Il m’a néanmoins vite paru nécessaire de retravailler le texte afin de l’enrichir sur un certain nombre de points. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité entendre le plus d’acteurs possibles, tout d’abord parce que cela me semblait naturel de demander leur avis à toutes les parties prenantes, mais aussi parce que toutes les propositions pour élever encore l’ambition initiale – sortir d’une société du « tout jetable » - m’ont semblé bonnes à prendre. J’ai procédé à près de 110 auditions et reçu presque autant de contributions écrites !
Le fil conducteur de mon travail a été de faire de la lutte contre la production de plastique et le suremballage un élément clé du texte, car cette dimension n’était pas vraiment traitée par le projet de loi. Avant toute chose, et conformément à la hiérarchie qui existe dans notre droit en matière de politique publique des déchets, nous devons en prévenir la production ! Nous avons ainsi voté, en commission, la mise en place par les pouvoirs publics d’une trajectoire pluriannuelle de réduction de la mise sur le marché d’emballages à usage unique et instauré un système de pénalité financière pour les entreprises qui « suremballent ». Nous avons également souhaité associer les producteurs à cet enjeu en leur demandant de réaliser des plans quinquennaux de prévention et d’écoconception.
Nous avons aussi voulu améliorer la collecte de l’ensemble des emballages – et pas seulement des bouteilles en plastique comme le prévoyait le projet de loi via son système de consigne - en affectant une partie des contributions financières versées par les producteurs au financement d’un programme d’amélioration de la collecte séparée hors foyer. Cette mesure entraînera une amélioration très concrète de la collecte hors foyer de l’ensemble des emballages plastiques.
En séance publique, le Sénat a complété le texte en créant un nouveau titre liminaire fixant des objectifs ambitieux de réduction des déchets, notamment plastiques : réduction de 50 % de mise sur le marché français d’emballages en plastique à usage unique en 2030, puis de nouveau de 50 % entre 2030 et 2040, réduction des déchets ménagers de 15 % d’ici 2030 par rapport à 2020... Nous avons également élargi l’interdiction de distribution gratuite dans les établissements recevant du public et les locaux à usage professionnel de bouteilles d’eau en plastique, qui avait été adoptée en commission, à toutes les bouteilles en plastique contenant des boissons.
Sur la consigne, nous avons voulu apporter de la clarté aux débats. Le texte du Gouvernement était très vague et nous n’avons malheureusement pas réussi à obtenir d’informations précises sur l’intention derrière ce dispositif. Nous avons donc recentré le dispositif de consigne sur le réemploi. En effet, pourquoi ne pas laisser ouverte la possibilité d’une consigne pour réemploi si elle s’avérait bénéfique d’un point de vue écologique ? En revanche, la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique constitue un non-sens écologique en ce qu’elle pérennise la production de plastique à usage unique (en lui donnant même une prime !). Elle entraînerait en outre une perte de pouvoir d’achat pour le contribuable et impacterait négativement les finances des collectivités territoriales.
En séance publique, mes collègues et moi-même avons sécurisé les conditions de mise en place d’un éventuel dispositif de consigne pour réemploi, en y adossant une étude d’impact préalable, une analyse de son bilan environnemental, un affichage clair du montant de la somme consignée et enfin un maillage territorial équilibré des points de reprise des produits consignés.
Pour aller encore plus loin dans la prévention de la production des déchets, nous avons renforcé le projet de loi sur le volet « réparation ». Ainsi l’instauration d’un fonds de réparation financé par les éco-contributions a été décidé en commission, permettant ainsi de prendre en charge une partie des coûts de réparation d’un produit par des réparateurs labellisés. La commission a également prévu de fixer des objectifs de réparation au sein des cahiers des charges des éco-organismes. Il est important de souligner que la réparation constitue un formidable atout environnemental et social en permettant la création d’emplois non délocalisables tout en soutenant le pouvoir d’achat.
Le Sénat a également souhaité faire du réemploi un pilier incontournable de l’économie circulaire : au-delà du recentrage du dispositif de la consigne sur le réemploi, il a ainsi prévu que 5 % du tonnage des déchets doivent être réemployés ou réutilisés d’ici 2030. D’autres dispositions ont été adoptées pour permettre à la politique nationale du réemploi de changer d’échelle. Le Sénat a ainsi créé un fonds spécifique pour le réemploi solidaire, fruit d’une proposition transpartisane. Ce fonds doit contribuer au développement et au fonctionnement d’associations œuvrant à la prévention des déchets notamment par le réemploi et la réutilisation.
Enfin, le dernier point majeur de ce projet de loi est la lutte contre les dépôts sauvages. En la matière, l’exécutif souhaitait légiférer par ordonnance mais il nous a semblé que ce débat méritait d’être discuté publiquement au cours de nos débats.
Ainsi, nous avons fait voter la possibilité de transférer la compétence de police des dépôts sauvages aux intercommunalités, avec l’accord des maires. Nous avons également voulu renforcer les pouvoirs de police du préfet en matière de lutte contre les véhicules usagés illégaux et enfin, fait valoir des dispositions complémentaires telles que les éco-contributions versées par les producteurs afin qu’ils contribuent également à financer le nettoyage des dépôts sauvages.
Dans la continuité des travaux de la commission, le Sénat a renforcé en séance publique les leviers répressifs à disposition des élus locaux pour lutter contre les dépôts sauvages. Il a ainsi créé une procédure simplifiée permettant aux communes de faire financer d’office les travaux de dépollution par les auteurs de dépôts. Le Sénat a également prévu qu’en cas de récidive, le tribunal puisse prononcer la confiscation du véhicule ayant permis au contrevenant de procéder au dépôt illégal de déchets.
Les débats en séance publique ont également souligné l’importance de prévenir, en amont, la constitution des dépôts sauvages. En complément de la filière de responsabilité élargie du producteur sur les mégots de cigarettes, inscrit dans le projet de loi initial, le Sénat a prévu la création d’une filière spécifique au chewing-gum afin de financer la prévention et le nettoyage de la voie publique.
Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a finalement été adopté par le Sénat le 27 septembre à la quasi-unanimité (343 votants ; 342 voix pour et 1 voix contre), signe d’un travail transpartisan important et d’une méthode appréciée. ■
* Rapporteur du Projet de Loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire