Le début 2016 fut porteur de nouvelles inquiétantes
1. Le FMI annonce une croissance économique décevante et inégale en 2016. Les émergents ne sont plus les moteurs de la croissance et celle des pays développés restera modeste. La Banque mondiale prévoit une croissance moyenne de 2,8 %
2. Le rapport de la Banque des règlements internationaux, BRI, en mars, est alarmiste. La BRI appréhende une prochaine crise économique et financière pour les mêmes raisons qu’en 2008, un excès de dettes publiques et privées mal contrôlées
3. Le département du commerce américain déplore une augmentation de 2,2 % du déficit commercial des Etats-Unis en janvier, porté à 45,7 Mds$
4. Le gouverneur de la PBOC, la banque centrale de Chine, après le G20 finances de Shanghai, déclare que la Chine, pour soutenir le cours du yuan a dû intervenir de 109 Mds$ en décembre, 99 Mds$ en janvier et de 28,6 Mds$ en février. La défiance envers le yuan semble se résorber lentement. Mais la fuite de capitaux n’est pas enrayée.
5. Le premier ministre Li Keqiang, devant l’Assemblée populaire nationale, annonce une nécessaire relance économique par le budget qui sera en déficit de 3 % du PIB cette année afin d’alléger les charges des entreprises et investir, notamment dans les infrastructures urbaines. Il confirme l’objectif de croissance de 6,5 % chaque année du 13e plan quinquennal.
Des dettes publiques et privées en hausse, une croissance économique atone, donc des créances douteuses plus nombreuses, des défaillances d’entreprises ou de ménages incapables d’honorer leurs dettes, le système financier fragilisé, des bulles boursières ou immobilières qui éclatent. C’est le risque de crise que craint la BRI et l’enjeu de l’année 2016.
D’où viendra la crise ? On souhaite qu’elle ne survienne pas. Mais si elle devait advenir ? Répondre est risqué.
La Chine a une vulnérabilité financière similaire à celle des Etats-Unis. Sa montagne de dettes a pour origine, l’endettement des collectivités locales, des entreprises publiques et privées et des ménages auprès des banques mais aussi de la finance de l’ombre ou shadow banking. mal connue. Ses problèmes structurels sont fort différents. La Chine doit « réformer la structure de l’offre » selon la formule officielle ; réduire les activités industrielles traditionnelles, houillères, sidérurgie, pétrochimie, construction et résorber les surcapacités de ces activités. Rien que dans le charbon et l’acier 1,8 million d’emplois sont en jeu. Simultanément il lui faut s’imposer dans les activités novatrices, robotique, aéronautique, chimie fine, biotechnologies, santé, énergies nouvelles, R&D, armement… La conversion est difficile et risquée. Ne pas l’entreprendre serait renoncer à devenir la première économie mondiale vers 2025. Mais la Chine produit. Sa consommation augmente. Et malgré une contraction sensible de ses échanges extérieurs elle continue à engranger des excédents commerciaux qui vont aux réserves de change et aux investissements à l’étranger.
L’économie chinoise est plus modeste que l’économie américaine et elle est encore isolée du reste du monde par sa monnaie non convertible, son contrôle des changes et son lourd système de licences et agréments. La chute de la bourse de Shanghai Shenzhen cet été a montré que la bourse était confinée. Une crise financière chinoise se diffuserait plus difficilement au monde qu’une crise américaine. En Chine, le Parti est derrière toutes les activités économiques. On a souvent pronostiqué l’éclatement de bulles immobilières ou financières. La forte intervention de l’Etat a jusqu’à maintenant pu les résorber. Les faillites des grandes entreprises sont récentes. La première tolérée par l’Etat fut en 2014 celle de l’entreprise publique Chaori, fabricant de panneaux solaires, puis en 2015 celle de Baoding Tianwei, producteur public d’équipements électriques. Le Parti a voulu donner une leçon aux entreprises mal gérées et discipliner les autres, publiques comme privées. Les PME sont vulnérables. Mais le droit des faillites peut au gré du Parti ne pas être appliqué si la nécessité l’impose. L’Etat est l’initiateur des fusions acquisitions qui se multiplient même lorsque les entreprises concernées sont privées. En cas de crise financière les réserves de change seraient une ressource précieuse pour juguler la crise. Une crise financière en Chine pourrait être circonscrite.
Un exemple de changement de structure de l’offre, la robotique. La part de robots produits en Chine augmente. L’ambition est d’en exporter une part majoritaire avant la fin du 13ème plan quinquennal, 2016-2020.
Les Etats-Unis demeurent de loin la première économie du monde. Mais sa croissance est exagérément fondée sur la consommation des ménages, la plus élevée des pays développés, financée par un déficit important de sa balance commerciale. L’attraction de capitaux étrangers équilibre à peu près la balance des paiements. Et les Etats-Unis ont le privilège de rembourser une part de leurs dettes extérieures dans leur propre monnaie que crée leur institut d’émission, la FED. Le pays ne produit plus la richesse qu’il consomme. A terme cette structure est dangereuse. Elle est en partie masquée par le rayonnement mondial de ses grandes entreprises de service, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft… Le quantitative easing pratiqué par la FED pour sortir le pays de la crise de 2008 a créé des liquidités surabondantes peu coûteuses engagées en partie dans des activités spéculatives. La montagne de dettes est vulnérable.
L’économie américaine pâtit de son histoire. Elle fut à l’origine de la crise de 1929 et de celle de 2008. La régulation bancaire et financière, selon nombre d’experts américains, n’a guère progressé depuis 2008. Les lobbies de Wall Street et des banques ont réussi à limiter la portée des lois de régulation. Les créances sur le secteur du gaz et pétrole de schiste ont été en partie titrisées et cédées, exonérant les banques du risque. Les dettes étudiantes égalent la moitié du PIB français, Or les défauts des étudiants se multiplient. Mais ce sont surtout les imprudences des fonds spéculatifs et la spéculation sur les dérivés qui font peser un risque sur le système financier. Or l’économie américaine est le foyer de la mondialisation financière. Une crise financière se répandrait comme en 2008 sur le monde. Elle affecterait les consommateurs américains endettés et réduirait la consommation risquant d’entraîner des faillites en chaîne et la baisse du PIB comme en 2008. La période des élections présidentielles est peu propice à des mesures fortes pour éloigner ce risque de crise. Il pourrait survenir aux Etats-Unis cette année. ■