A partir des observations issues des contrôles opérés en 2015 par les Chambres régionales et territoriales des comptes sur la base d’un échantillon de 130 collectivités locales et groupements intercommunaux, la Cour des comptes a rédigé un rapport sévère sur la gestion des fonctionnaires dans les collectivités locales dont « le suivi de l’évolution n’est pas correctement assuré au niveau national » souligne avec insistance la Cour.
Premier constat et pas des moindres, alors que l’évolution des dépenses de personnel des collectivités locales constitue un enjeu majeur de la stratégie de redressement des comptes publics nationaux, il apparaît qu’entre2008 et 2015, les dépenses de personnel des administrations publiques locales (APUL) sont passées de 64,3 Md€ à 79,4 Md€, « soit une progression de 23 %, qui explique plus de la moitié de l’évolution de leurs dépenses totales (+ 26,1 Md€) au cours de cette période » détaille le rapport. Si l’accélération perceptible au milieu des années 2000 peut s’expliquer en partie par la mise en oeuvre d’importants transferts de compétences et de moyens de l’État vers les régions et les départements en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la Cour constate néanmoins, qu’à partir de 2012, une seconde accélération des dépenses de personnel des collectivités territoriales sans véritable explication.
Progression des effectifs de la fonction publique territoriale
Dans le même temps, entre 2002 et 2013, les effectifs de la fonction publique territoriale ont progressé de 27,5 %, soit 405 000 agents supplémentaires. La Cour note encore que pour plus de la moitié, cette évolution est venue des communes et des EPCI « dont les effectifs ont augmenté de 20 %, soit 243 000 agents alors que ces entités n’ont pas fait l’objet de nouveaux transferts de compétences de la part de l’État, à la différence des départements et des régions ». En 2014, la fonction publique territoriale a encore connu une croissance de ses effectifs de 1,5 % (30 100 agents supplémentaires), alors que ceux de la fonction publique de l’État ont été stables et ceux de la fonction publique hospitalière en hausse de 0,9 %. Et en 2015, sous la pression d’une baisse accélérée des dotations de l’État, les collectivités locales ont engagé des efforts de gestion de leur masse salariale reconnaît la Cour. Elle regrette toutefois que les collectivités « ne disposent pas d’une vue complète et précise de leurs effectifs » et qu’il n’existe pas suffisamment « une remise à plat des missions et une estimation rigoureuse des besoins correspondants ». Pour les magistrats, la gestion prévisionnelle des ressources humaines qui permet à une collectivité d’anticiper l’évolution de ses besoins en personnel est « encore insuffisamment développée ».
Une durée annuelle de travail inférieure à la durée réglementaire
L’autre constat principal relevé par la Cour - et semble-t-il récurrent puisque la Rue Cambon l’avait déjà évoqué dans son rapport de 2013 sur les finances publiques locales – concerne la durée annuelle de travail dans les collectivités « très fréquemment inférieure à la durée réglementaire » et le niveau « préoccupant » d’absentéisme pour raisons de santé. Après avoir analysé le temps de travail annuel tel qu’il est fixé par les assemblées délibérantes, les cours régionales des comptes ont pu constater que la durée théorique de travail des agents, dans les collectivités contrôlées, était en moyenne de 1 562 heures par an. « Dans seulement 20 % des collectivités, elle était alignée sur la durée règlementaire de 1 607 heures par an ». Toutefois relève la Cour, « l’amorce d’un mouvement de rattrapage est observée. En partie sous la pression d’une contrainte budgétaire accrue depuis 2014, des collectivités locales ont modifié leur organisation du temps de travail pour l’aligner sur la durée réglementaire ».
Absentéisme : Rétablir le jour de carence ?
Quant à l’absentéisme, les magistrats constatent qu’il reste plus élevé dans la fonction publique territoriale que dans les deux autres fonctions publiques. En ce qui concerne les congés de maladie, la proportion des agents absents au moins un jour au cours d’une semaine était en 2012 de 4,5 % dans la fonction publique territoriale contre 2,9 % dans la fonction publique de l’État et 4,0 % dans la fonction publique hospitalière, ainsi que 3,6 % dans le secteur privé. « La tendance est à la hausse de l’absentéisme de courte durée dans les collectivités locales. Le nombre moyen de jours d’absence pour maladie ordinaire est passé de 11,4 en 2009 à 12 en 2011 puis 11,9 en 2013 » observent avec inquiétude les magistrats. « Le nombre d’arrêts de courte durée, stabilisé entre 2012 et 2013, est reparti à la hausse en 2014 ». De là à voir un lien de cause à effet entre l’instauration d’un délai de carence d’un jour, à compter du 1er janvier 2012 qui « avait eu pour effet de faire baisser les arrêts maladie de courte durée » et son abrogation, à compter du 1er janvier 2014 qui « semble avoir eu l’effet inverse », il n’y a qu’un pas que seuls les esprits chagrins pourraient faire.. « Il y a donc lieu de s’interroger sur le rétablissement du jour de carence » en concluent tout de même les magistrats. D.B. ■
* Les finances publiques locales – Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics - Octobre 2016
Une durée réglementaire de 1 607 heures peu respectée, extrait du rapport
La minoration du temps de travail annuel prend principalement la forme de congés octroyés de manière discrétionnaire par le président de l’exécutif local, en sus de la réglementation, à l’occasion de ponts ou de fêtes locales.
Les chambres régionales des comptes ont constaté que le nombre de jours de congés annuels des agents dépassait la norme réglementaire dans une large proportion des communes contrôlées comme, par exemple, Vannes (33 jours), Alès (32 jours), Le Taillan-Médoc (30 jours). La commune de Conflans-Sainte-Honorine octroie 6 jours de congés supplémentaires et celle de Roissy-en-Brie 10 jours. À Narbonne, 9 jours supplémentaires, liés aux coutumes locales (Notamment Mardi gras, mercredi des Cendres, mi-Carême et la fête de la commune), sont offerts aux agents. Dans les services de la métropole de Lille, une journée et cinq ponts sont octroyés par le président, ainsi que des jours d’ancienneté et une majoration des congés avant le départ en retraite. Dans les services de la commune du Creusot, où le temps de travail hebdomadaire est fixé à 35 heures, les agents bénéficient de 30 jours de congés annuels moyennant des congés supplémentaires spécifiques : un jour le mardi de Pâques ou de Pentecôte, un jour le lendemain de Noël ou du jour de l’An, un jour pour la Saint-Laurent, une demi-journée pour le Mardi gras et une demi-journée pour la Toussaint. Les jours accordés pour la Saint-Laurent, Mardi gras et la Toussaint peuvent être pris à une autre période. En outre, deux ponts sont accordés chaque année.
Dans les services du département des Deux-Sèvres, les agents avaient droit à une semaine d’absence exceptionnelle, appelée « semaine du président ». Ceux du département du Nord disposaient en plus de 4,5 jours liés aux fêtes locales.