Quel diagnostic faites-vous des maux de la France ? Quelles sont les grandes lignes de votre projet ?
La France est en pleine dépression économique et en pleine déprime morale. Beaucoup esquivent ce diagnostic dans sa rudesse. Or je pense qu’il faut partir d’un diagnostic suffisamment lucide et courageux. Puis, proposer une vision, adaptée au diagnostic et génératrice d’espoir : un libéralisme enraciné. Alliance de liberté et de valeurs.
Nous sommes dans une compétition du monde qui suppose d’y participer de manière armée pour ne pas la perdre. Il faut assumer une société horizontale, la liberté de l’éducation, de l’économie, de l’entreprise, des collectivités locales, du travail, la liberté par la réduction de la dépense publique, la liberté par une véritable souveraineté économique et stratégique qui exige des finances publiques saines, la liberté par la baisse des impôts, la liberté dans le monde. La droite aspire à cette liberté. C’est ce que l’on peut proposer de mieux aux Français ! Une liberté qui n’est pas le veau d’or pour autant car elle va avec des valeurs, est enracinée par l’identité, par la construction de petites sociétés comme la famille, par le refus de l’autodénigrement. Respect du doute philosophique français constructif. Refus du nihilisme anarchiste. Nous avons besoin de savoir qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons. Les valeurs ne sont pas la nostalgie d’un âge d’or mais permettent aux générations suivantes de puiser une sève afin de pouvoir déployer leurs ailes.
Mon projet refuse les demi-mesures et les hypocrisies, ces respirations indispensables qui permettaient à chacun d’accepter le système parce qu’il pouvait y déroger. Par exemple, le refus de supprimer les 35 heures pour entretenir ce médicament, seulement temporairement recevable, d’exonération des heures supplémentaires. La colonne vertébrale ne tient pas, et on met des béquilles. Rétablissons-la ! Au demeurant, il est plus difficile pour des protestataires de manifester contre une vision audacieuse que contre des demi-mesures.
Vous êtes un parlementaire actif, très engagé au sein des travaux de l’Assemblée nationale, vous avez été responsable du projet de l’UMP, vous vous présentez aujourd’hui à la primaire. Est-ce à dire que vous n’avez trouvé personne pour incarner le projet que vous proposiez ?
J’ai toujours été considéré comme un député très travailleur sans ambition politique. C’est probablement ce qui surprend dans ma candidature aujourd’hui. Mais je me rends compte que si l’on ne porte pas un combat cela n’embraye pas. Chez aucun candidat je ne constate cette lucidité dans le diagnostic, cette force et cette cohérence de la vision et cette précision des mesures qui me permettraient d’en soutenir un.
Votre vision tient ensemble la liberté et les valeurs. En France est-ce que cela porte ?
Parmi les démocraties occidentales il n’y a qu’en France que liberté et valeurs sont dissociées. C’est la cause de nos faiblesses. Je pense que le déclic, que j’estime indispensable à notre pays, se fera même si je ne peux dire quand. A ce moment là, je pourrai déplacer des montagnes.
Venons-en à votre projet. Vous préconisez de nombreuses réformes d’ampleur. Vous souhaitez par exemple réformer en profondeur la politique du logement en France.
Le système aujourd’hui est hypocrite, ruineux, inefficace. L’économie du logement est hyper fiscalisée et subventionnée, trop encadrée. Un déséquilibre de relations entre propriétaires et locataires qui s’est aggravé au fil des lois a dissuadé beaucoup d’investir dans l’immobilier locatif dont le rendement est faible.
En matière de logement social, quand 70 % des Français y sont éligibles, 3/4 des ménages modestes n’y sont pas logés alors que la majorité des attributaires a des revenus très supérieurs aux demandeurs. La définition trop large ne colle ni dans l’offre ni dans la demande. Le système hyper administré ne fonctionne qu’avec des effets de clientèle et l’argent public est gaspillé. Et le gouvernement rajoute des contraintes aux contraintes !
Ainsi, ce que je propose c’est la liberté ! Il faut faire sauter la loi SRU (Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain) et avoir le courage de mettre fin au concept de logement social. Il ne s’agit pas de mettre les gens à la rue. Il faut permettre aux gens ayant des difficultés à se loger ou pour lesquels une intervention publique est utile, de choisir le plus librement possible. Choisir l’aide à la personne plutôt que l’aide à la pierre. Un certain nombre de locataires peuvent être intéressés à acquérir leur logement. Nous pouvons aussi encourager des logiques coopératives. Je préconise de concentrer les aides de l’Etat sur le logement d’urgence.
Vous prônez à la fois de donner plus de compétences aux collectivités locales tout en les faisant participer à hauteur de 20 milliards dans les économies budgétaires. Comment sortir du débat entre collectivités et Etat sur la responsabilité vis-à-vis des dépenses de fonctionnement ?
Les collectivités locales doivent avoir la compétence des compétences. Marqué par mon identité UDF, je propose la subsidiarité. La force d’action des collectivités sera efficace pour autant qu’elles en aient véritablement la responsabilité. Je prends l’exemple du RSA. L’Etat en définit les règles, les départements n’en font que la gestion désincarnée. Qu’ils aient la pleine responsabilité d’exercer la solidarité publique qu’ils jugent utile d’apporter ! Le département aurait la compétence de définir le niveau, les conditions d’éligibilité, les contreparties d’activité exigées, les contrôles, l’évaluation, la réforme, l’amélioration : la vie du système.
Enfin je sors du débat budgétaire évoqué en proposant la suppression du statut de fonctionnaire et la contractualisation généralisée. En un mot, je laisse les collectivités libres !
Vous assumez le choc de simplification fiscale en proposant une « flat tax », impôt universel et proportionnel. Comment est-il perçu ?
