L'activité portuaire est une source d'emplois et d'activité. Dans le contexte de la mondialisation, y compris et peut-être plus encore en temps de crise, des ports français dynamiques jouent un rôle stratégique pour le maintien et le développement des activités industrielles, logistiques et de commerce international sur le territoire français. En un mot, les ports sont des outils de souveraineté nationale et des instruments privilégiés de la compétitivité des territoires.
Situés à l'interface des routes maritimes mondiales et des flux terrestres européens, les ports français participent des réseaux de transports multimodaux de premier niveau. Au cœur de la chaîne logistique d'approvisionnement des territoires, ils ont vocation à accueillir les activités essentielles à la croissance dans le secteur logistique ou qui contribuent au développement industriel (secteur énergétique ou filières industrielles d'avenir notamment).
Deuxième espace maritime mondial, la France compte 7 Grands Ports Maritimes en métropole (Dunkerque, le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Marseille) et 4 dans les DOM-TOM (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane), plus une cinquantaine de ports dits « décentralisés ». La France est la 5ème puissance portuaire européenne.
Quelle stratégie pour relever le défi de la compétitivité portuaire ?
La place des ports dans l'économie nationale est méconnue. Les courbes des trafics traités dans les ports français sont autant des indicateurs de l'attractivité de nos ports pour les armateurs, que des dynamiques industrielles et commerciales de notre économie. La massification des flux maritimes mondiaux se poursuit, et les systèmes logistiques continentaux mobilisés par l'industrie et le commerce doivent s'adapter aux évolutions de plus en plus rapides des stratégies des chargeurs et des armateurs.
Les ports français possèdent une multitude d'atouts mais se retrouvent au pied du podium portuaire européen, loin derrière leurs concurrents néerlandais, belges ou allemands. La politique portuaire de l'Etat des 30 dernières années a été marquée par deux étapes de décentralisation (1992 et 2004). La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a mené l'unification et la privatisation de la manutention portuaire. Les autorités portuaires peuvent concentrer leurs efforts sur la stratégie – notamment commerciale – en liaison étroite avec la place portuaire, et sur la gestion et l'aménagement du domaine portuaire. C'est le modèle du « landlord port ». Grâce à la mise en application de cette réforme, les ports français ont pu regagner des volumes de trafics depuis 2011 et retrouver une image sociale apaisée auprès des grands armateurs mondiaux. Cependant, la reprise des trafics de conteneurs est lente à se manifester et, dans le mouvement de décarbonation qui se développe pour faire face au réchauffement climatique, les trafics de vracs énergétiques commencent aujourd'hui à diminuer.
Les Ports autonomes devenus Grands ports maritimes disposent des outils pour développer une stratégie de développement commercial. Ils doivent désormais relever le défi de la concurrence avec les ports européens.
Pourtant, il reste encore à faire en termes de coordination entre les acteurs, qu'ils soient publics ou privés. Au cours de la préparation de l'étude menée par TDIE en 2015-2016 avec l'Union des Ports de France, plusieurs alertes nous ont ainsi été transmises par les acteurs portuaires (1). Elles précisent les défis auxquels les ports français font face. Les acteurs portuaires ont le sentiment que les sujets portuaires sont délaissés des préoccupations des pouvoirs publics. Ils regrettent et parfois dénoncent l'absence de portage politique des sujets portuaires. Dans le même temps, on constate que les orientations définies pour contribuer au développement de l'économie portuaire, comme c'est le cas de la Stratégie nationale de relance portuaire éditée par le ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie en 2013, sont méconnues des acteurs portuaires. Les lourdeurs administratives, le coût du passage portuaire, le manque de productivité des places portuaires et le manque d'infrastructures de dessertes multimodales en capacité de desservir un large hinterland sont identifiés comme étant les principaux défis des ports français.
A quelle échelle faut-il penser et porter la stratégie portuaire ?
Est-ce aux autorités portuaires, port par port, de définir et de mettre en œuvre une stratégie portuaire ? Comment articuler les dynamiques des acteurs économiques, et les stratégies d'investissement et de développement territorial des pouvoirs publics ? Quelle place pour les nouvelles Régions, que la loi NOTRe appelle à se mobiliser dans les dynamiques logistiques à travers leurs responsabilités en matière de développement économique et de transport ?
Les ports sont au cœur d'un système qui articule des dynamiques économiques, sociales et territoriales complexes. Pour maitriser leur destin, les ports doivent être en mesure de concevoir des projets stratégiques lisibles et compréhensibles par la diversité des acteurs qui animent ces dynamiques. Dans cette démarche, l'Etat et les collectivités territoriales jouent un rôle important : ils contribuent à la coordination des stratégies et des logiques de projet, et doivent favoriser la confiance entre la sphère privée et la sphère publique.
Les enjeux terrestres d'une stratégie de développement portuaire
Une évidence s'impose désormais : la bataille se joue à terre, à l'échelle des hinterlands. Notre pays doit trouver les moyens de consolider l'hinterland de ses ports, et d'assurer la coordination entre les stratégies de développement des Grands ports maritimes et les différentes politiques publiques.
Plusieurs initiatives publiques ont vu le jour en 2015 et 2016 : la Stratégie Nationale pour la logistique, qui réaffirme l'importance des ports dans la compétitivité logistique française, la loi pour l'économie bleue portée par le député Arnaud Leroy, qui précise et poursuit le travail de la réforme de 2008, notamment en ce qui concerne le renforcement de la présence régionale dans la gouvernance des GPM, ainsi que les quatre missions parlementaires pour l'attractivité maritime et portuaire des axes et façades maritimes Seine, Nord, Rhône-Méditerranée et Atlantique.
Il est à présent essentiel que la sphère publique se mobilise de façon continue pour porter l'ambition maritime française. Dans ce cadre, et à travers les nouvelles compétences octroyées aux régions par les lois Maptam et NOTRe, les pouvoirs locaux sont appelés à renforcer leur mobilisation dans les dynamiques portuaires. Les ports font face à de nombreux défis pour lesquels de grands efforts restent à faire : consolidation et extension de leurs hinterlands par le renforcement des dessertes ferroviaires et fluviales, augmentation de leur réactivité commerciale par l'encouragement du travail en commun des acteurs des places portuaires, développement de stratégies collectives à l'échelle des façades maritimes et enfin, simplification des procédures de toutes natures. C'est en relevant ces défis que la France pourra développer sa puissance portuaire, contribuer au dynamisme économique et au développement de l'emploi. ■
(1) Le Conseil scientifique de TDIE a proposé Cinq orientations pour une politique portuaire nationale partagée, présentées dans le cadre d'un colloque le 11 octobre 2016 (« Stratégie portuaire et défis logistiques : quels leviers pour des dynamiques de long terme ? », Palais Brongniart).
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