Monique Rabin (SRC, Loire-Atlantique), le reconnaît bien volontiers, en toile de fond de ce rapport, « la question se posait de savoir si les différents réseaux des chambres consulaires devaient ou non fusionner ». L’existence de trois chambres consulaires distinctes – Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), Chambre de Métiers et d’Artisanat (CMA) et Chambre d’Agriculture (CA) constitue une des caractéristiques du modèle consulaire français. Un modèle qui se rapproche de l’Allemagne et de ses 80 chambres de commerce et d’industrie, entités autonomes regroupées sous l’égide de l’association des CCI allemandes qui coexistent avec les 54 chambres de métiers, personnes morales de droit public placées sous la tutelle du ministère de l’Economie du Land. L’Espagne, quant à elle, connaît un unique réseau consulaire ; les Pays-Bas ont pour leur part un guichet unique. Quoiqu’il en soit, pour les deux rapporteures, la fusion n’est pas à l’ordre du jour, « car la spécificité de l’artisanat ne peut se retrouver dans le mode de fonctionnement et les missions des autres chambres » soufflent-elles. Et surtout, les Chambres de Métiers n’y sont pas favorables. Une position réaffirmée par le Président de l’APCMA, Alain Griset, lors de son audition par la mission faisant valoir que les CMA avaient comme spécificité « de représenter un public homogène partageant les mêmes valeurs et les mêmes caractéristiques. […] Lorsque les CMA prennent position, elles le font pour l’ensemble du secteur de l’artisanat. Cet élément fort justifie l’existence d’un établissement public spécifique qui représente les entreprises artisanales. J’entends depuis longtemps les propositions de regroupement ou de fusion des réseaux consulaires. Si en 1925 les parlementaires ont voté la création de chambres de métiers spécifiques, c’est parce que les chambres de commerce et d’industrie ne pouvaient pas représenter toutes les entreprises. Ce constat vaut toujours ». Toute perspective de fusion a fini par être écartée par le Premier ministre en 2014. Pour autant, cela n’exclut pas que l’on puisse s’interroger sur l’utilité, l’efficacité et la légitimité des réseaux estiment les deux élues.
Depuis plusieurs années, les chambres consulaires sont sous le feu des réformes, soit de leur propre initiative, soit à la suite de dispositions législatives touchant à leur gouvernance et à leur financement. « Si la plupart des chambres ont pris la mesure des attentes de leurs ressortissants et essaient d’adapter leurs actions », elles disent souffrir d’un sentiment de ne pas être suffisamment accompagnées dans leur démarche de modernisation. Un point de vue partagé par les rapporteures qui dénoncent des relations entre réseaux consulaires et pouvoirs publics distendues et « médiocres ». La restauration de ces relations est justement l’un des points phares de leur rapport. « Les réformes à mener doivent faire l’objet de davantage de concertation et une feuille de route claire doit être définie entre la tutelle et les chambres » actent-elles. Enfin, tous les réseaux sont confrontés, à des niveaux différents, à de problèmes de gouvernance et de représentativité poursuivent-elles. Quant au statut des personnels des chambres « qui pose des difficultés », il demanderait un examen approfondi ajoute Catherine Vautrin (LR, Marne).
Clarifier les activités marchandes des activités de service public
Après le constat, les propositions. Pour les CCI, les deux rapporteures jugent « urgent » la mise en place d‘un groupe de travail en vue de « repréciser » les champs de missions des chambres et de la tutelle, ce qui « favoriserait les évolutions nécessaires ». « Une autre nécessité est de bien clarifier, par le biais d’une disposition réglementaire, ce qui ressort de leurs activités marchandes de leurs activités de service public » ajoute Monique Rabin. Sur le financement, la MEC entend assurer la visibilité des chambres sur l’évolution de leurs recettes fiscales en conditionnant toute nouvelle mesure d’économies à la conduite d’un dialogue constructif avec les chambres. Les élues proposent aussi de ne pas opérer de nouveau prélèvement sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. « En contrepartie, de nouveaux engagements pourraient être pris par le réseau en matière de poursuite de la rationalisation de la carte territoriale et de la mutualisation des moyens ». Catherine Vautrin enchaîne sur l’incidence de la réforme territoriale sur le réseau. Elle souhaite surtout éviter que cela ne se traduise par la création d’un échelon supplémentaire. « Il faut au contraire que les différentes chambres territoriales s’organisent pour que la carte consulaire corresponde à la pertinence économique du territoire ».
Un « vrai travail à faire » sur les ressources humaines
Autre point sensible soulevé dans le rapport, celui des moyens humains dans les CCI essentiellement. Sur lequel « Il y a un vrai travail à faire » (statut, rémunération de certains personnels). Un point sur lequel a d’ailleurs vivement réagi Jean-Louis Gagnaire. Lors de la présentation en commission du rapport, il a notamment évoqué des écarts de rémunération « indécents » et des niveaux de rémunération parfois plus élevés que ceux des trésoriers payeurs généraux dans les régions. Il suggère alors à la tutelle d’imposer des grilles de rémunération avec un plafonnement et quelle que soit la taille des chambres. « N’oublions pas que cet argent est prélevé sur les entreprises » insiste-t-il.
Des propositions communes aux trois chambres
Après plusieurs propositions pour les Chambres de Métiers et d’Artisanat et les Chambres d’Agricultures, la MEC fait encore sept autres propositions communes aux trois réseaux consulaires. Elle propose de mutualiser entre les réseaux des CCI et des CMA les missions standards aux entreprises (CFE, créations, formalités, transmission), d’encourager les partenariats entre réseaux afin de répartir leurs missions selon le principe de subsidiarité d’intervention comme en matière de développement des actions à l’international, « pour lequel les CCI sont mieux armées en termes de connaissance des marchés internationaux » ; favoriser et généraliser les bonnes pratiques en matière de mutualisation des fonctions et des moyens entre réseaux, « sous l’impulsion des têtes de réseau dont le rôle doit être conforté ». Les rapporteures demandent encore que l’on mette en place un système intégré entre le réseau des CCI et le réseau des CMA pour simplifier les formalités d’inscription au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés tout en supprimant toute double cotisation. Elles mettent également l’accent sur l’apprentissage, « pour lequel il est indispensable d’élaborer en commun une carte des formations, sous l’égide de la région, et en liaison avec l’éducation nationale » explique Catherine Vautrin. Il s’agit entre autre de mettre à profit l’expertise de chaque réseau et favoriser le développement de formations inter-consulaires. Parce que le renforcement des relations avec la tutelle est primordial, les deux élues veulent la transmission des données financières des chambres et l’engagement d’un dialogue de gestion avec elles pour éviter toute baisse arbitraire de leurs ressources. Enfin, parce qu’elles « ne veulent plus voir les rapports s’empiler sans jamais être utilisés », Catherine Vautrin et Monique Rabin souhaitent organiser une audition de la tutelle avant la fin de l’année 2016 pour dresser le bilan des effets de la réforme territoriale sur les réseaux consulaires en matière de représentativité et de financement. ■
*Rapport d’information n° 3064 en conclusion de la Mission d’évaluation et de contrôle Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.