Après avoir annoncé l’année dernière un programme d’économies budgétaires de 55 Mds d’€ sur la période 2015-2017, et 21 Mds d’€ d’économies sur 2015, le Gouvernement a finalement fait voter un plan d’économies de 50 Mds d’€ lors de la LPFP (loi de programmation des finances publiques), et n’a réalisé que 19 Mds d’€ de réduction de dépenses. Qu’adviendra-t-il du plan de 16 Mds d’€ d’économies annoncé pour 2016 ? Les insuffisants efforts budgétaires à venir seront-ils maintenus ? Le Gouvernement va-t-il encore reculer et retarder le processus de réduction de l’endettement public ? A-t-on pris conscience à Bercy des risques macroéconomiques majeurs des mois à venir ?
Des hypothèses optimistes : risque d’un dérapage budgétaire
Le budget de l’État pour l’année 2016 part sur les hypothèses d’un taux de croissance très optimiste de 1,5 %, d’une augmentation des salaires de 2,1 % et d’une inflation de 1 %. Avec l’explosion de la bulle financière en Chine, l’essoufflement des politiques monétaires accommodantes, les incertitudes et les risques géopolitiques, et le déficit de compétitivité des entreprises françaises, un tel scénario de croissance semble risqué à adopter. Par ailleurs, le volet recettes du PLF est basé sur des anticipations inflationnistes qui pourraient s’avérer surévaluées. La pression de la baisse des cours du pétrole, la récession au Brésil et au Canada, les difficultés de la Chine et du Japon et la persistance d’un chômage important en France, sont autant de risques macroéconomiques qui risquent de contrecarrer les prévisions budgétaires.
Le Gouvernement semble pourtant se satisfaire de ses économies, pensant pouvoir atteindre les objectifs du pacte budgétaire qui impose une règle à 3 % pour le déficit public et à 0,5 % pour le déficit structurel. L’objectif du PLF 2016, présenté en Conseil des ministres mercredi, est de réduire le déficit public de 3,8 % du PIB à 3,3 % du PIB en 2016. On serait ainsi le seul ou l’un des seuls pays de la zone euro à être encore au-dessus des 3 % de déficit. Le Gouvernement prévoit encore une baisse potentielle du déficit structurel à 2 % dès 2015 et une diminution prévue à 1,2 % en 2016. Tout cela paraît difficilement atteignable compte tenu de la trajectoire budgétaire actuelle et des prévisions, à moins d’un revirement important de la politique économique.
S’inspirer du modèle britannique
Dans une situation macroéconomique internationale incertaine, les faibles efforts du Gouvernement en matière d’économies budgétaires font pâle mine à côté de l’austérité budgétaire du gouvernement Cameron. Malgré un déficit public colossal de 9,7 % du PIB en 2010, le gouvernement de David Cameron compte repasser dès 2016-2017 sous les 3 % de déficit budgétaire imposés par le pacte budgétaire, et retrouver un excédent dès 2019-2020 (voir graphique sur le déficit). Cela se ferait par un gel des prestations sociales (aides aux ménages avec emploi, allocations logement, etc.), des crédits d’impôts et autres déductions et privilèges fiscaux, au lieu des mesures de rafistolage et d’économies à la marge dont on a l’habitude en France.
On peut également observer grâce au deuxième graphique que la trajectoire d’évolution de la dette publique brute (c’est-à-dire la dette au sens de Maastricht, sans tenir compte des actifs financiers de l’État) est clairement peu maîtrisée par l’État français. Tandis que de son côté, le gouvernement britannique a fait des efforts majeurs pour ralentir la progression de l’endettement depuis l’élection de David Cameron à la tête du pays. Le résultat, c’est que selon les données d’Eurostat, en 2015, la dette publique brute est de 96,4 % en France (augmentation de 1,4 pts par rapport à 2014) et de 89,9 % au Royaume-Uni (augmentation de 0,5 pts). Selon les données de l’INSEE, l’augmentation de la dette publique française a même été de 2 points (97,6 % en 2015 contre 95,6 % en 2014). Si les deux gouvernements continuent dans cette même trajectoire des finances publiques, le risque d’un relèvement des taux sur la dette française risque d’avoir un effet dévastateur sur les capacités de remboursement de l’État français, tandis que le Royaume-Uni entamera bientôt un désendettement public qui lui permettra de retrouver une forte crédibilité auprès des marchés financiers.
