La Francophonie en France, « une fierté » qui fait suite à celle d’avoir reçu les jeux olympiques et paralympiques comme l’a récemment rappelé le Chef de l’Etat. La France est ainsi heureuse et fière de pouvoir accueillir sur son sol un sommet de la francophonie, la plus haute instance de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui réunit les 88 États et gouvernements membres de l’OIF et qui, ensemble, vont définir les orientations stratégiques de la Francophonie. Ce XIXème sommet est une première depuis 33 ans, avec comme port d’attache la Cité internationale de la langue française. Inauguré il y a peu au château de Villers-Cotterêts, « ce lieu imprégné de l’aura de Molière et de Dumas, où François Ier fit en 1539 du « français » la langue de tous les actes de l’État » précise Emmanuel Macron a été l’écrin de cette rencontre.
Rappelons également que les termes de francophonie et francophone ont fait leur apparition la première fois à la fin du XIXème siècle dans le livre « France, Algérie et colonies » du géographe Onésime Reclus en 1886. Il parle alors des « francophones » comme de « tous ceux qui sont ou semblent être destinés à rester ou à devenir participants de notre langue ». Étymologiquement, le « francophone » est celui qui parle français. Quant au terme « francophonie », il désigne « la communauté des peuples francophones ». Au final et selon l’acceptation d’aujourd’hui diffusée par l’OIF, la Francophonie ce sont ces hommes et ces femmes qui se retrouvent autour d’une langue commune, le français.
Les dernières estimations donnent le chiffre de 321 millions de locuteurs en français dispersés sur les cinq continents, ce qui en fait la 5ème langue la plus parlée sur terre (après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol). Le français, sans être forcément la langue maternelle mais peut être une seconde langue ou de travail, est surtout « porteuse d’une vision de l’humanité, d’aspirations et de valeurs partagées » insiste l’OIF.
Si depuis 2018, ce sont 21 millions de personnes supplémentaires qui parlent le français (+7 %), cette progression tend à se stabiliser (le nombre de locuteurs avait progressé de 10 % entre 2014 et 2018). C’est sur le continent africain que l’on compte le pus grand nombre de francophones : l’Afrique subsaharienne compte pour 47,4 % des locuteurs quotidiens et 14,6 % pour le Maghreb – Moyen-Orient (31,2 % en Europe). Mais ici aussi, cette progression est légèrement inférieure à celle enregistrée entre 2014 et 2018.
Pour redonner ses lettres de noblesse au français, il apparaît urgent aux organisations francophones de mettre alors l’accent sur la scolarisation et l’apprentissage du français surtout au regard d’une étude PASEC de 2019. Cette enquête montre en effet qu’en moyenne, en début de cycle, plus de 55 % des élèves n’ont pas atteint le niveau « suffisant » en langue. De même, en fin de scolarité, en lecture, plus de la moitié des élèves (52,1 %) est en dessous du seuil « suffisant » de compétences. Il semblerait alors finalement que dans de nombreux pays se déclarant francophones, si les habitants disent maîtriser la langue, dans les faits, la réalité n’est pas la même. La vigilance reste donc de mise.
L’étude de l’Observatoire de la langue française reste toutefois optimiste en montrant que « la majorité des francophones d’Afrique subsaharienne et du Maghreb se situe dans la classe d’âge comprise entre 15 et 24 ans. Ce qui révèle une potentialité de croissance forte pour la francophonie ». Et au-delà de ça, on note que ce sont aussi essentiellement des jeunes citadins issus des catégories les plus aisées de la population donc plus instruits qui parlent français. « Tous ces éléments favorisant plus ou moins la fréquence et la qualité d’usage du français » écrit encore l’Observatoire de la langue française. Sans doute doit-on voir ici aussi l’importance et la place reconnues à la langue française pour l’obtention d’un travail, faire des études, s ’informer, faire des recherches sur Internet et accéder à d’autres cultures.
Si l’apprentissage du français doit être une priorité, encore faut-il que notre langue commune soit utilisée et respectée, non seulement par les populations mais aussi et surtout par les autorités compétentes. On en est loin. Que faut-il penser du choix du président Macron avec son « Choose France » ou de l’eurodéputée et présidente du groupe Renew Valérie Hayer s’exprimant en anglais dans l’hémicycle du Parlement européen ? Ne parlons pas non plus du processus de recrutement du directeur de « l’Alliance pour les technologies des langues » voulue par la Commission européenne mais surtout installée à la Cité internationale de la langue française qui s’est déroulé en anglais. Les exemples ne manquent hélas pas.
Face à la fin programmée et sournoise du plurilinguisme, le risque est évidemment grand pour la francophonie. « D’importants déséquilibres sont signalés en faveur de l’anglais au détriment des autres langues officielles ou de travail dans l’ensemble des travaux de ces organisations » s’alarmait déjà en 2022 l’Observatoire de la langue française. Le Secrétaire général des Nations Unies sur le multilinguisme s’était lui aussi inquiété des difficultés récurrentes de certaines de ces structures à mettre en oeuvre le multilinguisme. Comme à l’ONU où l’anglais reste la langue de prédilection tant pour le recrutement – 98,7 % des offres d’emploi exigent la connaissance de l’anglais, alors que le français enregistre une diminution de 1,2 point depuis 2017 (à 10,4 %) – que dans la communication interne : 98 % du contenu des sites intranet des entités du Secrétariat est disponible en anglais (soit une augmentation de 23 points depuis 2018), contre 16 % en français. À l’Union européenne, la situation n’est guère plus favorable au multilinguisme : entre 3,7 % (à la Commission européenne) et 12 % (au Parlement européen) seulement des documents produits ont pour langue-source le français ; « une chute continue depuis vingt ans, lorsque cette proportion était de 34 % (en 1999) » lit-on dans le document de l’Observatoire*.
Aussi, pour « faire reculer le recul du français » comme le dit si bien la Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, un « dispositif de veille, d’alerte et d’action en faveur de la langue française et du multilinguisme dans les organisations internationales », soutenu par les États et gouvernements francophones, a été activé (mobilisation des Etats et gouvernements, coopération avec les organisations internationales et régionales, plans de formation au et en français des futurs fonctionnaires et diplomates, proposition d’outils et de ressources…). Le combat sera long et intense. ■
*Selon le dernier rapport en date de l’Observatoire de la langue française, publié en 2022.
La Francophonie en chiffres
321 Millions de francophones dans le monde
88 États et gouvernements composent l’OIF
5ème Langue mondiale
144 Millions d’apprenants du et en français
4ème Langue sur Internet
93 Millions d’élèves et d’étudiants ont le français pour langue d’enseignement
3 % du PIB mondial
6 % Des emplois