Cela fonctionne très bien ! Les Français y compris modestes apprécient son caractère universel. La proportionnalité n’est pas parfaite car je mets un taux très faible sur les premiers revenus. La situation actuelle est terriblement hypocrite car le taux nominal est élevé mais ceux qui sont suffisamment outillés pour mobiliser à fond les niches fiscales ne font pas face à ce taux. Et malgré tout il est très pénalisant dans le cas du recrutement d’un cadre de haut niveau en France parce que des grandes entreprises ont en tête le taux nominal.
Cette flat tax concernerait l’ensemble des revenus : revenus salariaux mais aussi du capital, immobilier, mobilier. J’encourage l’investissement risqué car ce que vous perdez sur un revenu mobilier, pourrait être déduit de votre revenu salarial. Ce système permet également de s’adapter à la variété des revenus d’aujourd’hui type RbnB, Blablacar etc. Enfin, ce n’est plus l’Etat, par les niches fiscales, qui vous dit ce qu’il est bon de faire. Je propose un impôt participatif où 5 % de votre impôt est affecté par vous librement à une mission. Vous dîtes à l’Etat ce qu’il est bien de faire. Je supprime les niches fiscales qui permettent seulement de rendre un système hyper progressif confiscatoire acceptable.
Pour revenir à l’équilibre des comptes sociaux vous comptez mettre en place deux nouveaux régimes. Plus explicitement ? Souhaitez-vous mettre en concurrence les caisses d’assurance publique ?
Ma proposition est celle de deux étages, un étage public, pour les soins lourds type ALD, et un étage privé pour la « bobologie ». Par contre, je garde une logique assez centralisatrice de caisse unique qui permettrait une économie de gestion importante incluant les retraites. Je distingue impôts d’Etat et cotisations sociales mais je propose un circuit unique de financement public en fusionnant l’URSSAF et la DGFiP (Direction général des finances publiques).
Quelle réforme des retraites proposez-vous si ce n’est le passage à la retraite à 65 ans pour 2022 ?
Je propose un régime unique, par points et étages de capitalisation et d’allonger la durée de cotisations.
Pour le dialogue social, vous comptez mettre fin au paritarisme tout en prônant les accords d’entreprise ?
La présence syndicale est précieuse dans la vie de l’entreprise, pour la négociation des accords. En revanche, je souhaite faire tomber le jeu de rôle vain du paritarisme gérant les caisses de Sécurité sociale.
Vous vous êtes prononcé contre le projet de loi El Khomri. Pour vous il faut tout bonnement supprimer le code du travail. Par quoi le remplaceriez-vous ? Vous positionnez-vous en faveur d’un contrat unique ?
Cette loi propose de préserver un système pourri à coup de dérogations. Je suis pour la suppression du code du travail partout où on le peut et que s’y substituent les accords d’entreprise ou à défaut de branche. Je suis pour la décision locale tout en préservant un ordre social public. Il s’agirait de respecter un plafond européen à 48 heures mais qu’ensuite si l’entreprise trouve son équilibre à 42 heures elle puisse définir ainsi son mode de fonctionnement. Il n’y a aucune raison de définir nationalement l’heure supplémentaire. Le contrat de travail se définit également dans l’entreprise.
En ce qui concerne l’emploi public, à quel moment situez vous l’augmentation du temps de travail ?
L’idée est que l’Etat profite des moments d’évolution du point d’indice pour augmenter le temps de travail des fonctionnaires à 40 heures.
Préconisez-vous de conserver des contrats réservés aux activités régaliennes ?
Les contrats peuvent être adaptés selon les secteurs. Mais dire que l’on supprime le statut sauf pour les fonctions régaliennes n’a pas de sens… c’est dans l’armée par exemple qu’il y a le moins de fonctionnaires.
En matière d’éducation, vous souhaitez accorder plus d’autonomie aux établissements mais les acteurs sur le terrain en veulent-ils vraiment ?
Je propose l’autonomie des établissements, la contractualisation des établissements publics eux-mêmes. Que les collèges aient la liberté de s’organiser, les chefs d’établissement la responsabilité dans le recrutement et la promotion de leurs enseignants, que le temps de travail des enseignants soit annualisé. Evidemment cela ne plaît pas à tout le monde mais suffisamment de gens sont séduits.
Quelle est votre vision en ce qui concerne la sécurité et la diplomatie ?
La sécurité est vraiment l’affaire de tous et très particulièrement dans la lutte contre le terrorisme. Il ne faut pas abuser de l’Etat d’urgence. Sur la diplomatie je suis très attaché à la souveraineté de la France. Cela exige des finances solides pour avoir les moyens de garder des instruments de puissance et la main sur le financement de sa dette. Notre souveraineté ne dispense pas de reconnaître nos alliances. La tendance isolationniste à droite qui oublie la menace économique chinoise sur notre propre territoire est à bannir.
Vous souhaitez que la Cour des Comptes soit rattachée au Parlement afin de le rétablir dans son rôle de contrôle. La manière dont les parlementaires peuvent demander l’assistance de la Cour aujourd’hui ne vous satisfait pas ?
La relation entre le Parlement et la Cour manque de fluidité. Ce lien, sans que la Cour soit aux ordres du Parlement, pourrait davantage responsabiliser ce dernier en renforçant le contrôle budgétaire.
De manière plus générale, faut-il réformer les institutions ?
En France ce ne sont pas les institutions qui sont les plus fragiles, et le temps consacré à leur réforme serait perdu pour autre chose. Restons focalisés sur la recherche de résultats concrets démontant notre capacité à sortir de la dépression économique et de la déprime morale. L’optimisme, la confiance que j’appelle de mes vœux s’établissent d’abord sur les résultats. ■
* Vient de publier “Le printemps des libertés” aux Editions l’Archipel.