“Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, la politique économique et budgétaire de la majorité a été guidée par 3 combats menés de front : celui des réformes pour la croissance et l’emploi, celui de l’assainissement des comptes publics et celui du renforcement de la justice sociale” peut-on lire dans le dossier de presse remis par Bercy au journaliste présents à la présentation du projet de loi de finances 2017. « Le budget 2017, poursuit Bercy, s’inscrit pleinement dans ce triptyque. Il inscrit dans la durée les baisses d’impôt pour les entreprises afin de renforcer leur capacité d’embauche et d’investissement avec un effort particulier en direction des PME. Il confirme aussi la maîtrise de la dépense publique dont le rythme continuera d’être nettement en deçà de sa tendance historique tout en dégageant des marges de manoeuvre pour financer les priorités du Gouvernement, notamment en termes d’éducation, d’emploi et de sécurité. Enfin, il continue de renforcer la justice sociale notamment en ciblant vers les classes moyennes de nouvelles baisses de l’impôt sur le revenu ». Nous voilà prévenus.
Un déficit public sous la barre des 3 %, « improbable » pour le Haut conseil des finances publiques
C’est un budget « sérieux » et « cohérent » assure Michel Sapin qui a notamment confirmé son objectif d’un retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB, que le prélèvement à la source entrera bien en vigueur au 1er janvier 2018. Le Ministre a également promis des baisses d’impôts. Des hausses des dépenses consacrées à l’emploi et à la sécurité sont aussi au programme.
Sans faillir, Michel Sapin a donc confirmé un retour du déficit public sous la barre des 3 %. Bercy parle même de 2,7 %, après 3,3 % cette année. Ce reflux permettrait à notre dette publique de se stabiliser à 96 % du PIB après 96,1 % en 2016. Face au scepticisme, le Ministre est resté droit dans ses bottes : « Cet engagement nous le tiendrons ». Il répondait par là-même aux critiques émises par le Haut conseil des finances publiques (HCFP). Dans un avis rendu public, la veille de cette présentation, cet organe indépendant a émis de vrais doutes sur le réalisme de cet objectif. Pour le HCE, l’objectif annoncé de 2,7 % est jugé « improbable », quant au passage sous la barre de 3 %, c’est « incertain », en raison notamment du dérapage des dépenses et des prévisions de croissance trop optimistes. Pour le HCFP, retenir 1,5 % de progression du PIB n’est pas sérieux « compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois (atonie persistante du commerce mondial, incertitudes liées au Brexit et au climat politique dans l’Union européenne et dans le monde, conséquences des attentats) ». Ce choix de Bercy « tend à s’écarter du principe de prudence qui permet d’assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques » s’inquiète le HCFP. Les économistes préfèrent miser plus sérieusement sur 1,2 % de croissance pour l’an prochain. « Si nous avons choisi de maintenir cette hypothèse, c’est que nous avons décidé de ne pas réagir précipitamment aux évènements de l’été (Le Brexit et les attentats, ndlr) dont les conséquences sont particulièrement incertaines » a botté en touche le ministre.
Hausse des dépenses
Quant aux dépenses de l’Etat, elles vont augmenter. Elles passeront de 374,3 milliards d’euros en 2016 à 381,7 milliards l’an prochain, Cette hausse de 7,4 milliards d’euros est assumée par Bercy qui l’explique très simplement par la nécessité de répondre à différentes priorités (emploi, sécurité, éducation). 3,5 milliards d’euros seront ainsi dévolus à l’éducation pour permettre la création de de postes supplémentaires. Le Ministère de l’Emploi bénéficiera d’une rallonge de 2 milliards d’euros quand la sécurité touchera 2 milliards d’euros pour financer aussi des postes supplémentaires à la Justice et à l’Intérieur. Dans le détail, le projet de loi annonce donc la création nette de 13 847 emplois de fonctionnaires d’État. Soit 11 712 postes dans l’Éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche, 2 100 à la Justice et 1 746 à l’Intérieur. Les autres ministères verront leurs effectifs réduits de 2 521 postes, dont 1 540 pour le seul Ministère des Finances.
