Droit de cités
Historien de formation, Michel Aubouin, préfet, a quitté ses fonctions et son devoir de réserve. Les banlieues, il les connaît depuis quarante ans, il y a enseigné puis mené plusieurs missions pour le Ministère de l’Intérieur. Il a vu, au cours du temps, comment certains quartiers sont devenus des zones de non-droit. En quatre décennies, il a rencontré tous les acteurs et professionnels concernés : des architectes aux sociologues, des hommes politiques aux acteurs de la vie associative et aux hommes de foi, qu’ils soient prêtres ou imams. Fort de son expérience, l’auteur nous décrit une lente dérive et nous livre avec son regard un état des lieux de ces « quartiers » rongés par la drogue et la radicalisation. Une enquête au plus près des faits et de la réalité. Pour autant, Michel Aubouin, lui l’enfant des cités devenu préfet, n’est pas un défaitiste. Il veut encore croire aux bonnes volontés et à une prise de conscience salutaire. Nous aussi on aimerait y croire. ■
40 ans dans les cités – Etat des lieux d’une enfance en HLM, 40 ans de carrière au cœur des banlieues – Michel Auboin – Presse de la Cité – 274 pages
Lueur
Dans la vallée d’Aspe, entre Béarn et Pays Basque, au cœur des Pyrénées Atlantiques, l’isolement et le désespoir sont une réalité pour un grand nombre d’habitants « extraordinairement tristes ». Mais « parfois, la lumière vient d’un seul homme qui parle de miséricorde ». Dans « Des âmes simples », l’auteur, Pierre Adrian, met ses pas dans celui d’un homme extraordinaire, d’un homme qui sort de l’ordinaire. Cet homme est prêtre. Depuis 40 ans, Frère Pierre vit dans un monastère en ruine ou presque, qui abrite de temps à autres les exclus de passage, SDF, prostituées, drogués. Loin de la « société du loquet » dans laquelle on vit, au monastère « tout est ouvert ». En vivant le dur quotidien de cet homme de foi, on découvre la fragilité comme la bonté de ces « âmes simples », ces hommes et femmes qui vivent dans la vallée loin de l’agitation des villes. Une chance et à la fois une malédiction. Le curé ne juge pas, ne se plaint pas ; il porte sa croix. Avec joie et espérance. Pour lui, ce qui compte c’est « l’intelligence du cœur ». Et de l’intelligence et du cœur, ce livre en a à revendre. ■
Des âmes simples - Pierre Adrian - Folio - 224 pages
Sus au pessimisme
Pourquoi tant d’intellectuels se complaisent-ils dans cette joie mauvaise qu’est le pessimisme ? Pourquoi ne voit-on plus les progrès considérables accomplis par nos sociétés en termes d’espérance de vie, de santé, de conditions de travail ? Pourquoi avons-nous peur de la troisième révolution industrielle ? Pourquoi nous laissons-nous envahir par les scénarios catastrophe, les théories complotistes, les fausses nouvelles ? Pourquoi ne croit-on plus en l’Europe ? Pourquoi un tel manque de confiance dans l’avenir ? Le philosophe Luc Ferry et l’économiste Nicolas Bouzou répondent à ces questions qui nous concernent tous, nous et nos enfants. Ils unissent leurs voix pour appréhender le monde qui vient, et énoncer les conditions qui permettront à la sagesse de l’emporter sur la folie. Ils nous exhortent à ne pas céder au pessimisme ambiant et à relever avec courage et lucidité les nouveaux défis du XXIème siècle. ■
Sagesse et folie du monde qui vient - Luc Ferry, Nicolas Bouzou – XO Editions – 440 pages
En quête
Jean-Paul Kauffmann aime l’Italie. Venise aussi. Pas celle des clichés, d’un carnaval dévoyé, des lunes de miel et du tourisme de masse. L’ancien otage préfère de loin ce qui est invisible aux yeux du profane. Ce qui gêne est occulté. Dans une quête improbable et quasi mystique, Jean-Paul Kauffmann cherche à voir ce qui se cache derrière les portes fermées. Installé pour plusieurs mois sur l’île de Guidecca, avec vue imprenable sur Venise, l’ancien journaliste ou « névrosé paroissial » comme le décrit sa femme, s’est mis en tête de se faire ouvrir les portes cadenassées des églises vénitiennes jamais ouvertes, celles qui « ont déserté les mémoires », une quarantaine sur les quelques 140 qu’a connu la Sérénissime. Cette obsession va le conduire à croiser des Vénitiens « une espèce en voie de disparition », des artistes, des guides, le propriétaire d’un vignoble vénitien et surtout le grand vicaire, un gardien insaisissable des clés... Flâneur et non rôdeur insiste-t-il, Jean-Paul Kauffmann enquête, fouille, farfouille, jamais ne renonce. Au fil du séjour, le journaliste retrouve ses réflexes. D’une piste à l’autre, il finit par voir des portes s’entrouvrir. Il découvre alors une architecture et des trésors picturaux insoupçonnés ou plutôt oubliés. Cachés. C’est aussi la révélation de la Présence réelle. Il est heureux. ■
