des limites mais comme des leviers de progrès.
Finalement, la condition ultime de notre souveraineté alimentaire est de rétablir le lien entre le respect du milieu naturel et alimentation pour que l’agriculture apporte sécurité et durabilité en donnant au plus grand nombre un accès à des ressources alimentaires de qualité.
Ce respect de la chaîne de valeur nous oblige au respect de la chaîne des acteurs, dont en premier lieu celui ou celle qui cultive et produit.
L’agribashing, caractérisé par des discours haineux, des dégradations matérielles, n’amènera jamais un climat propice à l’échange. Il doit cesser car les visions sur lesquelles il s’inscrit, sont celles d’un temps révolu.
Le moment est venu de renforcer notre connaissance sur ce secteur d’activité conscient et acteur des progrès, profondément tourné vers la recherche et développement. La responsabilité sociétale des entreprises, le pôle qualité de vie et santé au travail, le bien-être animal ou encore la préservation des ressources, sont des domaines qui nous transportent vers l’agriculture de demain.
En tant qu’agricultrice et députée, je me réjouis de voir l’évolution et la féminisation de notre secteur : les femmes prennent leur place dans l’agriculture !
À l’heure où le sujet de la défense de notre souveraineté alimentaire s’impose comme un défi majeur pour notre agriculture, dans un contexte climatique et international de plus en plus complexe, assumons l’urgence de notre autonomie alimentaire en sécurisant nos approvisionnements.
Pour l’avenir, puisons notre force dans nos territoires, là où se trouve l’innovation et nos valeurs agricoles.
Notre ruralité regorge de pionniers et passionnés. Le monde agricole, demain, ne pourra se faire sans eux.
Gardons la lucidité de nous saisir de notre engagement pour un territoire vital, viable et vivable.
Vital : car il représente la passion, un engagement de compétences et de temps.
Viable : en devenant attractif, dynamique, il permet l’investissement à moyen et long terme, le dégagement de valeur ajoutée qui amène un tissu local pérenne.
Vivable : dans un environnement vertueux, par l’acceptabilité de tous.
Je souhaite que la France de demain soit souveraine dans son alimentation et que chacun en soit le garant. ■
* Co-rapporteure avec Grégoire de Fournas du rapport d’information n°171 sur l’application de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.