En incluant les comptes de la Sécurité sociale et des collectivités locales, la dépense publique totale devrait progresser de 1,6 %, selon Bercy. « Au total, sur les cinq budgets consécutifs du gouvernement, la dépense publique n’aura augmenté que de + 1,3 % par an en moyenne. Cela démontre un effort sans précédent de maîtrise des dépenses, au regard de l’évolution antérieure, supérieure à 3 % par an en moyenne. En conséquence, la part des dépenses publiques dans le PIB aura diminué sans discontinuer depuis 2013, pour atteindre 54,6 % du PIB en 2017 (hors crédits d’impôts) » annonce fièrement le Ministère.
Côté recettes, l’optimisme prévaut. D’après les calculs de Bercy, les recettes devraient passer de 301,7 milliards à 307 milliards grâce notamment à une hausse attendue de 4,4 milliards d’euros de rentrées de TVA.
Prélèvement à la source : « Historique »
Michel Sapin a également confirmé la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2018. « C’est historique, la loi de finance 2017 confirme l’instauration du prélèvement à la source pour les entreprises dès 2018 » s’est réjoui le Ministre qui a en a profité pour rappeler que cette mesure est repoussée en France depuis une cinquantaine d’années. La droite a pour sa part promis qu’elle renoncerait sur cette mesure décriée si elle revenait aux affaires.
S’agissant des collectivités locales, le rythme de baisse de leurs dotations a été adapté. L’objectif de dépenses locales est fixé à 2,0 %, conformément à la LPFP. Reste que les collectivités locales tirent la langue. Sur quatre ans, de 2014 à fin 2017, leur dotation a été réduite de 11 milliards d’euros, avec pour conséquences une baisse de l’investissement local et dans le même temps l’obligation pour elle de freiner leurs dépenses de fonctionnement. Un bien pour un mal ?
Le projet de loi de finances 2017 prévoit enfin quelques baisses d’impôts. Le gouvernement a ainsi annoncé une baisse de un milliard d’euros de l’impôt sur le revenu. Cette mesure devrait toucher cinq millions de foyers. Il est aussi prévu une extension à tous les ménages du crédit d’impôt pour les services à la personne. Les entreprises devraient également bénéficier de mesures favorables (renforcement du crédit d’impôt compétitivité-emploi, CICE et baisse de l’impôt sur les sociétés) pour un montant de cinq milliards d’euros. Les artisans ne sont pas oubliés dans ce PLF 2017 puisqu’ils devraient bénéficier d’un allègement de charges de près de 100 millions d’euros.
Coup de griffe à la droite
Enfin, comme tout ministre du gouvernement qui se respecte, Michel Sapin n’en a pas oublié de donner un petit coup de griffe à la droite qui avec ce projet de loi n’hésite pas à parler de « bidouillages » tout en estimant qu’il manque plusieurs milliards pour financer les recettes nouvelles. « Ceux qui se présentent à l’élection présidentielle, ou à l’élection préalable, à la primaire, en promettant des baisses d’impôts immédiates et en reportant la maîtrise des dépenses publiques à demain sont, je le dis, irresponsables » a ironisé Michel Sapin. Il ajoute : « Cet effort de gestion sérieuse des finances publiques devra se poursuivre car c’est la condition de la crédibilité de la voix de la France et la garantie de notre souveraineté ».
En attendant du côté de sa majorité, rien n’est joué d’avance, les « frondeurs » ont indiqué qu’« a priori », ils ne devraient pas voter ce budget tel qu’il est. Le projet de loi de finances présenté par Bercy « est dangereux parce qu’il manque d’ambition » et « je ne vois pas comment je pourrais le voter » a déclaré le chef de file des « frondeurs » PS à l’Assemblée nationale Christian Paul. Ce projet « n’est d’ailleurs ni de droite ni de gauche, c’est un budget de gestion » a poursuivi le député PS de la Nièvre. « On aurait aimé qu’il y ait une petite étincelle dans ce budget, moi je ne la vois pas. C’est un budget en roue libre ». ■