Venise à double tour - Jean-Paul Kauffmann – Equateurs/Littérature – 336 pages
Des pères pas à la fête
Le « père » est-il une espèce en voie de disparition ? La question peut sembler incongrue et pourtant, elle doit être posée. Avec la fin du patriarcat occidental classique, la position du père au sein de la famille a radicalement changé, sa manière d’exercer la paternité aussi constate le psychanalyste Jean-Pierre Winter. Le nombre de familles monoparentales a explosé et désormais un spermatozoïde suffit pour qu’une femme donne naissance à un enfant : elle n’a plus besoin d’un homme. Quant à la loi sur la PMA pour les femmes seules ou les couples de femmes, elle ne concernera pas que les familles homoparentales, « mais toutes les familles, tous les enfants ! Et que leur dira une telle loi ? Qu’un père, c’est facultatif » explique l’auteur à nos confrères du Point. Dans un monde caractérisé par l’effacement du père, il s’interroge sur les effets de ces bouleversements sur la filiation et les générations à venir. « Les hommes mais aussi les enfants et les femmes pourront-ils s’y retrouver ? » se demande-t-il inquiet. Car chaque jour dans son cabinet, le psychanalyste voit les effets désastreux d’un enfant privé de père. En rappelant que la place du père n’est pas simplement celle d’une figure éducative masculine, l’auteur dessine alors les contours d’une fonction à réinventer. ■
L’avenir du père – Réinventer sa place – Jean-Pierre Winter – Albin Michel - 233 pages
Voyage(s) en Grèce
L’oeuvre de la grande helléniste que fut Jacqueline de Romilly fait son entrée dans la Collection « Bouquins ». On y retrouve les livres et articles qu’elle écrivait à destination du grand public dans un langage accessible à tous, comme une seule et longue fresque narrative : Hector, Homère, Alcibiade, La Douceur dans la pensée grecque, « Patience, mon coeur ! » … Ecrivant chaque fois avec la même émotion et légèreté, renvoyant sans cesse en écho l’Antiquité et le monde contemporain, Jacqueline de Romilly n’a eu comme seule ambition que de nous faire aimer la Grèce et sa philosophie. Car pour elle, « ce qu’a semé la Grèce ne cesse de revenir, de resurgir ». Sa pensée est aussi celle d’une femme qui plaida pour l’enseignement des humanités afin de lutter contre toutes les formes d’obscurantisme. Avec elle, ce sont la liberté et la démocratie qui s’inventent devant nous, sous le ciel grec. ■
Émerveillements - Réflexions sur la Grèce antique - Jacqueline de Romilly - Pascal Charvet (Préface), Monique Trédé (Préface), Arnaud Zucker (Préface) - Collection : Bouquins – 1376 pages
Nicolas le Grand
Soixante ans et pas une ride. Qui ne connaît pas le Petit Nicolas, ce héros de cours de récréation dont on célèbre le soixantième anniversaire de sa création ? Et pour fêter cet événement, quelle belle idée que cette sélection d’aventures (10) publiée dans une édition collector (grand format, reliure cartonnée et dorures). Quel plaisir ! On ne s’en lasse pas. On rit toujours autant. Les aventures du Petit Nicolas sont décidemment indémodables. Un grand merci à Goscinny pour le texte et à Sempé pour la mise en images. A lire et relire d’urgence. A bien y réfléchir, sa lecture devrait même être inscrite au programme des écoles, le Petit Nicolas surpassant très largement les sorcières et autres monstres que l’on trouve habituellement dans les livres de nos bambins. ■
Le Petit Nicolas fait la fête – Goscinny et Sempé – Edition collector – Imav Editions – 104 pages