“Sans effort de redressement, le déficit public pourrait atteindre environ 7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en décembre 2025” a averti l’exécutif en présentant son budget 2025. Aussi, afin de faire face à ce mur budgétaire, le Gouvernement a cherché ses solutions pour faire baisser au plus vite un déficit abyssal et menaçant. La série d’actions présentée qui fait appel à « un effort partagé » doit, selon lui, permettre de ramener le déficit à 5 % du PIB d’ici fin 2025.
L’effort demandé est aussi « urgent que nécessaire » insistent le ministre de l’Économie et des Finances Antoine Armand, et Laurent Saint-Martin, le ministre délégué chargé du Budget lors de la présentation de ce budget de quasi crise financière. « Aussi urgent que nécessaire pour renouer avec une trajectoire budgétaire soutenable, qui préserve nos conditions de financement et nous permette à terme de stabiliser, puis de réduire notre endettement » ont-ils précisé. Pour y parvenir, le gouvernement mise sur des mesures de maitrise budgétaire de 60,6 milliards d’euros. Cela passera par une baisse des dépenses publiques de l’ordre de 41,3 milliards d’euros dont 21,5 milliards pour l’État, 14,8 milliards pour la Sécurité sociale et 5 milliards pour les collectivités territoriales ; et par une augmentation des recettes (19,3 milliards d’euros) via « des contributions fiscales exceptionnelles, temporaires et ciblées ».
Pour ce budget, l’exécutif entend donner des coups de rabot un peu partout. Le budget de l’Education nationale qui est le premier poste budgétaire de l’Etat prévoit notamment 4000 postes d’enseignants en moins par rapport à 2024, principalement en maternelle et en élémentaire. La Rue de Grenelle explique ce choix par « la baisse du nombre d’élèves qui devrait s’accélérer avec 97.000 élèves en moins à la rentrée 2025 ». Reste que le budget de l’Education nationale pour 2025 est de 63 milliards d’euros, globalement stable par rapport à 2024.
Le budget du ministère de la justice s’élève à 10,24 milliards d’euros, un montant en très légère hausse par rapport à celui de 2024 (+0,11 milliard d’euros) mais qui est inférieur à celui qui était annoncé pour 2025 avec la loi de programmation de la justice, adoptée en octobre 2023 (10,68 milliards). Cette réduction de presque 500 millions d’euros en moins n’a évidemment pas fait plaisir au Garde des sceaux, Didier Migaud qui a menacé de démissionner si son budget n’était pas revu à la hausse. « Il est demandé un effort sur les primes (à l’embauche) de 1,2 milliard d’euros » a indiqué le ministère du Travail jugeant prudemment que la piste d’une aide unique ramenée de 6 000 à 4 500 euros n’était pour le moment qu’un « scenario parmi d’autres ».
Probable aussi le coup de canif pour l’audiovisuel public qui en dépit d’un budget « stable » n’est pas celui promis, ce qui équivaut au final à une réduction. La dotation annoncée dans ce budget 2025 pour France Télévisions, Radio France, l’Ina, France Médias Monde (France 24, RFI), Arte France et TV5 Monde, est de 4,03 milliards d’euros.
Deux ministères ont senti le vent du boulet mais s’en sortent finalement sans une égratignure les Armée et la Santé comme l’avait d’ailleurs laissé entendre le Premier ministre. « Michel Barnier a annoncé que la loi de programmation militaire serait appliquée » a confirmé le jour de la présentation du budget le ministre Sébastien Lecornu, précisant que le budget en hausse fixé pour 2025 atteint 50,5 milliards d’euros. Budget préservé aussi pour la Santé avec même une augmentation demandée par le gouvernement dans le domaine de la santé mentale (+600 millions).
Du côté des « contributions fiscales exceptionnelles » pour ne pas dire impôts, les plus fortunés sont dans le viseur. « Ce mécanisme ciblé s’appliquera aux contribuables assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), à savoir ceux dont le revenu de référence dépasse 250.000 euros pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple », soit 65 000 ménages ou 0,3 % des contribuables qui paient actuellement l’impôt sur le revenu, selon le gouvernement. Ce dispositif temporaire est prévu « pour une durée de trois ans, en vue d’accompagner la trajectoire de redressement des finances publiques ».
