Pourtant, ses applications sont aussi nombreuses que concrètes : Fin des zones blanches avec le déploiement des constellations, conduite autonome et connectivité des aéronefs, géolocalisation et système de navigation, observation de la Terre, prévisions météorologiques et gestion des catastrophes naturelles, agroécologie et agriculture de précision ou encore observation des frontières sont autant d’applications concrètes du spatial pour nos concitoyens et nos territoires.
Outre-Atlantique, au-delà de la question fondamentale des budgets, on observe depuis plusieurs décennies un réel attrait pour l’espace. À travers la mobilisation de la société civile et politique, c’est l’ensemble des secteurs économiques, financiers et de la recherche qui se sont pleinement engagés. Nous sommes confrontés à un réel enjeu de mobilisation du public, mais aussi de notre classe politique qui doit informer davantage sur l’importance du spatial pour notre pays. Il s’agit donc pour la France de s’engager pleinement, en tant que nation, pour maintenir sa position de leader. Cette mobilisation générale est nécessaire pour encourager l’investissement et le soutien à la recherche tout en développant une culture scientifique et technique indispensable pour le secteur.
Dans ce combat, nous pourrons nous appuyer sur les acteurs français qui font notre excellence depuis plusieurs décennies. Nous disposons d’un secteur spatial connu et reconnu internationalement pour sa capacité à relever les défis les plus complexes et apporter des solutions et innovations de rupture.
Grâce à nos acteurs économiques, qui souvent, avec moins de moyens, développent et commercialisent des produits d’une complexité et d’une qualité inégalée au niveau mondial. Grâce à nos chercheurs et nos instituts de recherche, dont l’excellence nous permet d’être à la pointe des avancées scientifiques. Grâce enfin à nos acteurs institutionnels qui travaillent au quotidien pour positionner la France et l’Europe comme acteur de référence et moteur de la coopération internationale.
Depuis maintenant plusieurs années, les progrès technologiques ont bouleversé le secteur, avec un accès « facilité » à l’espace. Conséquence directe de ces progrès, de nouveaux acteurs comme la Chine et l’Inde émergent et challengent désormais la puissance spatiale européenne. L’espace devient aujourd’hui de plus en plus convoité. Preuve en est, nous assistons à une militarisation croissante soulignant les enjeux stratégiques de son exploitation. Nous sommes aujourd’hui rattrapés par des réalités tant économiques que stratégiques, où l’espace devient finalement un prolongement de nos frontières actuelles.
À cette lutte entre puissances spatiales, se mêlent de nouveaux acteurs, non-étatiques que sont les entreprises privées qui développent des solutions qui soulèvent de nombreuses questions. Starlink et sa constellation de satellites font désormais partie intégrante de ces acteurs incontournables, avec des enjeux stratégiques et de souveraineté que l’on n’imaginait pas il y a de cela quelques années. En Ukraine, sur le sol européen, c’est aujourd’hui une entreprise privée américaine qui fournit un accès aux télécommunications, permettant notamment à l’armée ukrainienne d’utiliser ses drones de combat sur le front.
L’espace est plus que jamais un outil de souveraineté indispensable pour une puissance mondiale comme la France. Souveraineté technologique avec des solutions qui ont un impact direct sur nos économies et nos sociétés. À titre d’exemple, le programme Copernicus permet d’obtenir des données d’une qualité inégalée permettant à l’Union Européenne de disposer d’informations fiables pour nos politiques publiques. Que ce soit pour la protection de l’environnement, pour la gestion des secours ou encore pour les catastrophes naturelles, ces données sont indispensables. L’été dernier, en Gironde, ce sont ainsi les satellites européens qui ont aiguillé les sapeurs-pompiers dans leur lutte contre les feux de forêt.
Grâce à son tissu économique et scientifique, la France et l’Europe sont capables de produire des solutions d’une qualité sans pareil au niveau mondial. C’est le cas de Galileo qui nous permet de disposer d’un système de positionnement plus précis que le GPS américain. Notre souveraineté industrielle peut compter sur des acteurs historiques comme Ariane, Thales, Airbus, Eutelsat ou encore Safran. Elle s’appuie également désormais sur la multitude de nouveaux acteurs qui compose le Newspace. Si ce tissu économique et industriel riche fait notre force, il serait cependant dangereux de considérer notre position de leader comme acquise. Face à la multiplication des acteurs étrangers, face aux développements de nouvelles technologies de rupture, le risque de voir notre puissance spatiale française et européenne déclinée est réel. Plus que jamais, il nous est indispensable de travailler avec notre industrie et son écosystème, notamment en accompagnant financièrement les acteurs émergents et innovants.
Enfin une souveraineté stratégique et militaire, grâce à la maîtrise des réseaux de communication et l’observation des déplacements des armées. Cela passe par un développement de nos capacités de défense spatiale afin de garantir et préserver les satellites européens d’attaques extérieures. L’exercice militaire AsterX a montré la capacité de la France à défendre ses intérêts en coopération avec nos alliés. La loi de programmation militaire permet à ce titre de se doter de capacités et de moyens nouveaux en partenariat avec les industriels français. Il est en ce sens indispensable de penser et de développer une stratégie spatiale française. Nous pouvons nous appuyer sur l’exemple de la défense qui s’est penchée sur cette question de politique nationale avec pour aboutissement la création d’un comité pour le spatial de défense.
Cette politique spatiale française, nous devrons la penser collectivement, pour assurer à la France une vision à long terme et donner en conséquence les moyens budgétaires et capacitaires permettant de réaliser nos ambitions.
Au titre premier de ces ambitions, il y a le maintien de notre accès à l’espace. La crise des lanceurs actuelle nous rappelle qu’il est indispensable de disposer de façon pérenne et continue de cet accès autonome.
Ambition de prendre le tournant des constellations où l’exemple de Starlink en Ukraine nous montre l’impérieuse nécessité de disposer de notre propre constellation. En ce sens, l’ambitieux programme IRIS 2 poussé par l’Union européenne et le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton est une formidable opportunité de réaffirmer et de construire la souveraineté européenne spatiale de demain.
Sur ces enjeux stratégiques, il est indispensable que nous puissions avancer ensemble entre européens. Dans tous les secteurs, les grands projets européens nous montrent que malgré nos divergences, nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble dans la même direction.
Ambition, enfin, pour notre planète Terre, en poursuivant nos travaux de recherche pour mieux comprendre son fonctionnement, ses cycles et développer les solutions qui nous permettront de tenir nos engagements climatiques. En effet, de par ses applications, le secteur spatial est un élément essentiel à la mise en œuvre de nos politiques publiques en matière de transition écologique.
Pour demeurer une puissance spatiale de premier plan, nous devons nous donner des moyens tant politiques que financiers importants. Si comparaison ne vaut pas raison, les investissements américains dans le secteur spatial pèsent près de 10 fois plus qu’en Europe. Alors que le nouveau budget de l’ESA a connu une augmentation importante, qui est à saluer, pour atteindre 16,9 milliards sur les 3 prochaines années, la NASA disposait en 2022 d’un budget de 25,6 milliards d’euros annuel. Nous devons nous donner les moyens d’une politique spatiale française, incluant à la fois les champs de la recherche, de la défense et de l’économie. Une politique nationale, qui permette de décloisonner, de donner la visibilité et les marges de manœuvre nécessaire pour faire de la France et de l’Europe une puissance spatiale forte, pérenne et autonome. ■