Un plan d’économies sans réelles baisses de dépenses
Les réductions de dépenses prévues par le PLF 2016 sont évaluées à 16 Mds d’€ sur l’année budgétaire, dont 7,4 Mds dans les dépenses sociales (3,4 Mds dans l’assurance maladie, 4 Mds dans les autres dépenses de sécurité sociale comme les retraites, les allocations familiales, l’assurance chômage, etc.), 5,1 Mds dans le budget de l’État (0,6 Md dans le fonctionnement et l’investissement, 0,8 Md pour la masse salariale, 1 Md pour les agences de l’État, 2,7 Mds pour les dépenses d’interventions, sociales notamment) et 3,5 Mds dans les dotations aux collectivités locales. Sur la période 2015-2017, si l’État parvient à ses objectifs, cela représentait un effort budgétaire d’environ 20 Mds d’€ pour les dépenses de sécurité sociale, de 20 Mds d’€ pour les dépenses de l’État et des agences et de 10,7 Mds d’€ pour les collectivités territoriales (voir graphique ci-après).
• Mais premier problème : les collectivités locales vont probablement répercuter la baisse des dotations sur les impôts locaux, ce qui risque d’anéantir les bénéfices de l’effort budgétaire pour les contribuables ;
• Deuxièmement : les effectifs de fonctionnaires vont augmenter, avec 8 304 fonctionnaires d’État supplémentaires en 2016 (après trois années de baisse). Cela est dû à la création de postes dans la défense pour contrer la menace terroriste (2 300 postes supplémentaires seront créés pour le ministère de la Défense, tandis que 7 500 postes n’y seront finalement pas supprimés, soit 9 800 postes). Des postes supplémentaires sont également créés dans la police-gendarmerie, la justice et l’Éducation nationale même s’il est vrai que les effectifs globaux diminuent si on exclut les postes créés au ministère de la Défense ;
• Enfin : même si le plan de 16 Mds d’€ d’économies est mené à terme et que les prévisions de croissance ne viennent pas remettre en question les prévisions budgétaires, la dépense publique continuera de croître en volume global (probablement aux alentours d’1 Md d’€) au titre de l’augmentation naturelle des dépenses publiques. En fait, le Gouvernement ralentit la progression des dépenses publiques mais il ne la réduit pas réellement.
Si l’État souhaite sanctuariser certains domaines régaliens comme l’armée et la police, il est absolument nécessaire d’établir une hiérarchie des priorités et de commencer à licencier du personnel dans les secteurs les plus gourmands en masse salariale et en postes de fonctionnaires (comme l’Éducation nationale, la santé, etc.) et à externaliser des missions de service public auprès d’opérateurs privés.
Copions l’Outre-Manche : baissons les dépenses et les impôts
Le taux de croissance nominale de la dépense publique va augmenter en valeur de + 0,9 % (hors crédits d’impôts), de 1 % en 2015 et de 1,3 % en 2016, contre 3,2 % en moyenne entre 2007 et 2012. S’il y a donc eu un effort sur le ralentissement de la croissance de la dépense publique, le processus doit être vraiment renversé : il faut revenir à un niveau de dépense beaucoup moins élevé.
On voit bien sur le graphique suivant que le niveau de dépenses du Royaume Uni – un pays à population, taille et niveau de développement comparables – est passé de 8 points d’écart en 2010 à plus de 13,5 points d’écart en 2015 par rapport à la France ! De la même façon, l’écart du niveau de recettes est passé sur la même période de 10,6 points à 14,4 points. Le Royaume-Uni a donc su faire les réformes pour réduire le poids de l’État dans l’économie, à la fois en termes de prélèvements obligatoires et en termes de dépenses étatiques. Pourtant, il ne semble pas que le pays soit moins administré que la France.
Au lieu de l’acharnement fiscal, l’État devrait engager des baisses d’impôts. Avec un taux de prélèvements global de 44,6 % (2015), le rendement de l’impôt devient décroissant avec la croissance des taux, comme l’exprime la courbe de Laffer. L’élargissement de l’assiette ne serait pas non plus suffisant pour combler les caisses vides de l’État. C’est pourquoi il faut s’inspirer de l’exemple britannique : le taux principal de l’IS (impôt sur les sociétés) est déjà passé de 28 % en 2010 à 20 % en 2015, une baisse colossale de 8 points. Il sera à nouveau baissé à 19 % en 2017 et à 18 % en 2020, tout en étant accompagné de baisses d’impôts lorsqu’il y a investissement. L’effet sur la compétitivité et la baisse des coûts de production des entreprises britanniques a été immédiat. Le Royaume-Uni connaît en 2015 l’un des taux de croissance économique les plus élevés d’Europe (2,6 %) et le taux de chômage est tombé à 5,4 %. À quand les mêmes réformes en France ? ■