Contribution exceptionnelle aussi pour les très grandes entreprises, celles « dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros ». Ces 400 groupes qui devront verser un « complément exceptionnel sur leur profit ». Ce qui devrait rapporter au finances de l’Etat 8 milliards d’euros de recette en 2025, et 4 milliards d’euros en 2026, soit 12 milliards sur deux ans. « Pour répartir plus équitablement l’effort, la contribution prévoit deux niveaux d’imposition, en fonction du chiffre d’affaires, et un lissage pour contenir les effets de seuil. La contribution correspond à 20,6 % de l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d’euros et est inférieur à 3 milliards d’euros et à 41,2 % pour celles qui atteignent au moins 3 milliards de chiffre d’affaires » a indiqué le ministre délégué au Budget Laurent Saint-Martin.
Avec la création d’une taxe sur les rachats d’actions suivis d’une annulation effectués par les grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins un milliard d’euros, l’Etat pourrait récupérer 200 millions d’euros par an. Cette taxe serait de 8 % sur le montant de la réduction de capital. Elle vise à « mettre à contribution les entreprises ayant un recours croissant à cette pratique leur permettant de distribuer une partie de leur excès de trésorerie à leurs actionnaires », a indiqué le gouvernement.
Selon le budget 2025, le nouveau malus sur l’achat des voitures neuves polluantes annoncé va toucher presque tous les véhicules à essence et diesel à partir du 1er janvier 2025. Pour l’achat de voitures électriques, le budget est revu à la baisse en passant de 1,5 à 1 milliard d’euros. Cette enveloppe doit permettre de financer « en priorité les ménages les plus modestes ».
Pas dans le texte mais annoncé dans un amendement, l’augmentation de la taxe de solidarité des billets d’avion (TSBA), incluant les jets privés a été actée par le gouvernement. On parle d’une multiplication par trois de la taxe, ce qui pourrait rapport un milliard d’euros. Le secteur aérien est vent debout.
Pour « limiter les effets de l’inflation » et afin de « protéger le pouvoir d’achat des Français », le gouvernement esquisse la piste d’une revalorisation de 2 % des tranches de l’impôt sur le revenu. Cette mesure « permet d’éviter à près de 530.000 foyers d’entrer dans le champ de l’impôt sur le revenu. Elle protège les Français d’une augmentation de la fiscalité liée à l’inflation » souligne le gouvernement pour qui cela représente un manque à gagner de 3,7 milliards d’euros.
Le gouvernement prévoit aussi une baisse limitée à 9 % du tarif réglementé de l’électricité au 1er février, sous l’effet du relèvement d’une taxe qui devrait représenter 3 milliards d’euros de recettes pour de l’Etat. Il s’agit d’adapter « les tarifs normaux d’accise en sortie de bouclier tarifaire afin de garantir au consommateur une baisse de 9 % du tarif réglementé de vente en 2025 à partir du 1er février ». En septembre, la Commission de régulation de l’Energie (CRE) tablait sur une baisse d’ « au moins 10 % ».
Autre piste d’économies avec la suppression de la niche fiscale « Airbnb ». Pour l’exécutif, cet avantage fiscal « contribue aux tensions sur le marché locatif », les propriétaires préférant louer sur les plateformes plutôt qu’en logements « nus ».
Avec le projet de loi de finances, le gouvernement a également rendu son ordonnance sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec plusieurs mesures portant sur le mode d’indemnisation des arrêts maladie ou la hausse du tarif de consultation chez le médecin traitant, etc. L’objectif est de ramener le déficit de la Sécu à 16 milliards d’euros en 2025 après 18 milliards d’euros en 2024.
A la veille de la présentation du budget, le Haut Conseil des finances publiques a toutefois jugé « fragile » les prévisions budgétaires publiées par le gouvernement. « Les prévisions restent un peu optimistes et l’information est peu documentée, et du coup les résultats sur les recettes et les dépenses sont fragiles » a souligné son président Pierre Moscovici pour qui, et selon un autre mode de calcul, l’effort budgétaire français porterait davantage sur les hausses d’impôts que sur la baisse des dépenses. ■
“Donner l’exemple”
Lors de la présentation du budget, on découvrait que l’Elysée, l’Assemblée nationale et le Sénat voyaient leur dotation budgétaire augmenter. Sans doute conscients de l’image désastreuse que cela pouvait renvoyer, d’abord l’Elysée puis les deux chambres ont finalement indiqué renoncer à la hausse de leurs dotations. Alors que « le gouvernement a annoncé de nombreuses économies », « le chef de l’Etat souhaite que la présidence de la République donne l’exemple » a communiqué l’Elysée. « Les chiffres [des efforts budgétaires] étant désormais connus, et la situation économique analysée, il est normal et indispensable que les deux assemblées participent à l’effort demandé à tous pour redresser les finances publiques » de la France ont à leur tour écrit dans un texte cosigné Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.