Ambulatoire, un adjectif pour désigner la chirurgie d’un jour, ramenée à 12 heures, c’est le cheminement du patient, qui ne commence pas à l’entrée du service hospitalier, qui ne s’arrête pas à la sortie mais qui englobe toutes ses dimensions, notamment médico-social, avec un « dogme », sa sécurité, le « jusqu’où ne pas aller » qui relève de la qualité et de la sagesse de l’équipe soignante.
En amont et en aval de ce parcours de soins, c’est l’intelligence du collectif, à tous niveaux, du brancardier à l’infirmière, du chirurgien aux soignants de ville, au service du patient, pour et avec lui. C’est l’essence même d’une médecine d’anticipation qui progresse avec l’accélération des connaissances et l’arrivée de nouvelles technologies, avec des équipes formées, prenant le temps d’écouter le patient, s’appliquant à l’associer à la compréhension du soin, dans le respect de son autonomie, à l’inciter à se prendre en charge (c’est l’exemple du « patient debout »), tout en recueillant son consentement libre et éclairé, et s’inscrivant dans une démarche éthique.
Une chirurgie d’excellence ! Rendons ici hommage aux pionniers de la chirurgie ambulatoire (CA) qui ont déployé toute leur énergie pour convaincre leurs pairs, les organismes de santé de leur démarche : aujourd’hui, s’ils ont gagné la confiance de tous, de par leur qualité, cela incite notre système de santé à se repenser à l’aune de ce cheminement. Un temps pour repenser notre système de santé, le temps du « Ségur de la santé » avec les soignants, avec les patients, en bonne intelligence avec les organismes de santé, pour une gouvernance partagée, au plus près des attentes et des besoins des territoires, avec leurs spécificités et leurs fragilités, pour une confiance retrouvée. C’est ce qu’ont tenu notamment à rappeler les représentants des ARS auditionnés, reconnaissant que désormais l’accompagnement portait davantage sur un objectif de qualité, de pertinence, d’équité d’accès aux soins.
L’objectif de 70 % d’actes en CA versus chirurgie conventionnelle (CC), d’ici 2025, est un objectif global, atteignable mais révélant des disparités en fonction des territoires, des compétences, des moyens, des établissements de santé publics ou à caractère lucratif, des volontés dans les orientations des établissements et des équipes soignantes d’inscrire la CA comme un objectif prioritaire…
De nombreux outils ont permis la progression régulière de la CA : des mécanismes incitatifs tels la mise sous accord préalable (dont il faut systématiser l’étude des effets à long terme sur la transformation des séjours de CC en CA), des outils prospectifs et d’évaluation tels « visuchir » mais il est aussi nécessaire d’assurer un meilleur suivi des réhospitalisations (tout en déclinant les indicateurs par racine de groupement homogène de patients), des déprogrammations d’opérations. Si on n’imagine plus aujourd’hui opérer une cataracte en dehors d’un acte de CA, de même pour de nombreux actes en chirurgie orthopédique, urologique, digestive ou sinologique, en lien avec l’éligibilité du patient, l’éventail des soins s’est considérablement enrichi et un pallier a été franchi.
Ce pallier est significatif du lien indissociable de la CA et de la CC, à travers la récupération améliorée après chirurgie (RAAC) qui a permis la réduction du temps d’hospitalisation, la réduction significative du taux d’infections nosocomiales et de complications immédiates ou différées post chirurgicales, avec l’attention, en CA comme en CC, portée au retour à domicile du patient, avec la lettre de liaison, l’appel du lendemain et la coopération des acteurs de soins en ville, médecins de ville, infirmières, kinésithérapeutes, pharmaciens, aides à domicile, travailleurs sociaux…
Ce retour à domicile est également conditionné par la qualité de la consultation, sa reformulation, en amont de l’acte chirurgical, dans la bonne connaissance du patient, des possibles freins médicaux, sociaux, culturels et économiques, rendant caduques la réalisation de l’acte chirurgical :
Imaginez - vous monter vos trois étages sans ascenseur, vous laver sans une douche adaptée, après avoir été opéré d’une hernie inguinale en CA, être ponctuel pour un rendez - vous très matinal quand vous êtes très éloigné de l’établissement de santé, sans moyens de locomotion...
Une chirurgie d’excellence n’est excellente que si elle est accessible à tous et on comprend ainsi toute une politique sociale, comme l’intérêt de doter tous les bâtiments d’habitations collectifs dès 2020 de « douches à l’italienne » !
Ce sont tous ces détails d’importance qu’il faut résoudre afin de tendre à l’objectif de 70 %, cette dimension sociale, intrinsèquement liée à l’acte médical, participant à la qualité de prise en charge et qui relève de la communion de pensée d’un collectif basé sur le « care », le prendre soin.
La généralisation des hôtels hospitaliers, tendre vers un reste à charge zéro, notamment pour les patients les plus fragilisés, avec une prise en charge médico - sociale globale, tenant compte des freins d’accès aux soins, participent à la réalisation de cet objectif ambitieux, au sens noble du terme. (L’audition des responsables d’ATD Quart Monde a amené un éclairage particulier à ce rapport qui a recueilli l’unanimité des membres de la Commission des Affaires Sociales ; compétences, confiance, sécurité, solidarités, autonomie, interface ville - hôpital, en voilà les maîtres - mots.)
La CA, c’est aussi une chirurgie programmée, requérant technicité et compétences, mue par un esprit d’équipe et nécessitant une formation continue (d’où l’évaluation du respect du cadre réglementaire relatif à la formation des personnels) pour garantir un très haut niveau de qualité. Cela participe à la reconnaissance d’un personnel motivé, et par extension, à la renommée et au rayonnement de l’établissement de santé.
La reconnaissance passe aussi par la réforme d’une politique tarifaire illisible et incomplète qui doit s’appuyer sur le paiement à l’épisode de soins (et non plus à la rémunération d’actes isolés nuisant à la coordination, la coopération et in fine à la qualité de la prise en charge) intégrant l’ensemble des acteurs de la filière, en amont comme en aval : intéressement financier des personnels soignants, grands oubliés du système de soins, face à la forte tentation « d’engranger l’ensemble des économies à court terme générées par la CA... dans une vision court-termite et comptable des pouvoirs publics », investissement pour une modernisation du parc hospitalier, des blocs chirurgicaux et des structures attenantes, investissement dans les outils numériques, dans le recrutement de personnel et meilleure gestion dans les flux et l’organisation, dans la mise en place d’équipes territoriales dédiées à la CA au sein des Groupements hospitaliers de territoire (GHT), au plus près des besoins.
La reconnaissance passe aussi par une réforme de la gouvernance associant les acteurs de santé de la filière CA au sein des commissions médicales d’établissement, intégrant la commission des soins et les professionnels de santé libéraux.
En conclusion, la chirurgie ambulatoire, dans son histoire, a toujours montré la voie d’un système de santé visionnaire, un modèle de réussite collective participant à l’excellence française, confiante en ses soignants, anticipatoire d’un système de santé à repenser, s’inscrivant dans le « Ségur de la santé ». ■
* Auteur avec Nadia Ramassamy du rapport d’information n°3350 : « La chirurgie ambulatoire : une filière d’excellence centrée sur le patient, acteur de santé »