La Sécurité sociale, qui représente près de la moitié de la dépense publique (795 Mde en 2025, dont 662 Mde sur le champ de la loi de financement de la sécurité sociale), « prendra nécessairement sa part dans l’effort de redressement des finances publiques entrepris pour ramener le déficit de 6,1 % en 2024 à 5,0 % en 2025 » promet le gouvernement. « Toutefois, assure le ministère de la santé, cet effort sera contenu afin de préserver la qualité du système de protection sociale »..
Par rapport à la LFSS 2024, 9 Mde supplémentaires seront consacrés à l’assurance-maladie en 2025 (+ 3,5 %, soit +2,8 % et + 7 Mde par rapport à la base 2024 rectifiée), 7 Mde aux pensions et aux prestations liées au risque « vieillesse » (+ 2,2 %), 1 Mde à la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles (+ 6,3 %), 2 Mde à la famille (+ 2,9 % par rapport à la LFSS et + 3,1 % par rapport à la base rectifiée) et 2 Mde à l’autonomie (+ 6 % et + 4,6 % à périmètre constant compte tenu d’une mesure de périmètre entrante).
Pour ce qui est de la hausse que l’exécutif veut contenue des dépenses d’assurance maladie (Ondam), elle progressera de 2,8 %. Pour l’Assurance maladie, cela revient à une économie de 4 milliards d’euros par rapport à la marge de progression habituelle. Cet effort demandé est présenté par le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin comme « un coup de frein nécessaire » mais qui, à ses yeux, reste « raisonnable ».
Quels sont donc les leviers sur lesquels le gouvernement compte s’appuyer pour limiter les dépenses ?
Il est notamment annoncé le relèvement du ticket modérateur sur les médecins et sage-femmes (1,1 Mde), la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières (0,6 Mde), les plans de maîtrise du prix des produits de santé (1,2 Mde) et de sobriété des usages (0,4 Mde), mais aussi des mesures d’efficience du système de santé et de la lutte contre la fraude : 0,7 Mde au titre de l’optimisation des achats à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, 0,3 Mde dans le champ de la biologie, de la radiologie et de l’imagerie médicale, 0,3 Mde dans le champ de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid et 0,9 Mde au titre de la maîtrise médicalisée et de la lutte contre la fraude. Par ailleurs, le relèvement des franchises et participations forfaitaires, qui était entré en vigueur en cours d’année 2024, continuera à monter en charge (0,3 Mde supplémentaires).
Au nombre des mesures « nécessaires » d’économie, il faudra compter sur un moindre remboursement des consultations médicales par l’Assurance maladie. En parallèle, il est demandé aux complémentaires Santé de faire plus. La part de l’Assurance maladie passerait à 60 % contre 70 % aujourd’hui. Le périmètre des consultations visées est encore à définir.
La question des indemnités des arrêts maladie est toujours délicate à traiter. Rappelons qu’en 2023, les indemnités journalières versées ont coûté 15,8 milliards d’euros, contre 16,3 milliards en 2022 (Données CNAM). Pour arriver à économiser 600 millions d’euros, le gouvernement a fait le choix de baisser le plafond de remboursement. A partir du quatrième jour d’arrêt, l’Assurance maladie continuera toujours de verser une indemnité équivalente à 50 % du salaire journalier mais dans la limite de 1,4 smic contre 1,8 smic précédemment. Les entreprises compensant d’habitude le reste à charge. Pour celles qui ne le font pas, les salariés devront passer à la caisse. « La dépense des indemnités journalières pourrait dépasser les 17 milliards d’euros en 2024 », a rappelé la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet. « Il y a un vrai sujet, à la fois pour les partenaires sociaux, l’Etat et les employeurs sur comment trouver un juste équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité employeur, solidarité et le fait de mettre des sujets sur la table comme la santé au travail et l’absentéisme » a –t-elle poursuivi.
