Plus qu’un motif de compétition internationale, cette puissance de recherche et ce savoir-faire industriel sont surtout mobilisés pour répondre aux enjeux de notre époque.
Tout d’abord, les défis liés à l’aménagement du territoire et à l’étude du changement climatique nécessitent une meilleure observation de notre planète. Grâce à des missions spatiales dédiées, nous serons en mesure d’approfondir nos connaissances des caractéristiques physiques de la Terre, de son atmosphère et de ses océans. Les données obtenues par les satellites permettent déjà de grands progrès dans la modélisation, la compréhension et les prévisions d’évolution de notre système terrestre dans toutes ses composantes. Les premiers résultats de la mission franco-américaine SWOT sont particulièrement prometteurs. En couvrant 90 % des surfaces en eau de la planète, ils apporteront une précision inédite dans les mesures océanographiques et hydrographiques.
La compréhension de la constitution et de l’évolution de notre Univers, ne se fera pas sans une étroite collaboration internationale. Les recherches fondamentales visant à repousser les frontières de notre connaissance, rassemblent déjà des scientifiques du monde entier, animés par une volonté commune, celle d’appréhender le mystère des origines de la vie. Poursuivre dans cette voie est donc primordial, comme en témoigne le vif intérêt suscité par les premiers résultats du télescope James Webb ou la mission Rosetta.
Il s’agira aussi d’étudier les sciences de la vie dans l’espace, en particulier les modifications physiologiques et biologiques en milieu microgravitaire, ainsi que les sciences de la matière en micropesanteur. A cet égard, la station ISS joue un rôle de premier plan. Enfin, il faudra répondre aux nouveaux besoins de télécommunications, enjeux cruciaux, qui concernent le quotidien des citoyens du monde entier.
Relever efficacement ces nombreux défis requiert un ensemble technologique à la pointe de l’innovation. Avec un écosystème spatial solidement ancré et très bien structuré, la France continuera de répondre à ces enjeux avec succès. Notre pays dispose en effet d’atouts incontestables qui lui permettront de poursuivre son rôle d’envergure dans cette nouvelle ère spatiale.
En France, la recherche académique repose sur 3000 personnes, dont 200 doctorants, travaillant dans plus de 150 laboratoires sur l’ensemble du territoire national. Chaque année, ce sont plus de 1000 publications qui émanent de nos équipes de recherche nationales. A cet égard, le CNES se positionne comme une agence nationale programmatique, en lien étroit avec les organismes nationaux de recherche que sont notamment le CEA, le CNRS et l’Onera, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les priorités scientifiques font l’objet de prospectives quinquennales, ainsi que d’une instruction approfondie par le Comité des Programmes scientifiques du CNES, ce qui permet de choisir un positionnement pertinent sur la scène internationale, tant au niveau scientifique qu’au niveau instrumental. Nos laboratoires de recherche sont ainsi essentiels dans le développement des missions spatiales à chacune de leurs étapes, de leur conception jusqu’à l’exploitation scientifique des données produites, rendue possible par l’utilisation d’infrastructures de calcul intensif.
La France dispose d’un autre atout majeur : une industrie spatiale au savoir-faire reconnu dans le monde entier, présente dans la conception, la fabrication et l’intégration de l’ensemble des éléments spatiaux (lanceurs, satellites, instrumentation embarquée, segments au sol, exploitation des données, …). Alors que le domaine des lanceurs est aujourd’hui confronté à un défi européen, notre industrie saura aisément le relever, grâce au lancement d’Ariane 6, relais d’Ariane 5 qui a été un formidable lanceur pendant plus de 25 ans. En parallèle, les développements de lanceurs réutilisables sont particulièrement prometteurs. Nous disposons donc d’un terreau fertile, renforcé par les collaborations croisées et bienvenues entre les partenaires académiques et industriels.
Enfin, avec le centre spatial guyanais de Kourou, véritable port spatial européen, la France se démarque, en possédant un élément stratégique supplémentaire.
Le domaine du spatial est également source d’une grande variété de métiers, particulièrement attractifs pour nos jeunes. Plus de 2400 étudiants par an sont ainsi formés en France sur les métiers du spatial, dans plus de 50 cursus. Car ce secteur continue toujours à faire rêver les plus jeunes. Je salue à cette occasion le travail remarquable réalisé par nos astronautes, Thomas Pesquet en particulier, véritables médiateurs entre l’espace et le grand public. La sélection de Sophie Adenot contribuera certainement à inspirer les jeunes générations de femmes scientifiques.
Depuis mes premiers jours au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, je suis avec beaucoup d’attention les enjeux spatiaux, en lien étroit avec Sebastien Lecornu, ainsi qu’avec Bruno Le Maire. Durant ces derniers mois, nous avons eu le plaisir d’accueillir sur notre territoire le congrès international d’astronautique, puis la conférence ministérielle de l’ESA, qui a été couronnée de succès. A cette occasion, les Etats membres de l’ESA ont décidé d’un investissement européen global de 17 Mds e. La France a ainsi engagé 3,73 Mdse dont une contribution à l’Agence spatiale européenne (ESA) à hauteur de 3,25 Mds e, en hausse de plus de 20 % par rapport à 2019. Ces nouveaux investissements représentent 35 % du budget français pour le secteur spatial, annoncé par la Première ministre à 9 Mdse sur les trois prochaines années, soit le premier budget spatial européen. C’est donc là un soutien majeur de l’Etat au secteur spatial dans son ensemble.
Confronté à la fois à une compétition industrielle et commerciale grandissante et à la nécessité d’une souveraineté européenne renforcée, cette conférence ministérielle intervenait dans une période charnière de l’histoire du secteur spatial européen. Les évènements liés à la guerre en Ukraine ont rappelé, et tristement démontré, l’intérêt de disposer d’une autonomie spatiale renforcée, particulièrement en matière d’accès à l’espace et de communications sécurisées.
Dans le cadre de cette engagement, la France a établi deux objectifs prioritaires : renforcer l’autonomie européenne dans le secteur spatial, notamment en matière d’accès à l’espace, de télécommunications et de compétitivité, et améliorer la connaissance du changement climatique.
Dans cet objectif, les programmes européens Copernicus ou Aeolus2, fortement soutenus lors de la conférence ministérielle de l’ESA, apporteront beaucoup aux sciences du climat. Grâce à l’implication de ses scientifiques, la force de sa R&D et de son industrie, la France a toujours joué un rôle de premier plan dans ce type de mission. Je me réjouis que la souscription de la France aux programmes d’observation de la Terre de l’ESA soit en nette augmentation, ce qui permettra, j’en suis sure, de faire progresser nos connaissances face à cette crise qui secoue la planète. Dans le domaine de l’exploration, les perspectives qu’offrent la future mission ExoMars ainsi que le programme Artemis auquel l’Europe est fortement associée, sont particulièrement prometteuses.
Nous l’avons vu, le domaine du spatial est en pleine mutation. Les enjeux scientifiques, techniques, industriels et géopolitiques liés à l’espace sont nombreux. Mais la France possède déjà des atouts précieux pour maintenir une place de choix dans le paysage des puissances spatiales, se positionnant ainsi dans la continuité de sa stratégie historiquement forte dans ce domaine. ■