Parce que « les dépenses de santé progressent beaucoup plus vite que la richesse nationale », et qu’il importe « d’assurer la soutenabilité de notre système de soins », « la recherche d’une meilleure maîtrise des dépenses continue d’être nécessaire » dans le contexte budgétaire actuel souligne la ministre de la santé Geneviève Darrieussecq. Comment ? En travaillant notamment à trouver un accord entre l’Assurance maladie et les représentants des professionnels de santé dans les domaines de l’imagerie et de la biologie. Il sera demandé une baisse de leurs tarifs. Sans accord, dans un certain délai, ou en cas de non-respect de l’accord, la loi pourra autoriser les autorités compétentes à procéder « unilatéralement » à des baisses a averti le gouvernement. Une autre piste, celle visant les transports de patients souvent montrés du doigt par la hausse de ces dépenses remboursées par la Sécurité sociale. « Une plus grande pertinence dans les prescriptions de transports sera recherchée de même qu’une harmonisation des tarifs entre les différents transporteurs pour un même trajet ».
La ministre de la santé a également annoncé qu’il était « prévu de travailler avec l’industrie pharmaceutique sur un plan de baisse des prix de certains médicaments ». Une piste qui pourrait permettre une économie de l’ordre d’un milliard d’euros.
Sans surprise et comme chaque année, la lutte contre la fraude est vue comme une priorité qui s’inscrit toutefois dans la continuité de ce qui a été fait précédemment avec les conventions d’objectifs et de gestion signées avec les caisses du régime général. Sont ainsi confirmés le déploiement de 1000 agents supplémentaires sur la lutte contre les fraudes sociales sur la période 2023-27, (+20 % par rapport à 2022), la formation de 450 cyberenquêteurs dotés de prérogatives de police judiciaire, un plan de modernisation des systèmes d’information doté de 1 Mde de crédits d’investissement. Les moyens déployés porteront aussi bien sur la fraude aux cotisations sociales avec un objectif de 5,5 Mde de redressements cumulés sur la période 2023 - 2027 (contre 800 Me redressés en 2022), que sur la fraude aux prestations sociales. « La cible fixée à l’assurance-maladie pour la période 2024-2027 s’élève ainsi à 2,4 Mde de fraudes détectées, en intensifiant notamment la lutte contre les surfacturations des professionnels et les dérives des centres de santé » promet le ministère de la santé. En parallèle, l’identification des bénéficiaires de prestations d’assurance-maladie continuera à être sécurisée au travers, notamment, du déploiement conjugué de l’application Carte vitale et de France Identité.
Economie ici aussi. « Le principe de l’indexation des retraites sur l’inflation n’est pas remis en cause » insiste fortement l’exécutif qui précise dans la foulée que la date de revalorisation sera « simplement » décalée de six mois « pour tenir compte du contexte exceptionnel des finances publiques et du ralentissement de l’inflation ». Une préconisation inscrite dans le projet de loi de financement qui fait passer cette revalorisation au mois de juillet plutôt qu’au 1er janvier. Mais magnanime, le Gouvernement a tenu à préserver les retraités les plus modestes : les minimas sociaux (minimum vieillesse, mais aussi allocation veuvage) « resteront bien revalorisés au 1er janvier ».
Enfin, la refonte du système de prise en charge des affections longue durée (ALD), n’a pas été finalement retenue dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. ■
Interdiction de tomber malade
La maire PS de Decize dans la Nièvre a choisi l’humour pour dénoncer la situation alarmante des urgences dans la Nièvre.
Le 8 octobre dernier, la maire de cette commune d’environ 5500 habitants a pris un arrêté municipal interdisant « de tomber malade sur son territoire », « sous peine de ne recevoir aucune prise en charge médicale en raison de la fermeture répétée des services d’urgence ». « Toute tentative de maladie sera considérée comme une infraction à cet arrêté » détaille l’arrêté signé de Justine Guyot. Une façon d’alerter sur la situation des urgences dans la Nièvre qui doit faire face à une sous dotation des services d’urgence (4 services pour plus de 200 000 habitants). La Nièvre ne compte que 68 médecins pour 100 000 habitants contre une moyenne de 121 en France. 20 % des patients n’ont pas de médecin traitant. En janvier 2023 a même été mis en place un « pont aérien » emmenant des médecins de Dijon à l’hôpital de Nevers au moins une fois par semaine.
Depuis une vingtaine de municipalités ont pris le même arrêté.